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FOI

Dans le vocabulaire actuel, le mot « foi » désigne habituellement une croyance religieuse ou une croyance morale, c'est-à-dire l'engagement d'un individu au service d'un idéal auquel il croit. Nous avons cependant conservé une autre acception du mot : la bonne foi, synonyme de sincérité, de loyauté. Cette seconde acception se retrouve principalement dans les contextes juridiques. Par exemple, « faire une déclaration sous la foi du serment » ; juger qu'un témoin est « digne de foi » ou qu'un document « fait foi », c'est-à-dire peut servir de preuve en cas de contestation. Nous avons donc une distinction à faire entre la foi-croyance et la foi-loyauté. Quel rapport y a-t-il entre les deux ? L'évolution des mœurs nous porte aujourd'hui à traiter séparément les deux notions. Pourtant au xviie siècle existaient encore de nombreuses expressions où le mot foi indiquait non pas ce que l'on croit mais ce qui est crédible et mérite confiance. Nous ne disons plus guère : « par ma foi ; engager sa foi ; la foi du mariage ; la foi jurée ; etc. ». Ces formules ont vieilli ; elles tenaient leur signification de pratiques rituelles issues du Moyen Âge ou de l'Antiquité. Nous avons perdu l'habitude d'associer le mot foi à la crédibilité ou à la fiabilité ; nous l'associons plus spontanément à la croyance, à la conviction affirmée. Par exemple, les membres d'une communauté religieuse sont appelés aujourd'hui des croyants alors que la tradition les désignait comme des fidèles, ce qui veut dire que la foi-croyance était elle-même comprise comme une loyauté à l'égard des engagements pris, un attachement sincère et donc fiable à la tradition commune.

Nous verrons qu'il est possible de construire un modèle théorique qui rende compte des divers usages du mot foi. Ce modèle théorique peut se formuler de la manière suivante. La foi est l'engagement d'une relation de confiance entre deux personnes (humaines ou divines). Cette relation peut s'entendre au sens actif (la confiance que je fais) ou au sens passif (la confiance qui m'est faite). Au sens actif, la foi est ce qui me rend croyant, confiant. Au sens passif, la foi est ce qui me rend crédible, fiable. Dans cette double acception active et passive, la foi est la vertu du témoignage, l'honneur d'une parole non seulement donnée mais reçue.

Ce modèle théorique servira de fil conducteur pour éviter de se perdre dans les méandres de l'histoire. En effet, notre concept de foi a recueilli en lui un triple héritage : le latin fides le grec pistis et l'hébreu emounah. En examinant ce triple héritage, nous verrons que le latin et l'hébreu tendaient à privilégier le sens passif de la foi-loyauté, celle qui rend fiable, bien que la conception du loyalisme soit radicalement différente suivant que la loyauté est acquise par le sens de l'État chez le citoyen romain ou par la fidélité à la Loi divine chez le juif pieux. Dans les deux cas, ce qui est mis au premier plan, c'est la foi qui rend fiable, la bonne foi, la loyauté de l'individu à l'égard de la société dans laquelle il vit, ce qui n'exclut pas que, secondairement, l'idée de la foi-croyance puisse être exprimée dans certains contextes particuliers. En revanche, dans le grec du Nouveau Testament, le sens actif de la foi qui rend croyant passe au premier plan à l'intérieur d'une théologie fortement élaborée. Alors que la piété rituelle était la vertu fondamentale des religions antiques, le christianisme a marqué son originalité en faisant de la foi la source de toutes les valeurs religieuses. L'émergence doctrinale de la foi-croyance en langue grecque avait été préparée par les philosophes et les rhéteurs lorsqu'ils avaient mis en discussion les « croyances » populaires.[...]

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