JEUX OLYMPIQUES La mascotte olympique
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À l'occasion des Jeux de Munich, en 1972, apparaît un petit personnage qui va progressivement s'inscrire dans le paysage olympique : la mascotte officielle. L'objectif de cette création est multiple : la mascotte doit mettre en valeur le concept des Jeux, évoquer l'histoire et la culture du pays hôte, véhiculer l'esprit olympique auprès du public, essentiellement des enfants ; surtout, elle doit générer de nouvelles recettes pour le comité d'organisation (vente de souvenirs, droits d'exploitation sous licence, etc.). Waldi, un teckel – chien très populaire en Allemagne –, choisi par les organisateurs des Jeux de Munich, est donc la première mascotte officielle des jeux Olympiques ; ses couleurs (le bleu, le jaune, le vert, l'orangé, déclinés dans différents tons) exprimeraient, selon son créateur Otl Aicher, la joie et la fête olympique ; son exploitation commerciale fait entrer plusieurs dizaines de millions de deutsche Mark dans les caisses. En réalité, Waldi n'est pas la première mascotte olympique, car le skieur Schuss était apparu aux Jeux de Grenoble, en 1968, mais il n'avait pas reçu le label olympique officiel.
Depuis lors, la mascotte olympique est devenue un petit élément indissociable des Jeux et de leur exploitation commerciale. La ville d'accueil est libre du choix de sa mascotte, mais celle-ci doit recevoir l'approbation du CIO avant d'être diffusée auprès du public. Quelques designers connus sont sollicités pour la création des mascottes. Le monde animal (castor, ours, raton laveur, loup, aigle, chouette, tigre, ornithorynque...), très familier des enfants, grands « consommateurs » de ce type d'objets, se voit largement mis à contribution pour servir de modèle aux mascottes.
La première mascotte officielle des Jeux d'hiver est Schneemann, un bonhomme de neige souriant, symbole de l'édition d'Innsbruck en 1976, alors que Montréal, la même année, choisit Amik, un castor (amik signifie castor en algonquin) qui symbolise le travail – un choix on ne peut plus judicieux, tant Montréal doit travailler d'arrache-pied pour réussir à organiser les Jeux en temps et en heure. En 1980, Lake Placid possède une mascotte en chair et en os, le raton laveur Rocky, mais celui-ci décède et Don Moss crée Roni, un raton laveur sur patins. La première mascotte olympique vraiment réussie est l'ourson Misha, imaginé pour les Jeux de Moscou par un dessinateur pour enfants réputé, Victor Chizhikov : celui-ci travaille six mois, décline l'ourson dans des dizaines de positions différentes, le choix définitif revenant aux téléspectateurs soviétiques (quarante mille personnes participent au vote) ; présenté en 1977, Misha devient célèbre dans le monde entier, les enfants le plébiscitent sous forme de peluche, et son effigie apparaît sur de multiples objets.
Si, pour les Jeux d'hiver de Sarajevo en 1984, le choix des lecteurs de plusieurs journaux yougoslaves consultés pour l'occasion se porte sur le loup Vucko, dessiné par Joze Trebec et de facture assez classique, le statut de la mascotte change avec les Jeux d'été de Los Angeles la même année, lesquels marquent le début de la « marchandisation » olympique. Robert Moore, des Studios Walt Disney, crée l'aigle Sam : d'une part, celui-ci reprend tous les symboles de la nation américaine, désireuse de marquer sa puissance alors que la guerre froide n'est pas éteinte (les couleurs bleu, blanc, rouge et les rayures de la bannière étoilée, le chapeau traditionnel de l'oncle Sam...) ; d'autre part, il a une apparence très joviale, laquelle marque l'optimisme de la nation et est destinée à ravir les enfants, première cible de la commercialisation de l'aigle Sam. En 1988, Calgary innove : les mascottes sont deux et inséparables (les ours polaires frère et sœur Hidy et Howdy). La même année, Séoul reprend l'idée : les tigres amicaux Hodori et Hosuni, coiffés d'un sangmo, un couvre-chef représentatif du folklore coréen, évoquent les traditions amicales des Coréens ; curieusement, même pour cet objet futile, on note une discrimination sexiste : Hodori, le mâle (dori signifie garçonnet en coréen), connaît un grand succès, alors qu'Hosuni (suni pour fillette), sa compagne, se voit boudée et les objets souvenirs portant son effigie sont très rares.
