FLUXUS
L'esprit Fluxus
L'esprit Fluxus – le titre retenu par le Walker Art Center de Minneapolis et les musées de Marseille pour la grande exposition organisée en 1993 – répond selon Dick Higgins aux critères suivants : « internationalisme, expérimentalisme, iconoclastie, intermedia, résolution de la dichotomie art/vie, implication, jeu ou gag, fugacité et spécificité ». Si on met provisoirement de côté l'opposition art/vie – il n'est pas sûr que ce que nous appelons « art » soit l'antithèse d'une supposée « vraie vie », et le bel aphorisme de Filliou, « l'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art », laisse la question où elle doit être, c'est-à-dire définitivement en suspens – on peut créditer l'esprit Fluxus d'avancées très significatives : la réhabilitation du travail collectif, auquel les dadaïstes et les futuristes s'étaient essayés, le renouveau de l'art typographique et de la poésie dite sonore ou concrète, la prise en main par les artistes de leur destin, via le contrôle des circuits de distribution, la critique assumée du marché de l'art et de sa folie, un refus en actes des préjugés nationaux, racistes ou machistes : la mouvance Fluxus, internationaliste au sens strict, inclut de plein droit nombre d'artistes asiatiques, est-européens, afro-américains, les femmes y sont plus représentées que dans n'importe quelle tendance de l'art dans les années 1960 et 1970. Fluxus n'est pas sans contradictions : ce mouvement libertaire aura eu besoin d'un Maciunas autoritaire, appelant à l'émancipation radicale. Celui-ci n'a cessé de revendiquer une généalogie (il n'est qu'à regarder son Diagram of Historical Development of Fluxus, 1966) et son aspiration à la nouveauté a cultivé la nostalgie du latin – fût-il de cuisine – dans le choix des titres des manifestations (Musica Antica et Nova en 1961, Festum Fluxorum en 1962, Excreta Fluxorum en 1972...). Fluxus se présente, non comme une esthétique, mais comme une éthique du non-conformisme, à laquelle la plupart des artistes se sont remarquablement tenus. L'historien Arnaud Labelle-Rojoux en fait avec beaucoup de justesse les héritiers contemporains de la sagesse subversive de Diogène et des cyniques.
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Écrit par
- Didier SEMIN : professeur à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris
Classification
Média
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