ROY JULES (1907-2000)
Né en Algérie le 22 octobre 1907 dans une famille de paysans concessionnaires dans la Mitidja dès 1854, Jules Roy, déchiré par une bâtardise qui lui fut tardivement révélée, fut à l'adolescence pris entre deux vocations contradictoires – l'action et l'aventure d'une part, la contemplation d'autre part. Ce qui en fit dans un premier temps un séminariste, plus tard un militaire. Du séminaire à la caserne cependant, c'est le même sens de la hiérarchie et de la rigueur morale qui le retient.
Ses premières amitiés littéraires et ses engagements politiques sont alors situés à droite. Très marqué par la déroute de 1940 et la destruction de la flotte française à Mers el-Kébir, il passe avec son escadrille en Afrique du Nord, et publie à Alger La France sauvée par Pétain, puis un premier recueil de poèmes (Trois Prières pour des pilotes, 1941) et un récit (Ciel et Terre, 1943). Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, il change de camp et part pour la Grande-Bretagne s'engager dans la Royal Air Force. Quelques mois plus tard, il participe au bombardement de la Ruhr, en dépit de son âme de poète et de sa foi ardente d'ancien séminariste. De cette expérience naît La Vallée heureuse (1946), qui obtiendra le prix Renaudot, lequel consacre un écrivain qui se fait alors une spécialité d'écrire sur la guerre (Retour de l'enfer, 1953), et de témoigner du Métier des armes (1948).
En permettant sa rencontre avec Albert Camus et la première génération des écrivains maghrébins, la notoriété naissante projette Jules Roy dans un autre univers : la religion de la justice, qui le contraint à l'engagement contre les siens. Les guerres de décolonisation qui éclatent vont être pour lui source de nouveaux déchirements : en Indochine, l'officier longtemps indécis est confronté à une « belle croisade » contre le communisme ; mais, en juin 1953, il rompt avec l'armée, qu'il juge déshonorée par la guerre d'Indochine et dont il désapprouve les méthodes. Il embrasse alors la carrière littéraire et s'essaie au roman (La Femme infidèle, 1955) et au théâtre (Beau Sang, 1952 ; Les Cyclones, 1953). Son œuvre ne tardera pas à être consacrée par le grand prix littéraire de Monaco (1957), le grand prix de littérature de l'Académie française (1958), puis le grand prix national des lettres (1969).
Mais c'est l'Algérie, avec laquelle il est loin d'avoir rompu tous les liens, qui va l'acculer aux déchirements les plus dramatiques. Depuis 1954 s'y déroule un conflit qui prend bientôt des allures de guerre civile. Après la mort de son ami Camus, en qui les intellectuels engagés avaient placé tous leurs espoirs, Jules Roy entend dénoncer devant l'opinion française les misères subies par les populations et les monstruosités commises par les armées en présence. Il parcourt le pays, d'où il revient avec La Guerre d'Algérie (1960), « long cri déchirant » qu'il lance à la face des militaires et des politiques, et qui bouleverse la France. Aussitôt après, écartelé par sa condition de pied-noir devenu, comme le souligne le titre d'un de ses ouvrages, Étranger pour [s]es frères (1982), il se jette dans une fiction en six volumes, Les Chevaux du soleil (1967-1972), histoire de sa famille et réhabilitation de la geste française en Algérie, sans rien perdre de sa verve pamphlétaire (J'accuse le général Massu, 1972).
Écrite à Vézelay, où il devait décéder le 15 juin 2000, l'ultime partie de son œuvre est davantage marquée par la méditation (Vézelay ou l'amour fou, 1990 ; Rostropovitch, Gainsbourg et Dieu, 1991) et l'introspection (Mémoires barbares, 1989 ; Adieu ma mère, adieu mon cœur, 1996 ; Journal I, II et III, 1997-1999), sans atteindre pour autant à la sérénité à laquelle il[...]
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Écrit par
- Guy DUGAS : professeur de littérature générale et comparée, docteur d'État, auteur de nombreux ouvrages sur les écrivains maghrébins et français du Maghreb
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