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SÉFÉRIS GEORGES (1900-1971)

Premier prix Nobel (1963) de la Grèce moderne, Georges Séféris occupe sans doute, dans la littérature de son pays, une des places les plus prestigieuses. Reflétant la crise profonde créée par le désastre d'Asie Mineure (1922), sa poésie, chronique d'un naufrage, méditation sur les ruines ou recherche d'un nouvel équilibre, ne tâche pas moins d'engager, à travers son pessimisme et son désespoir résigné, un dialogue avec l'histoire. Si, un certain moment, rencontrant la poésie pure ou celle de T. S. Eliot, Séféris put s'aligner sur l'avant-garde européenne, il ne s'est jamais détaché de sa vision essentiellement hellénique : on a toujours affaire à un Ulysse anti-héros et sans Ithaque, fatigué par les voyages et les guerres, qui ne cherche qu'un domicile, à la fois paradis perdu et identité.

Un déraciné

Fils aîné de Stélio et Despo Séfériades, le poète, né à Smyrne, connut une enfance heureuse. Son père ne manquait pas de qualités : juriste, plus tard professeur de droit international à Athènes, républicain convaincu et partisan de la langue populaire, il publia des poèmes et des traductions. En 1914, la déclaration de guerre obligea la famille Séfériades à s'installer dans la capitale, où le poète termina ses études secondaires. Étudiant en droit à Paris, de 1918 à 1924, il y apprend, en 1922, la débâcle d'Asie Mineure : l'armée grecque est vaincue, Smyrne incendiée par les Turcs, les populations helléniques chassées des côtes orientales de la mer Égée.

Séféris choisit la carrière diplomatique. À partir de 1926 et jusqu'aux dernières années de sa vie, il reste au service du ministère des Affaires étrangères, assumant souvent des responsabilités importantes. Ses postes, en Europe et en Asie, se succèdent, ses déplacements à l'étranger sont continuels. Il n'est pas étonnant que trois recueils de ses poèmes s'intitulent Journal de bord. Obligé de vivre loin de son pays, il n'en cache pas la blessure : « Où que me porte mon voyage, la Grèce me fait mal. » Lorsque, enfin, retiré du service public, il se fixe à Athènes pour s'occuper exclusivement de son œuvre, le coup d'État militaire de 1967 le voue au silence, décidé à ne rien publier, en signe de protestation ; il est mort sous une dictature qu'il désapprouva formellement.

Cette vie de voyageur errant n'est pas pour rien dans la conception d'une Odyssée nationale, symbole du sort hellénique. Un autre auteur grec, Nikos Kazantzaki, ne fut pas moins sensible au destin d'Ulysse. Liant son expérience personnelle à celle de ses compatriotes, Séféris sut et put construire sa mythologie sur les bases d'un drame commun. Déraciné plutôt que dépaysé, il cherche en vain à s'implanter dans un sol qui ne lui appartient pas. Ses compagnons sont définitivement restés « dans l'autre vie, l'engloutie » ; aucun changement n'est possible ; la Grèce entière, comme l'Atlantide, sombre sous le poids de ses pierres. La vision de Séféris n'est que celle d'une submersion ; son cerveau demeure toujours « une forêt vierge d'amis assassinés » ; réfugié, prisonnier ou « homme devenu lui-même marchandise », il se déplace dans l'espace et dans le temps, écrivant son éternel poème, journal de la défaite et de l'aliénation.

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Écrit par

  • : professeur de littérature néo-hellénique à l'université de Salonique

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Autres références

  • MYTHOLOGIE, Georges Séféris - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 948 mots

    Être grec en pays étranger, condamné par l'exil à la nostalgie du pays natal, tel est le destin de Georges Séféris (1900-1971) naît à Smyrne, sur une terre qui n'allait pas rester longtemps grecque. Fils d'un intellectuel qui fit ses études en France, Séféris entre à l'École normale classique...