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INDONÉSIE L'Indonésie contemporaine

Nom officiel République d'Indonésie
Chef de l'État et du gouvernement Prabowo Subianto - depuis le 20 octobre 2024
Capitale Jakarta
Langue officielle Indonésien

Article modifié le

Au début du xxe siècle, les Hollandais ont réussi à imposer leur souveraineté sur tout l'archipel indonésien, unifié pour la première fois sous une même administration qui préfigure le cadre de la future Indonésie. Si la « politique éthique », qui propose de prendre en compte les intérêts de la population indigène, a permis certaines réformes, elle ne résout pas les problèmes sociaux. Exploitée, grevée d'impôts, livrée aux usuriers, la population, en majorité paysanne, réagit par des révoltes isolées de type messianique (mouvement Samin à Java). Peu à peu, pourtant, un mouvement nationaliste moderne, mais divisé, va se structurer. Non sans mal, car l'autorité coloniale surveille, arrête et exile ceux qui la contestent.

Le mouvement nationaliste (1908-1941)

C'est une période d'intense fermentation politique : la victoire du Japon sur la Russie (1905), les jeunes-turcs, le mouvement révolutionnaire chinois (1911) et, un peu plus tard, la révolution russe ouvrent de nouvelles perspectives. Diverses organisations se constituent dans les Indes néerlandaises contre l'oppression coloniale : le premier syndicat (cheminots), puis le Budi Utomo (1908), association d'étudiants javanais issus de la petite aristocratie, qui se fixe des objectifs éducatifs et sociaux « pour libérer le peuple de la nuit de l'ignorance » ; plus radical, l'Indische Partij (1912) de l'Eurasien Douwes Dekker et des Javanais Tjipto Mangunkusumo et Ki Hadjar Dewantoro, exilés l'année suivante, revendique les Indes pour tous leurs habitants, sans distinction de race ou de religion, dépassant ainsi pour la première fois les limites communalistes ; le Sarekat Islam (Union musulmane, 1912), d'abord créé pour défendre les fabricants de batik contre leurs concurrents chinois, devient, sous l'impulsion de Tjokroaminoto, la première organisation nationaliste de masse. Il connaît un essor rapide dans les campagnes (1912 : 4 500 membres ; 1916 : 360 000). À la même époque, le renouveau de l'Islam se marque aussi par la création de la Muhammadijah, association moderniste à buts sociaux et religieux, influencée par le courant réformiste venu d'Égypte.

C'est au sein du Sarekat Islam que vont se développer dans un premier temps les idées socialistes introduites par quelques Hollandais (H. Sneevliet). Au fil de ses congrès, le SI se radicalise, au point de condamner le « coupable » capitalisme étranger (1916), et réclame des réformes sociales. Des tensions de plus en plus graves opposent les nationalistes modérés à une aile gauche marxisante, prônant la lutte des classes et l'internationalisme et s'efforçant de capturer la direction du mouvement en s'appuyant notamment sur les syndicats. Une scission intervient avec la formation, en 1920, de ce qui deviendra le premier parti communiste d'Asie, le PKI. La rupture entre musulmans et communistes, irrémédiable en 1921, affaiblit le mouvement nationaliste.

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Tandis que le S.I. marque un repli, le PKI se montre très actif, encourage les grèves, étend son influence dans les campagnes. Ses dirigeants sont arrêtés les uns après les autres. Lorsqu'il lance, de manière aventurée et contre l'avis du Komintern, une insurrection révolutionnaire à Java et à Sumatra (1926-1927), la répression est immédiate : le parti est interdit, ses dirigeants exilés dans des camps.

