GROUPE 63 (GRUPPO 63)
Entre le 3 et le 8 octobre 1963 se tint à Solanto, près de Palerme, un congrès d'hommes de lettres. Les tendances les plus disparates et les individualités les plus isolées eurent l'occasion de confronter leurs travaux récents. On parla, à propos de cette réunion, d'une violente attaque des jeunes écrivains contre les valeurs littéraires établies. En fait, personne ne faisait figure de jeune écrivain et le Groupe 63 n'était pas un mouvement ; aucune revue, aucune collection ne furent créées pour accueillir et rendre publique la production de ces intellectuels. Les personnalités présentes avaient toutes entre trente et quarante-cinq ans et représentaient à l'époque une génération nouvelle jouant un rôle dans l'« establishment » littéraire italien. Les journées de l'hôtel Zagarella furent donc une occasion pour tous de vérifier la température de la littérature nationale. Il en reste un document, Gruppo 63 (1964), rédigé par Nanni Balestrini et Alfredo Giuliani. Cet ouvrage présente des textes de trente-quatre écrivains lus et discutés en Sicile devant un auditoire qui comprenait également des artistes et des musiciens. Les débats de ces journées d'études furent extrêmement riches et positifs pour chacun des participants ; on reconnut l'influence prépondérante de Joyce, de Proust, de Musil ; on mit en valeur l'importance de Faulkner, de Borges et de Gadda ; l'intérêt se porta surtout sur le nouveau roman, et le réalisme de l'après-guerre fut critiqué en fonction des nouvelles exigences de la génération au courant du structuralisme. Umberto Eco, qui participait à ces journées, parla d'« une génération qui tente d'intégrer à la vision de l'homme les instruments à travers lesquels, inévitablement, ce dernier pourra se réaliser ». Certaines personnalités qui avaient animé le Groupe 63 ont manifestement suivi un chemin parallèle. La revue Tel Quel, qui accueillait déjà avec estime Edoardo Sanguineti, porte-parole des nouveaux écrivains italiens, publia par la suite dans sa collection ceux qui, comme Balestrini, se proposaient de produire des textes en rupture avec la vision mécaniste et idéaliste de l'histoire : Nous voulons tout (Vogliamo tutto, 1971) est le monologue d'un ouvrier méridional qui a participé aux grèves sauvages des usines Fiat ; son langage est celui de sa classe sociale et de son inconscient. Les centres d'intérêt des écrivains qui ont partagé l'expérience du Groupe 63 se portent sur le langage inséré dans l'histoire et dans l'inconscient : Marx, Freud et le structuralisme sont à la base de leur réflexion. Les poètes Antonio Porta et Lamberto Pignotti, quant à eux, ont poursuivi la recherche de Sanguineti vers un langage qui puisse saisir l'individu dans sa totalité pensante et agissante. Sur les traces de Gadda, Alberto Arbasino, toujours à la limite du roman-essai (Super-Eliogabalo, 1969), allait expérimenter le pastiche des genres littéraires...
Est-ce parce que les esthétiques étaient trop diverses, les individualités trop marquées ? Le Groupe 63 ne résista guère, en tout cas, aux violentes divergences qu'avait fait naître le débat autour des notions d'avant-garde et de révolution littéraires.
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Écrit par
- Giovanni IOPPOLO : professeur habilité à diriger des recherches en art moderne et contemporain
Classification
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