DEWEY JOHN (1859-1952)
Dewey psychologue, éducateur et penseur de la démocratie
Avant d'élaborer son œuvre philosophique, Dewey s'est fait connaître par ses idées en psychologie et surtout par sa philosophie de l'éducation. Celle-ci occupe dans son œuvre une place centrale. Non seulement il s'y est intéressé très tôt (il a créé l'école-laboratoire de l'université de Chicago en 1897), mais l'importance de l'éducation apparaît étroitement liée à sa philosophie de la connaissance et de la démocratie. En témoignent des ouvrages tels que L'École et la société (1899), Comment nous pensons (1910), ou Démocratie et éducation (1917).
Pour Dewey, l'éducation est la forme que prend la continuité de l'expérience. Elle possède, à ce titre, un caractère fondamentalement expérimental, et ne saurait consister en un ensemble de recettes. Au contraire, elle est une « reconstruction continue de l'expérience destinée à en étendre et à en approfondir le contenu social, et à permettre à l'individu d'acquérir la maîtrise des méthodes qui s'y trouvent impliquées ». Dans toute éducation, la dimension sociale et la dimension individuelle sont en interaction. L'individu y trouve la condition d'une participation aux ressources que l'humanité à développées, en même temps que la condition de son autonomie et de ses ressources propres. Sur un plan plus spécifiquement politique, l'éducation est le moyen dont disposent les sociétés humaines pour se réformer et répondre aux nouveaux besoins ou aux aspirations qui s'y font jour. C'est elle qui donne la mesure d'un futur certes contingent, car il ne renferme aucune téléologie, mais ouvert aux types de choix qui caractérisent les démocraties.
L'importance attribuée à l'éducation permet de comprendre les positions de Dewey sur la démocratie. Il n'en fut pas seulement un penseur, mais un fervent défenseur. Pour lui, la démocratie n'était pas seulement une « forme de gouvernement », mais, conformément à l'une de ses inspirations majeures, une « expérimentation ». « Dire de la démocratie qu'elle est seulement une forme de gouvernement reviendrait à dire du foyer qu'il n'est rien d'autre qu'un assemblage de briques et de mortier, ou qu'une église est un bâtiment avec des bancs, une chaire et une flèche. » Dans la démocratie, comme dans l'enquête, les processus à l'œuvre sont de nature expérimentale ; ils s'accordent avec la nature même de l'intelligence humaine, la continuité de l'expérience et le caractère transactionnel de l'éducation. Ses finalités sont de nature éthique : « La démocratie est la forme de société dans laquelle tout homme possède une chance, et sait qu'il la possède – et nous pourrions ajouter : une chance à laquelle aucune limite possible ne peut être assignée, une chance véritablement infinie, la chance de devenir une personne. Bref, l'égalité est l'idéal de l'humanité, l'idéal dans la conscience duquel la démocratie vit et évolue. »
Dans les démocraties modernes, ces exigences tendent à se dissoudre au bénéfice de modes de fonctionnement, de décision et d'intérêts qui consacrent la séparation de l'individu et des pouvoirs. Le Public et ses problèmes, livre issu d'une série de conférences prononcées en 1926, s'attache à renouer les liens sans lesquels la démocratie n'est qu'un vain mot, en reconstruisant le « public » contre le règne des experts et l'ombre déjà menaçante de l'« opinion publique ».
En Europe, et plus particulièrement en France, John Dewey n'a pas bénéficié de la reconnaissance que son œuvre aurait dû lui valoir. En dépit des efforts entrepris par des philosophes comme Gérard Deledalle, qui fut le premier[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre COMETTI : professeur honoraire des Universités
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