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DANIÉLOU JEAN (1905-1974)

Homme d'Église, homme d'action, mais aussi agrégé de l'Université et docteur ès lettres, Jean Daniélou a réalisé une œuvre scientifique considérable. Il a été l'un des premiers et principaux artisans du renouveau des études patristiques. En 1942, en pleine guerre, il fonde, avec son aîné le père Henri de Lubac, la collection Sources chrétiennes (éditions de textes patristiques, accompagnées de traduction et de commentaire), qui connaît un succès inattendu. Animateur et aussi théoricien, il publie en 1946 un article retentissant – qui soulève dans les milieux conservateurs de la curie romaine inquiétude et suspicions – où il montre tout le profit que la théologie, la pensée et la vie religieuses d'aujourd'hui peuvent retirer d'une étude vraiment scientifique des Pères, menée avec toute la rigueur de la méthode historique.

Sa contribution personnelle à ce chantier collectif peut, quant à l'essentiel, être regroupée sous trois rubriques.

C'est tout d'abord par ses recherches sur la pensée de Grégoire de Nysse, auquel il consacre sa thèse en 1944 et toute une série d'articles, qu'il fait œuvre de pionnier. Avec Hans Urs von Balthasar, alors son confrère dans la Compagnie de Jésus, Daniélou est le premier historien de langue française à mettre en lumière la grandeur de cette pensée, dont l'importance est aujourd'hui indiscutée (depuis 1969 des colloques internationaux lui sont régulièrement consacrés), alors qu'elle était restée si longtemps et si curieusement négligée : Grégoire de Nysse, l'un des trois grands Cappadociens du ive siècle (avec son frère aîné saint Basile et leur ami commun saint Grégoire de Naziance), a été un très grand penseur, original, hardi jusqu'à l'imprudence, le plus philosophe des Pères (avec, en Occident, saint Augustin), un théologien, un mystique, l'un des plus profonds théoriciens de l'expérience mystique dont l'influence, directe ou médiatisée, se révèle de jour en jour plus considérable sur tout le développement de la théologie ultérieure non seulement dans l'Église grecque, mais aussi dans l'Église latine et les Églises orientales – jusqu'aux plus lointaines.

Daniélou s'est ensuite attaché à renouveler l'exégèse biblique. Dans son article-programme de 1946, Daniélou souligne l'interdépendance des trois grands mouvements qui se développent parallèlement dans la pensée catholique, les trois renouveaux biblique, patristique et liturgique. De façon significative, il inaugure la collection Sources chrétiennes par une des œuvres majeures de Grégoire de Nysse, cette Vie de Moïse qui, commentant le récit de l'Exode, montre dans la destinée du grand prophète juif le modèle de l'ascension spirituelle de l'âme chrétienne en marche vers la perfection. C'était mettre à la disposition du plus vaste public un exemple caractéristique de l'exégèse des Pères. Longtemps la Bible n'avait été utilisée, dans les milieux catholiques, qu'à titre de recueil de « lieux théologiques », fondements de la dogmatique ; elle était considérée comme le domaine propre de spécialistes, les exégètes et les apologistes ; elle ne jouait pas dans la vie le rôle de premier plan qui lui revenait en milieu protestant. Or l'œuvre des Pères, très largement constituée par des commentaires de l'Écriture, attestait qu'autrefois la Bible avait été pour les âmes croyantes une nourriture à laquelle on faisait appel – parallèlement et à l'égal de l'eucharistie – pour entretenir et raviver la vie spirituelle, par toute une gamme d'interprétations permettant d'appliquer le texte sacré aux besoins de la vie intérieure.

Daniélou consacre de nombreux travaux à cette exégèse spirituelle des Pères, à première[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, membre de l'Institut

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