LOACH KEN (1936- )
Figure du septième art britannique – que l'on a souvent qualifié de « colonisé » par les capitaux américains –, Ken Loach en est aussi un cas particulier, lui qui su maintenir vivante la tradition d’un cinéma social à base documentaire, après John Grierson, Paul Rotha, Basil Wright, Humphrey Jennings... Quoiqu’il ait plus souvent travaillé pour la télévision (une vingtaine de films de court et long métrage) que pour le cinéma – tout en restant fidèle à un radicalisme politique de type marxiste, source de nombreuses polémiques –, Ken Loach a sans doute ouvert la voie au renouveau du cinéma britannique des années 1980-1990 (avec Mike Leigh, Stephen Frears, David Leland...).
« Des histoires vraies »
Né le 17 juin 1936 à Nuneaton (Warwickshire, Grande-Bretagne), Kenneth Loach, dit Ken Loach, fils d'un ingénieur électricien, étudie le droit à Oxford. C'est là qu'il s'initie au théâtre et fait ses premières armes comme acteur. Il débute à la BBC en 1964, avec de jeunes producteurs ambitieux et novateurs (John MacGrath, Troy Kennedy Martin). Il réalise en particulier des épisodes des séries Z cars et Diary of a Young Man, dont l'esprit est proche des premiers courts-métrages de la nouvelle vague française ou du Richard Lester de Morgan et The Knack : rythme sans temps mort, narration éclatée et saugrenue, voire burlesque. Le propos demeure, lui, simplement impertinent, et repose sur des jeunes des sixties pour qui la contestation de l'ordre social se limite à trois objectifs : « une nana, une piaule et un peu de blé ». Avec le producteur Tony Garnett, Ken Loach trouve sinon son style, du moins sa matière privilégiée, dans les WednesdayPlays, qui traitent de sujets d'actualité en recourant à un mixte de reportage et de fiction. Up the Junction aborde ainsi la politique de l'habitat et l'élimination des quartiers insalubres sans souci du sort des habitants.
C'est Cathy Comes Home (1966) qui fait connaître Ken Loach. Évoquant le problème des sans-abri à travers l'histoire d'un jeune couple détruit par l'impossibilité matérielle d'accéder à un logement, le film choisit un registre si réaliste qu'on croit à un reportage. Il est caractéristique de ce qui sera l'ambition du cinéaste : donner la parole à ceux qui ne l'ont jamais, en particulier dans les médias. Non pas illustrer un point de vue d'auteur ou d'analyste sur des personnages montrés dans une situation, difficile, voire tragique, mais reconstituer au contraire le point de vue de ceux qui s'y débattent. L'usage de la longue focale combiné avec un mouvement de zoom avant caractérise certaines scènes de ce cinéma, au-delà du réalisme rigoureux auquel on cantonne parfois l'œuvre de Ken Loach. Le téléobjectif, en effet, écrase les perspectives et montre les personnages comme englués dans un environnement dont ils n'ont pas les moyens de trouver par eux-mêmes l'issue. En fait, Loach déteste qu'on lui parle de réalisme, et préfère le terme d'authenticité. Qu'il s'agisse de télévision ou de cinéma, il emploie fréquemment des acteurs débutants ou non professionnels : « La façon dont les gens s'expriment est très importante. Les mots qu'ils utilisent renvoient à leur histoire, à leur façon de penser. Ce ne sont pas seulement des sons, c'est tout un mode de vie. » Le mot « histoire » doit être pris ici dans son double sens, qui fait l'unité et la force de l'œuvre. Loach n'est pas ce qu'on appelle couramment un « raconteur d'histoires », mais il sait donner sa consistance historique à la vie d'individus ou de groupes saisis à un moment précis, ce qui l'a amené à élargir son champ narratif à l'Histoire proprement dit.
Le passage au grand écran fait qualifier[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Médias
Autres références
-
ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Cinéma
- Écrit par N.T. BINH
- 3 446 mots
- 4 médias
...réaliste est bientôt relayée par une génération de cinéastes formés à la télévision, dont John Schlesinger (Un amour pas comme les autres, 1962), puis Ken Loach. Celui-ci, après de fracassants débuts à la B.B.C., secoue le cinéma britannique par son approche incisive de sujets sociaux, dépeignant des... -
THE MAGDALENE SISTERS (P. Mullan)
- Écrit par René PRÉDAL
- 872 mots
Lion d’or du festival de Venise 2002, violemment attaqué par la presse catholique italienne, The Magdalene Sisters se situe entièrement dans une de ces prisons-blanchisseries dirigées en Irlande par des religieuses (le dernier établissement de ce type fut fermé en 1993). Là se trouvaient détenues...