BARTH KARL (1886-1968)
Karl Barth, dogmaticien protestant suisse, né et mort à Bâle, inaugure en 1919 la théologie contemporaine en redécouvrant la transcendance du Dieu tout autre par rapport à la culture, à la morale, à l'histoire et au sentiment. De 1932 à 1964, il écrit une monumentale dogmatique, ecclésiale, christologique et trinitaire. Il exerce à partir de 1933 un ministère prophétique face aux événements politiques, sociaux et internationaux. Sa culture, sa combativité, son humour font de ce dogmaticien l'une des personnalités les plus influentes du xxe siècle.
L'œuvre de Barth se développe comme un fleuve à partir d'un goulet d'étranglement. L'homme ne peut rien dire sur Dieu qui ne soit la projection de ses craintes ou de ses aspirations purement humaines, à moins que Dieu lui-même ne se révèle dans une Parole vivante : Jésus-Christ (attestée par la parole écrite de ses témoins, prophètes et apôtres, la Bible), telle que notre propre parole en devienne l'écho, attentif et libéré, cru et résolu. Si Dieu le créateur a ainsi parlé dans l'action de la réconciliation, désormais l'homme n'est jamais sans Dieu, puisque Dieu se manifeste comme n'étant jamais sans l'homme. La Parole de Dieu précède, car sans elle rien d'humain ne saurait s'élever jusqu'à Dieu. Mais tout l'humain, et le cosmos en son entier, correspond à cette Parole, qui est son approbation créatrice, son partenaire dans l'alliance éternelle et sa destination dernière. La théologie est ainsi une tâche à la fois solitaire et universelle. Elle est solitaire, car la théologie doit joyeusement consentir à n'être qu'une assurance de la foi en la Parole de Dieu. Elle est universelle, car la théologie peut affirmer, à cause du oui de Dieu au monde, ce à quoi la culture humaine ne peut jamais qu'aspirer de manière indéfiniment ambiguë.
Parlant de la musique de Mozart, qui fut la tonalité accompagnatrice de son œuvre entière, Karl Barth écrit : « Le centre de Mozart n'est pas l'équilibre, la neutralité et, pour finir, l'indifférence, mais plutôt une magnifique rupture d'équilibre, un tournant décisif : la clarté monte et, sans disparaître, l'ombre décroît ; la joie dépasse la douleur sans l'anéantir, le « oui » retentit plus fort que le « non », qui pourtant n'a jamais cessé de subsister... Sa musique est celle de la vie telle qu'elle est dans sa dualité. Mais, comme la toile de fond reste la Création sortie bonne des mains de Dieu, cette musique s'oriente toujours de l'ombre vers la lumière et jamais inversement. C'est là sans doute ce que l'on entend en parlant de son « charme » triomphant. Il n'y a chez lui ni platitudes ni abîmes. » Tels sont aussi le caractère, le style et le sens de l'œuvre de Barth.
La crise et la méthode dialectique
Étudiant à Berne, Berlin, Tübingen et Marburg, Karl Barth subit l'influence de la théologie régnante : le libéralisme, avec la loyauté de sa critique historique, son culte des grandes personnalités religieuses et sa réduction de la foi dogmatique à une conduite morale. Il participe aussi au mouvement du christianisme social à la fois messianiste et socialiste. En 1911, il devient pasteur d'un petit village suisse, Safenwil. Durant la Première Guerre mondiale, outre des conférences passionnées qui paraîtront plus tard sous le titre Parole de Dieu et parole humaine, il écrit son commentaire sur l'Épître aux Romains de saint Paul. Refusant la voie d'approche historiciste, psychologique et moralisante, Barth redit, dans un langage fortement marqué par Platon, Kant, Kierkegaard, Dostoïevski, mais aussi par Overbeck et Nietzsche, la « chose » que Paul lui aussi désignait : « la différence qualitative infinie du temps et de l'éternité. Dieu est au ciel et tu es sur[...]
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Écrit par
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
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