Cependant, l'effort – quoique bien limité – entrepris du côté hollandais dans le domaine de l'enseignement, ajouté aux initiatives privées indonésiennes voulant pallier la discrimination raciale (écoles Taman Siswa et de la Muhammadijah), a permis à un plus grand nombre d'Indonésiens de recevoir une éducation plus poussée et d'avoir accès aux idées venues d'Occident. Quelques-uns parviennent à aller étudier aux Pays-Bas, ont des contacts avec la gauche hollandaise et approfondissent la critique du système colonial. Leur association Perhimpunan Indonesia, la première à utiliser le nom d'Indonésie, est une pépinière de futurs dirigeants. Aux Indes, où la jeunesse de Java et des autres îles commence à se mobiliser, des « clubs de réflexion » s'organisent sous leur impulsion. Celui de Bandung révèle un jeune ingénieur, Sukarno, qui, grâce à son extraordinaire pouvoir oratoire, entreprend de mobiliser les masses sur des mots d'ordre nationalistes laïques. Réalisant la synthèse des valeurs traditionnelles et des idées modernes, il s'efforce de rétablir l'unité du mouvement nationaliste au-delà de l'Islam et du marxisme qu'il revendique également. Son souci de l'unité nationale lui fait toutefois rejeter la lutte des classes. Le Parti national ( PNI), qu'il fonde en 1927, refuse la coopération, réclame l'indépendance immédiate et la démocratie sociale. Il devient à son tour le fer de lance du mouvement nationaliste. L'idée d'une Indonésie unie et indépendante a fait son chemin : « Une patrie, une nation, une langue », proclame le « serment de la jeunesse » en octobre 1928. La réaction ne tarde pas : Sukarno est arrêté une première fois (1929), occasion pour lui de prononcer devant ses juges un réquisitoire anticolonialiste passionné : « L'Indonésie accuse ! », puis une deuxième fois alors qu'il dirige le Partindo, héritier du PNI dissous. Son exil à Florès montre la fragilité de son mouvement qui n'a pas réussi à mobiliser les masses populaires de façon durable. Mais la tendance rivale ne réussit pas mieux : Mohammed Hatta et Sjahrir, rentrés des Pays-Bas, avaient entrepris de constituer un parti de cadres plus valable à leurs yeux que l'action de masse, ils sont eux aussi internés (1934).

Entre-temps, la crise de 1929 a frappé de plein fouet les Indes néerlandaises, productrices de matières premières (sucre, coprah, caoutchouc, huile de palme, café, thé, étain, pétrole) et dépendant étroitement des cours mondiaux qui s'effondrent. Le chômage, la misère sévissent. La nécessité d'éviter des troubles justifie une répression préventive accrue. Après ce coup d'arrêt, les revendications vont prendre un tour plus institutionnel. En 1918 avait été constitué un Volksraad, conseil consultatif à trois collèges où les députés indonésiens étaient une minorité. Certains avaient espéré, mais en vain, qu'il jouerait peu à peu le rôle d'un parlement. C'est pourtant le lieu où s'expriment certaines demandes nationalistes. En 1936, une pétition assez modérée y est présentée qui réclame pour les Indes le self-government à l'intérieur d'une communauté hollandaise. La métropole refuse d'entendre. Cependant, tandis que les partis plus conservateurs forment le Parindra (1935), la montée des fascismes suscite un regroupement des forces de gauche, le Gerindo (1937), qui se veut antifasciste avant d'être anticolonial. La revendication pour des réformes politiques prend un nouvel élan. En 1939, le G.A.P.I., Groupement nationaliste antifasciste, auquel s'associeront conditionnellement les formations musulmanes (la Muhammadijah et le Nahdatul Ulama représentant depuis 1926 l'islam orthodoxe, regroupés depuis 1937 au sein du MIAI, Conseil des musulmans d'Indonésie), réclame pour l'Indonésie le droit de se gouverner elle-même et un parlement représentatif. Alors que le pouvoir colonial joue la décentralisation et encourage la division régionale, le GAPI fait adopter à un congrès du peuple indonésien (1939) des symboles unitaires : la langue indonésienne, le drapeau rouge et blanc et l'hymne national, et, un peu plus tard (1941), il crée un Conseil du peuple indonésien, ébauche de l'assemblée représentative tant demandée. Mais les espoirs des nationalistes seront déçus une nouvelle fois : le gouvernement hollandais réfugié à Londres après l'invasion allemande est moins prêt que jamais à considérer des réformes politiques et remet à l'après-guerre tout examen d'une modification des rapports avec sa colonie.

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Écrit par

  • : directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Paris
  • : chargée de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Médias

Guerre dans l'océan Indien, 1941 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Guerre dans l'océan Indien, 1941

Prisonniers de guerre néerlandais - crédits : Keystone/ Getty Images

Prisonniers de guerre néerlandais

Sukarno, 1945 - crédits : Express Newspapers/ Hulton Archive/ Getty Images

Sukarno, 1945

Autres références

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    • 847 mots

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