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LOGISTIQUE, gestion

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Dans son usage courant, le terme logistique évoque des activités d'acheminement de matériels ou de biens, dont les domaines d'application sont d'abord militaires ou s'y apparentent lorsqu'il est question, par exemple, de logistique de l'aide humanitaire lors de conflits ou de famines. Or, si la logistique reste bien l'une des composantes majeures de « l'art de la guerre », elle connaît depuis la fin des années 1960 une mise en pratique de plus en plus systématique dans le contexte de l'entreprise.

Dans les faits, il est possible de retracer les évolutions de la logistique d'entreprise en deux grandes étapes, depuis la définition originelle proposée aux États-Unis par l'American Marketing Association en 1948 :

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– La première étape correspond à une approche technique où la question essentielle est d'optimiser de façon séquentielle et disjointe les opérations physiques liées à la mise à disposition des produits aux consommateurs : lancement de fabrication, entrée et sortie de stock, préparation de commandes, transport, etc. La logistique d'entreprise, d'abord réduite à l'organisation de la distribution physique des marchandises, s'étend ensuite à la gestion de production puis à l'organisation des approvisionnements de matières premières et de composants, autant de maillons d'une même « chaîne ». L'objectif est cependant de trouver pour chacun d'eux des solutions individuelles jugées satisfaisantes, et censées aboutir à une solution d'ensemble elle aussi satisfaisante.

– La seconde étape correspond à une approche managériale qui met en avant l'importance d'une gestion globale de la chaîne logistique pour améliorer les performances en termes de coût et de qualité de service. Celles-ci seront d'autant plus grandes que les opérations physiques seront déclenchées juste-à-temps en fonction de la demande à servir, grâce à des systèmes d'information sophistiqués, en évitant ainsi les ruptures (déclenchement trop tardif) comme les engorgements (déclenchement trop précoce). Cela sous-entend une meilleure coordination inter-fonctionnelle, mais aussi inter-organisationnelle, car les chaînes logistiques sont constituées de plusieurs acteurs (entreprises) impliqués dans le processus de mise à disposition de produits, et ces acteurs devront se concerter a minima pour éviter tout blocage.

Pour les firmes, qu'elles soient industrielles, commerciales ou de services, la logistique est désormais devenue un enjeu stratégique majeur, et plus seulement un ensemble hétéroclite d'opérations à optimiser. Une telle évolution a débouché, depuis le milieu des années 1990, sur une approche intégrée des chaînes logistiques. Elle se traduit, pas à pas, par l'émergence de décisions concertées entre les différentes entreprises en vue de maximiser la valeur globale dégagée par une gestion coordonnée des flux physiques et informationnels. Son but est certes de réduire les coûts, mais aussi et surtout d'augmenter le service rendu aux clients par une plus forte réactivité.

L'approche technique de la logistique

Fruit d'une lente maturation, la logistique d'entreprise aux États-Unis, puis en Europe occidentale, trouve ses racines dans l'art militaire, dont elle va importer de façon continue un certain nombre de techniques et de méthodes issues de la recherche opérationnelle (programmation dynamique et linéaire, réseaux P.E.R.T., etc.). Jusqu'à la fin des années 1960, la logistique demeure ainsi marquée par des logiques d'optimisation sous contrainte de différentes opérations élémentaires liées au traitement des flux de matières et marchandises. Elles conduisent à une vision cloisonnée des processus fondée, pour reprendre les propos de Jacques Lebraty (1992), sur un mode opérationnel relevant de l'ordre du calcul.

Les origines militaires

La logistique se présente incontestablement comme un concept d'origine militaire. Il est intéressant de constater que, jusqu'à une période récente et indépendamment de l'acception du terme en logique, la plupart des dictionnaires de référence l'ont définie de façon restrictive comme l'art de combiner tous les moyens de transport, de ravitaillement et de logement des troupes. Les médias n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner l'importance de la logistique dans le déroulement d'opérations militaires de grande ampleur, par exemple en Afghanistan ou au Mali .

Dans la même veine, tout un courant de recherche se développe depuis plusieurs années aux États-Unis, mais également en France, pour réhabiliter une lecture logistique d'un certain nombre d'événements historico-militaires. Prenant l'exemple des marines de guerre françaises du xviie et du xviiie siècle, Jacques Colin (2013) démontre que s’est alors forgé un puissant outil militaro-industriel préfigurant ce que seront, bien plus tard, les organisations logistiques les plus avancées en termes de standardisation, de modularité, de normalisation, etc.

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La démarche originelle de conceptualisation de la logistique militaire est attribuée au baron Antoine Henri Jomini, auteur du fameux Précis de l'art de la guerre, ou Nouveau Tableau analytique des principales combinaisons de la stratégie, de la grande tactique et de la politique militaire (1838). Antoine Henri Jomini y présente la logistique comme « l'art de mouvoir les armées » et en fait l'une des six parties de ce qu'il dénomme l'art de la guerre. Reprenant cet héritage, la logistique militaire connaîtra tout au long du xxe siècle des développements spectaculaires, dont l'exemple le plus remarquable demeure l'opération Overlord, autrement dit le débarquement, le 6 juin 1944, des troupes alliées sur le continent européen occupé.

