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DUBUFFET JEAN (1901-1985)

L'œuvre de Jean Dubuffet occupe une place majeure dans le paysage artistique de la seconde moitié du xxe siècle. C'est le premier paradoxe d'un artiste qui a refusé la culture occidentale dominante, les écoles, les courants, les techniques enseignées, mais qui a déployé ses efforts pour donner à l'art brut un statut artistique et qui s'est attaché à valoriser la matérialité du travail artistique, en expérimentant de multiples techniques.

Dubuffet rejetait les catégories du langage, l'emprise de la syntaxe, mais sa correspondance a révélé l'étendue de ses lectures et on sait qu'il a hésité entre deux activités, écrire ou peindre, sans jamais renoncer à l'écriture (Jean Paulhan d'ailleurs encourageait vivement en lui l'écrivain). Dernier paradoxe, son refus de l'accumulation du savoir ne l'empêchait pas de faire appel à l'activité mentale du spectateur, « l'art s'adresse à l'esprit et non aux yeux », écrit-il. Pour comprendre la complexité de son œuvre, il faut aussi réévaluer les liens de celle-ci avec l'art brut et l'importance qu'avait l'écriture pour l'artiste.

Les années d'initiation

La vocation artistique de Jean Dubuffet, né au Havre en 1901 dans une famille de négociants en vins, débute dès l'immédiat après-guerre. Arrivé à Paris en 1918, il se détourne rapidement de l'enseignement de l'académie Julian pendant que se déroulent les événements dada, nihilistes et provocateurs. Avec Georges Limbour, son ami d'enfance, il suit la bohème littéraire et artistique de Montmartre (Suzanne Valadon, Élie Lascaux, Max Jacob), se passionne pour les Ballets russes de Diaghilev et fréquente, à partir de 1922, l'atelier d'André Masson, rue Blomet, où se retrouvent Michel Leiris, Antonin Artaud et Max Jacob. Ses premières peintures sont alors influencées par André Masson, et il emprunte à Fernand Léger sa conception d'un art ancré dans la vie quotidienne, banale et populaire.

En décembre 1924, après avoir détruit la plupart de ses peintures et peu de temps après la publication du Manifeste du surréalisme, il part pour Buenos Aires tenter l'aventure. Déçu, il revient au Havre en 1925, renonce à la création artistique et entreprend une carrière de négociant en vins, dont il s'écarte huit ans plus tard pour réaliser des masques, des personnages de guignol et visiter de nombreux musées. Mais en 1937, il doit se consacrer de nouveau à son commerce.

Ce n'est qu'en 1942, durant l'Occupation, que Dubuffet s'adonne définitivement à la peinture. Véritable entrée sur la scène artistique parisienne, sa première exposition à la galerie Drouin à Paris Marionnettes de la ville et de la campagne (1944), préfacée par l'influent écrivain et éditeur Jean Paulhan, fait scandale et suscite de vives controverses.

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