Si Magique, le lutin bleu créé par Philippe Mairesse pour les Jeux d'hiver d'Albertville en 1992, ne laisse pas un souvenir impérissable, il n'en va pas de même de Cobi, la mascotte des Jeux d'été de Barcelone la même année. Javier Mariscal, graphiste connu pour ses œuvres déstructurées et explosives, dessine un chien farfelu inspiré du cubisme qui fait polémique et est longtemps boudé par les Espagnols avant de connaître la renommée : Cobi devient le héros d'une série télévisée, fait le bonheur des sponsors et se voit considéré, avec le recul, comme l'une des mascottes olympiques les plus réussies, avec l'ourson Misha. En 1994, pour les Jeux d'hiver de Lillehammer, les mascottes prennent pour la première fois forme humaine : Haakon et Kristin, deux enfants issus du folklore norvégien, sont choisis. En 1996, Atlanta recourt à l'ordinateur pour concevoir la mascotte, Izzy, ce qui aboutit à une créature informe dont personne ne sait ce qu'elle peut bien représenter : pour ces Jeux qui s'avèrent un échec total du point de vue organisationnel, Atlanta se trompe même dans le dessin de la mascotte ! En 1998, Nagano choisit quatre chouettes (Sukki, Nokki, Lekki et Tsukki), accueillies avec fraîcheur avant de ravir les Japonais.
Jusque dans la sélection des mascottes, Sydney, avec ses « Jeux verts », veut délivrer un message tourné vers l'avenir. Matthew Hatton choisit de s'inspirer de trois animaux symboles de l'Australie et crée Olly (diminutif d'olympique), un kookaburra (martin-pêcheur géant) qui véhicule l'esprit olympique et la générosité aborigène, Syd (pour Sydney), un ornithorynque qui représente la défense de l'environnement, la vigueur et l'énergie australiennes, et Millie (diminutif de millenium), un échidné qui incarne le nouveau millénaire, marqué par les technologies, l'information et la communication. Sydney inaugure par ailleurs une tradition en proposant une mascotte pour les jeux Paralympiques : Lizzie, un lézard à collerette en forme de carte de l'Australie, dont la détermination véhicule le message paralympique.
Les mascottes de Salt Lake City, en 2002, évoquent la devise olympique (Citius, Altius, Fortius [« plus vite, plus haut, plus fort »]) en s'appuyant sur des légendes amérindiennes : Copper fait référence à un coyote qui vola la flamme du peuple de feu et ramena la chaleur sur la Terre (citius) ; Powder, le lièvre des neiges, évoque l'animal qui grimpa sur la montagne et fit baisser la température terrestre en tirant une flèche dans le Soleil (altius) ; Coal rappelle l'ours noir qui survécut à la traque de chasseurs grâce à sa force (fortius). En 2004, Athènes souhaite à l'occasion des Jeux faire le lien entre son passé glorieux et la modernité : les mascottes Phivos (pour Phébus) et Athina (pour Athéna), frère et sœur, sont inspirées d'une poupée en terre cuite en forme de cloche du viie siècle avant J.-C. Turin, en 2006, avec Neve et Gliz, personnifie l'essence des sports d'hiver : Neve est une sympathique boule de neige, Gliz un cube de glace facétieux.
Pékin, en 2008, marie la culture millénaire chinoise et le modernisme avec les Fuwa dessinés par Han Meilin : Beibei, le poisson ; Jingjing, le panda ; Huanhuan, la flamme olympique ; Yingying, l'antilope tibétaine ; Nini, l'hirondelle. D'un côté, les mascottes matérialisent la tradition chinoise selon laquelle on adresse des vœux avec des symboles : l'addition des premières syllabes des cinq Fuwa donne la phrase « Beijing Huanying Ni » (« Bienvenue à Pékin ») et chacune d'entre elles porte un symbole (Beibei la prospérité, Jingjing le bonheur, Huanhuan la passion, Yingying la santé, Nini la chance). De l'autre, le design de ces cinq figurines est totalement occidentalisé, afin d'ancrer la Chine dans le monde du xxie siècle et de vendre aisément des licences. En 2010, Vancouver rend un hommage aux Premières Nations du Canada à travers ses mascottes : Miga, l'ourse des mers (croisement d'une orque et d'un ours Kermode) connue dans une légende amérindienne ; Quatchi, le sasquatch, créature légendaire des montagnes d'Amérique du Nord. En outre, Sumi, représentation stylisée d'un oiseau-tonnerre présent sur les totems amérindiens, choisi pour les jeux Paralympiques, connaît une grande popularité. Londres, en 2012, propose Wenlock (jeux Olympiques) et Mandeville (jeux Paralympiques), sortes de cyclopes nés d'un arc-en-ciel. Sotchi, en 2014, présente trois mascottes : le lièvre Zaïka, le léopard des neiges Barsik et l'ours polaire Mishka. Vinicius et Tom sont celles des Jeux de Rio en 2016. La ville sud-coréenne de PyeongChang, deux ans plus tard, présente un tigre blanc du nom de Soohorang et un ours noir nommé Bandabi. Miraitowa et Someity sont les mascottes des jeux Olympiques d’été de Tōkyō en 2020. La ville de Pékin, pour les jeux Olympiques d'hiver de 2022, propose le panda Bing DwenDwen et l’enfant-lanterne ShueyRhonRhon. En 2024, les mascottes officielles des Jeux de Paris sont les Phryges, des bonnets phrygiens.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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