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MARCUSE HERBERT (1898-1979)

Marcuse - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcuse

Les plaisanteries, l'admiration et l'affection donnaient un style de fête de famille au service célébré à la mémoire de Herbert Marcuse, le 26 octobre 1979, dans « son » université de Californie, San Diego. Un très vieil ami, Leo Lowenthal, professeur à Berkeley, y ponctuait de boutades et d'anecdotes les témoignages venus de tous les points du monde rendre hommage au philosophe, au militant et à l'homme qu'on ne pouvait rencontrer sans être séduit. Mort en Allemagne, sa terre natale, le 29 juillet précédent (à Starnberg, près de Munich), Marcuse semblait parler encore dans ce langage né de lui. De plus en plus central dans sa pensée philosophique et révolutionnaire, un « style de vie » restait, après lui, sa présence.

Goguenard, il aimait l'insolence de la vie : le rire, les amis, les enfants. Marcheur, il murmurait des choses brusques et tendres aux arbres-fleurs et à tous les passants indociles à travers chemins – amoureux, joueurs, chats, chiens, poètes d'itinéraires imprévisibles. Pudique, il bougonnait de plaisir devant l'océan interminable et prenait à témoin, d'un geste vif, cette immémoriale et mouvante origine des vivants.

Né à Berlin en 1898, il gardait, il laissait revenir dans son américain un peu martelé, zébré de rires et de paradoxes, éclats de pensée, l'accent du pays où il avait passé trente-cinq ans avant d'avoir à le quitter, en 1932, pour fuir le nazisme. Commence alors une vie d'itinérant qui s'achève sur les plages extrêmes de l'Occident avec l'installation à San Diego, en 1966. En 1979, il y enseigne encore, par passion. Il est à son poste presque chaque jour, dans sa cabine de philosophe, bourrée de bouquins empilés, devant le décor de cette université aux blanches structures ajourées où des Diane et des Apollon circulent parmi les verts gazons. Il aime à recevoir des étudiants et des militants. Il mène là jusqu'au bout le combat d'une « pensée radicale », c'est-à-dire celle qui « témoigne d'une conscience radicale des conditions de vie régnantes » et se dresse contre toutes les formes de répression. C'est de là qu'il est parti pour un été vers la terre de son enfance. Il n'en est pas revenu. Il y est mort sans avoir été vieux, tel un chêne soudain abattu.

Vers la « pensée négative »

Une lente maturation a préparé les œuvres qui ont caractérisé son action philosophique et politique. Il a déjà cinquante-huit ans quand il publie Éros et civilisation, son premier livre « marcusien » ; soixante-six ans, quand paraît L'Homme unidimensionnel, manifeste de sa « théorie critique ». Dans les années qui suivent la guerre de 1914-1918 et la révolution bolchevique de 1917, inscrit au parti social-démocrate avant de le quitter après l'assassinat de Rosa Luxemburg, il est l'étudiant de Husserl et de Heidegger, avec lequel il prépare sa thèse sur L'Ontologie de Hegel et le fondement d'une théorie de l'histoire. Il acquiert une technique pour articuler ses questions, et une position d'où se faire entendre. Ce sera toujours un professionnel, aimant le travail bien fait et, paradoxe, redoutant les foules qui le cherchent. Il restera aussi un professeur, « le dernier professeur allemand », dit André Gorz, mais attentif et lié à la vie socio-politique, et bientôt marxiste, pour la vie, bien que sans adhérer au Parti communiste.

Il n'entre qu'en 1932 à l'Institut de recherches sociales de Francfort, dit École de Francfort, fondé en 1923 et dirigé depuis 1931 par Max Horkheimer. Mais il doit quitter l'Allemagne pour Genève (1932), Paris (1933), puis New York (1934), avec l'Institut. Les étapes de l'exil qui l'amène à enseigner tour à tour aux universités Columbia, Harvard et Brandeis comme professeur de philosophie[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Média

Marcuse - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

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