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LANCEUR D'ALERTE

Depuis sa recommandation de 2014 sur la protection des lanceurs d'alerte, le Conseil de l'Europe définit le lanceur d'alerte – de l’anglais whistleblower – comme une personne signalant ou divulguant des informations sur un fait ou un comportement contraire à l’intérêt général, dont elle a eu connaissance dans le cadre de son travail. Dans l’acception commune de l’expression, le lanceur d'alerte est une personne, généralement un employé du secteur privé ou public, qui tente d'attirer l'attention sur l'existence d'un risque, d'un danger ou d'une atteinte à l'intérêt général dont les responsables souhaiteraient masquer l'existence. L’émergence du lanceur d’alerte est relativement récente. Il appartient à la catégorie des désobéissants et se rattache en conséquence à la longue tradition des résistances à l'ordre injuste, mais on ne trouve trace du terme qu'en 1971, sous la plume de Ralph Nader, avocat militant, défenseur des droits des consommateurs.

La création de cette notion a permis de distinguer le lanceur d’alerte du dénonciateur ou du délateur, tout en soulignant son importance dans le fonctionnement d’une démocratie. D’abord circonscrit à l'aire juridique et culturelle nord-américaine, le concept s'est ensuite généralisé. Entre 1972 et 2015, près de quarante États ont adopté une législation protégeant les lanceurs d'alerte. La France s’est inscrite tardivement dans ce mouvement. Il est vrai que les lanceurs d’alerte étaient déjà protégés de longue date par les règles jurisprudentielles préservant la liberté d’expression des salariés et des agents publics, ainsi que par la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Toutefois, la première loi dédiée ne date que de 2007. Depuis lors, un ensemble complexe et hétéroclite de lois sectorielles protège les lanceurs d’alerte dénonçant des faits de corruption (2007), des atteintes à la sécurité des médicaments (2011), des atteintes à la santé publique et à l’environnement (2013), des conflits d’intérêt (2013), des délits et crimes (2013) ou encore des atteintes à la vie privée commises par des agences de renseignement (2015). Malgré ce succès législatif, la notion n'en reste pas moins évanescente et difficile à cerner. Le rôle exact que le lanceur d'alerte est amené à jouer dans une démocratie reste incertain. Se réduit-il à celui de dénonciateur légal, dont la fonction consisterait à révéler les comportements déviants ? Ou incarne-t-il une nouvelle « figure » de citoyen, ce qui supposerait de reconnaître une fonction institutionnelle à la désobéissance en démocratie ?

Les mêmes incertitudes président à la définition du statut juridique du lanceur d'alerte, les États adoptant sur ce point des approches plus que contrastées. À titre d'exemple, si la majorité des États protègent autant l'alerte externe (auprès de la presse ou d'autorités publiques) que l'alerte interne (auprès de l'employeur), d'autres, comme le Royaume-Uni, ont une nette préférence pour l'alerte interne. La plupart des législations encadrant le phénomène encouragent les lanceurs d’alerte en les protégeant simplement contre les mesures de rétorsion éventuelles, mais certains textes – le False Claims Act de 1863 aux États-Unis – choisissent au contraire de les rémunérer pour les encourager (grâce à un pourcentage sur le montant de l’amende). Un point reste commun à tous les lanceurs d'alerte : celui de se trouver au cœur d'une tension entre secret, intérêt général et intérêts privés. Malgré de réels progrès, lancer l'alerte reste une activité risquée, voire périlleuse.

Protestation contre les écoutes de la N.S.A., Washington, 2013 - crédits : Jim Lo Scalzo/ EPA

Protestation contre les écoutes de la N.S.A., Washington, 2013

Manifestants antinucléaires brandissant le portrait de Karen Silkwood, 1978 - crédits : Wally McNamee/ Corbis Historical/ Getty Images

Manifestants antinucléaires brandissant le portrait de Karen Silkwood, 1978

Genèse et fonctions du lanceur d'alerte

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Protestation contre les écoutes de la N.S.A., Washington, 2013 - crédits : Jim Lo Scalzo/ EPA

Protestation contre les écoutes de la N.S.A., Washington, 2013

Manifestants antinucléaires brandissant le portrait de Karen Silkwood, 1978 - crédits : Wally McNamee/ Corbis Historical/ Getty Images

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