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PETIT JOURNAL LE

La parution, en 1863, de cette feuille de demi-format (43 cm sur 30 cm), quotidienne, diffusée essentiellement au numéro en boutique ou par colportage et non plus par abonnement comme les autres journaux, vendue à 5 centimes (un sou), soit moitié moins que les autres feuilles populaires, marque le début de la presse moderne à grand tirage.

Le Petit Journal fut créé par Moïse Polydore Millaud (1813-1871). Pour ne pas avoir à payer le timbre (5 centimes par numéro) qui eût rendu l'entreprise impossible, le journal était apolitique. Les autorités du second Empire favorisèrent le développement de cette feuille bon marché et de ses concurrentes, car elles y voyaient un moyen de satisfaire le besoin de lecture des classes populaires sans courir le risque de les politiser. « Ayant le courage d'être bête », Millaud fonda un nouveau journalisme, avec de longues chroniques de vulgarisation culturelle ou scientifique qui se fondaient sur le bon sens populaire et la morale la plus conformiste et que signait Timothée Trimm (pseudonyme collectif, un temps illustré par Léo Lespès [1815-1875] créateur du genre), de longs articles de faits divers, mais aussi des romans-feuilletons « rocambolesques » de Ponson du Terrail et de Gaboriau, dont le succès fut encore supérieur à celui qu'avaient connu Eugène Sue ou d'Alexandre Dumas à la génération précédente.

Millaud eut aussi, dès le début, le souci d'assurer à son journal une large diffusion en province. Le succès, d'abord lent à se dessiner, fut ensuite fulgurant : dès 1869, Le Petit Journal tirait à 400 000 exemplaires, soit à lui seul plus que l'ensemble des quotidiens politiques français ; ses progrès avaient aussi été rendus possibles grâce aux presses rotatives que Hippolyte Marinoni (1823-1904) mit au point pour lui dès 1867.

Crime au bois de Vincennes - crédits : AKG-images

Crime au bois de Vincennes

Après le 4 septembre 1870, le timbre supprimé, Le Petit Journal put parler de politique. Malgré quelques crises — Girardin en prit le contrôle en 1873 —, son audience ne cessa d'augmenter et aucun de ses concurrents ne put mettre sa suprématie en cause ; son tirage atteignit 500 000 exemplaires en 1878, 1 million en 1890. Des publications hebdomadaires annexes accroissaient sa prospérité : la plus célèbre fut son Supplément illustré en couleurs, dont les images offrent un très pittoresque exemple des curiosités et de l'idéologie populaire de la fin du siècle.

Après 1900, les tirages commencèrent à stagner puis à décroître : Le Petit Parisien, mieux géré et qui sut éviter de prendre parti dans l'affaire Dreyfus, devint le plus grand journal français. Ernest Judet (1851-1943) plaça Le Petit Journal dans le parti antidreyfusard et le rallia à la cause nationaliste. Le Petit Journal ne tirait plus qu'à 850 000 exemplaires en 1914, et qu'à 400 000 en 1919. Malgré les commandites successives de Loucheur, puis de Patenôtre, la décadence s'accentua dans l'entre-deux-guerres. En 1937, il ne tirait plus qu'à 150 000 exemplaires, quand il devint l'organe du Parti social français du colonel de La Rocque, mais son audience ne s'en trouva pas améliorée.

Replié à Clermont-Ferrand en juin 1940, Le Petit Journal y vécut, médiocrement, jusqu'en 1944 ; durant cette période, il reçut chaque mois une subvention du gouvernement de Vichy ; son conseil d'administration était alors présidé par le colonel de La Rocque.

— Pierre ALBERT

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université Panthéon-Assas

Classification

Média

Crime au bois de Vincennes - crédits : AKG-images

Crime au bois de Vincennes

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