JEU DE L'OIE
Jeu de parcours où l'on déplace des pions en fonction des résultats de deux dés, le jeu de l'oie constitue sans doute l'exemple le plus simple de sa catégorie. Dans sa forme « canonique », le jeu comprend 63 cases disposées en spirale enroulée vers l'intérieur et comportant un certain nombre d'« accidents ». Le but est d'arriver le premier à la dernière case. Le jeu de l'oie ne laisse aucune initiative aux joueurs : l'aléa y règne en maître puisque les dés et les accidents déterminent la marche des pièces.
Le nombre de joueurs n'est pas limité, mais il se situe généralement entre trois et huit. Chacun est muni d'un pion de couleur, souvent représenté par une petite oie, que l'on déplace sur le tablier de jeu. Avant chaque partie, les joueurs reçoivent une même quantité de jetons. Les concurrents prennent le départ à l'entrée de la spirale et doivent rejoindre la case centrale, à l'intérieur. Le premier arrivé avec un point exact a gagné. Le parcours comporte quatorze cases régulièrement disposées, ornées d'une oie, qui permettent de redoubler les points des dés. À ces cases bénéfiques, qui accélèrent la course, s'opposent des cases maléfiques, qui la retardent ou pénalisent le joueur en lui infligeant une amende. Ainsi les cases 6 (pont), 19 (auberge), 31 (puits), 42 (labyrinthe), 52 (prison) et 58 (mort) obligent le joueur qui y tombe à payer un certain nombre de jetons et à subir une contrainte : la case 19 oblige à passer son tour, les cases 31 et 52 fixent le pion qui ne peut la quitter tant qu'un autre n'a pas pris sa place, la case 42 renvoie à la case 37, la case 58 force à revenir à la case départ. Quand deux joueurs se retrouvent sur la même case, l'occupant initial doit aller occuper la case laissée libre par l'arrivant. Pour gagner, il faut arriver exactement sur la case 63. Si le nombre excède la distance à parcourir, le joueur doit rétrograder.
Présent en Europe depuis le xvie siècle, le jeu de l'oie s'est rapidement offert aux traitements iconographiques les plus divers. Si elles ne permettent aucune stratégie, les règles se prêtent à de multiples métaphores, historiques, mythologiques, éducatives, religieuses, politiques ou autres, que les fabricants n'ont pas manqué de multiplier au cours des siècles. Même le nombre de cases et la forme du parcours sont parfois modifiés. Si le jeu de l'oie est resté populaire dans certains pays d'Europe – France, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas –, ailleurs il est parfois remplacé par une variante, tel le Affenspiel (« jeu des singes ») en Allemagne. Dans les îles Britanniques, le goût des voyages a stimulé au xixe siècle la production de jeux de parcours géographiques, aujourd'hui un peu évincés par le populaire jeu des serpents et des échelles (snakes and ladders) venu du monde himalayen.
Les origines du jeu de l'oie sont difficiles à cerner. La plus ancienne trace assurée d'un tel jeu est constituée par un petit manuel du courtisan publié par Alonso de Barros à Madrid en 1587 : La Filosofia cortesana moralizada. Il s'agit du livret d'instructions pour un jeu de parcours (spiralé ?) à 63 cases, dont malheureusement le tablier est perdu. Mais les principes généraux – cases bénéfiques et maléfiques, obligation d'arriver exactement sur la dernière case – et la présence de deux dés sont bien ceux du jeu de l'oie. Deux ans plus tard, en 1589, l'archiduc Charles d'Autriche fait graver sur pierre pour ses enfants un vrai jeu de l'oie (canonique), mais sous le nom de Das khurtzweillige Fortuna-Spill (Graz, Landesmuseum Johanneum). Les archives des Stationers de Londres enregistrent le 16 juin 1597 le dépôt, par l'éditeur John Wolfe, de « the newe and most pleasant game of the goose »,[...]
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Écrit par
- Thierry DEPAULIS : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu
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