GUEUX LES
Né de l'opposition sociale, politique et religieuse à l'autorité de Philippe II dans les Flandres et les Pays-Bas du xvie siècle, le mouvement des « gueux » exprime à la fois le mécontentement populaire, responsable de la flambée d'iconoclasme, et les revendications des nobles et des notables calvinistes. Écrasée dans les provinces du Sud, la guérilla se développera, au nord, en une guerre de libération qui aboutira à l'indépendance de la Hollande.
Vers 1560, l'intransigeance du cardinal Granvelle a poussé au paroxysme l'hostilité de la population envers la domination espagnole. Les prêtres s'opposent aux restrictions apportées à leurs prérogatives par l'Inquisition. Les nobles, sans cesse rabaissés, contestent, en 1561, la décision de Granvelle de porter secours aux catholiques français. Guillaume d'Orange et ses alliés du Conseil d'État exigent la convocation des états généraux. Granvelle s'y refuse en évoquant les passions que déchaînerait « ce méchant animal nommé le peuple ». De fait, les soulèvements se multiplient.
Peu après les émeutes de Bailleul et de Tournai, la foule délivre à Valenciennes deux tisserands calvinistes conduits au bûcher (1562). En 1564, le peuple force la porte des prisons à Bruges et à Bruxelles. Le 11 mars, Guillaume d'Orange et les comtes d'Egmont et de Hornes démissionnent de leurs fonctions au Conseil d'État. Le 8 avril 1566, catholiques et calvinistes s'unissent pour présenter à la régente, Marguerite de Parme, un programme commun contre l'Inquisition et les « mauvais conseillers du roi ». Le texte, connu sous le nom de compromis des Nobles, assortit au rejet de l'absolutisme la promesse de ramener l'ordre. Reprenant à leur compte l'appellation de « gueux » que leur a value le mépris d'un ministre, ils s'affirment « fidèles au roi jusqu'à porter la besace », menace à peine voilée chez ceux qui songent à tirer parti des troubles populaires.
Effrayés par les émeutes iconoclastes d'Armentières, les catholiques se séparent des nobles calvinistes et réitèrent leur attachement à l'Espagne, à l'heure où la hausse du prix des céréales provoque à Saint-Omer un soulèvement iconoclaste qui embrase bientôt le nord de la France. Dans un premier temps, les gueux ou « hurlus » s'abstiennent de tuer et d'emporter les biens ecclésiastiques, généralement détruits sur place. Quelque quatre cents églises sont ainsi mises à sac, surtout dans les villes, car les campagnes se montrent réticentes. Du reste, il n'est pas rare que les prédicateurs calvinistes, soucieux d'obtenir des garanties à la liberté du culte, se désolidarisent du parti iconoclaste.
Le 13 août 1566, le cloître de Bailleul est détruit par la population. Deux seigneurs apportent leur aide aux insurgés de Hondschoote, où le mouvement a pris une telle ampleur que l'impitoyable répression du duc d'Albe n'osera y sévir. La vague iconoclaste atteint Menin, le Brabant, la Zélande, une partie de l'Artois, Anvers, où les commerçants sont pillés, Utrecht, Delft, Bois-le-Duc. Plusieurs magistrats font cause commune avec les émeutiers.
Le 25 août 1566, Marguerite de Parme feint de céder par une habile retraite. Elle décrète la suppression de l'Inquisition, l'abolition des « placards » interdisant le culte réformé, l'amnistie pour les nobles compromis, qui interviennent aussitôt auprès des consistoires et les incitent à calmer les esprits. Afin de rétablir l'ordre, Marguerite envoie Guillaume d'Orange à Anvers et Egmont en Flandre, où le nombre des révoltés est estimé à soixante mille, sur un total de près de deux cent mille.
Ayant concentré les troupes espagnoles, Marguerite passe à l'offensive en décembre 1566. Elle annule les décisions[...]
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Écrit par
- Raoul VANEIGEM : écrivain
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BELGIQUE - Histoire
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