Premiers développements de la logistique d'entreprise

Les premiers écrits académiques faisant référence implicitement à des questions de logistique d'entreprise ont été publiés dès le début du xxe siècle aux États-Unis. Ainsi, dans un rapport remis au gouvernement américain en 1901, John Crowell s'interroge sur les facteurs affectant la distribution physique des produits agricoles et pouvant influer positivement ou négativement sur leur prix de vente. Et dès 1927, Ralph Borsodi, dans son ouvrage The Distribution Age, isole des activités logistiques de type transport et stockage pour montrer en quoi leur gestion ne relève pas directement d'une problématique marketing.

Il est cependant admis que les développements les plus significatifs de la logistique d'entreprise sont postérieurs à la Seconde Guerre mondiale. En effet, profitant de l'expérience issue de l'opération Overlord, de grandes entreprises manufacturières américaines vont appliquer avec succès un certain nombre de méthodes de résolution de problèmes de nature logistique rencontrés lors du conflit. Les distances à parcourir pour parvenir sur le front, associées aux besoins considérables en termes de ravitaillement et de transport de matériels, ont obligé à régler dans les moindres détails les activités de soutien des troupes au combat. Pour les entreprises, le défi logistique à relever s'avère d'une nature comparable : se donner les moyens et les méthodes de satisfaire au mieux un marché de consommation.

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Cela explique que la première définition de la logistique d'entreprise, donnée en 1948 par l'American Marketing Association, fasse uniquement référence au mouvement et à la manutention de marchandises du point de production au point de consommation (ou d'utilisation). La question essentielle est alors de planifier l'écoulement physique des produits finis jusqu'aux marchés en prenant les décisions adéquates en matière de transport, de manutention et de stockage. L'un des exemples les plus connus est celui de l'optimisation d'une tournée de livraison qui minimise le kilométrage parcouru en fonction d'un nombre donné de points d'origine et de points de destination. Dans cette configuration « minimaliste », la logistique s'apparente à un simple soutien à la vente chargé de mettre en place et d'animer des outils techniques au service de la démarche commerciale.

Il faudra attendre l'ouvrage de John Magee (1968) pour franchir un pas significatif dans l'analyse. Le progrès consiste à introduire les trois sous-systèmes composant le processus logistique : l'approvisionnement, la gestion de production et la distribution physique, alors que seule cette dernière était prise en compte par la définition de l'American Marketing Association. La logistique se présente désormais comme la technique de contrôle et de gestion des flux de matières et marchandises s'écoulant depuis les sources d'approvisionnement jusqu'aux points de consommation. Le constat de l'auteur s'apparente d'ailleurs à une intuition pleine de bon sens. La mise à disposition d'un produit fini est en fait la dernière étape d'un processus long et complexe, puisque les entreprises manufacturières, avant de pouvoir le distribuer (sous-système de distribution physique), auront dû le fabriquer (sous-système de gestion de production) et, pour cela, s'approvisionner préalablement en matières premières et composants (sous-système approvisionnement).

La nature des opérations à optimiser

L 'approche technique de la logistique met en évidence un certain nombre d'opérations élémentaires qu'il s'agit d'optimiser de façon disjointe. Les sous-systèmes approvisionnement, gestion de production et distribution physique constituent autant de « boîtes noires » auxquelles doivent être appliquées des solutions individuelles dont la somme est censée conduire à une solution d'ensemble satisfaisante. Par exemple, on cherchera à optimiser indépendamment l'un de l'autre le transport et le stockage des produits finis, en supposant que les deux optimums locaux aboutissent à un optimum global, ce qui n'est pas nécessairement le cas (la baisse du coût du transport peut résulter d'une massification des livraisons qui engendre à son tour un coût de stockage élevé).

Logistique. Représentation des processus logistiques selon une approche technique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Logistique. Représentation des processus logistiques selon une approche technique

L'angle d'attaque privilégié de la logistique d'entreprise se réduit ici à un « catalogue » raisonné d'opérations en relation directe avec différentes missions d'exploitation au niveau des flux de matières et marchandises. L'ouvrage de référence de François Kolb (1972), dont la représentation du processus logistique de la figure 1 est adaptée, constitue une bonne synthèse de cette approche qui privilégie alors une vision séquentielle des opérations à optimiser :

– au niveau des approvisionnements, avec le choix et la hiérarchisation des localisations des magasins de matières premières et composants, le choix des procédures de gestion des stocks, le choix des modalités d'exploitation du transport (compte propre, compte d'autrui, location), la programmation des envois et la détermination des unités de charge par groupage, etc.

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– au niveau de la gestion de production, avec l’affectation des fabrications aux unités de production (spécialisées ou polyvalentes), l'ordonnancement et le lancement des séries, la résolution des problèmes de conditionnement et d'emballage, l'organisation des manutentions internes entre les postes de travail et/ou entre les ateliers, etc.

– au niveau de la distribution physique, avec le choix et la hiérarchisation de la localisation d'un dépôt central et/ou des dépôts régionaux et/ou des plates-formes d'éclatement, le choix du mode de traitement des commandes, la définition des fréquences optimales de livraison à la clientèle, le choix des modalités d’exploitation du transport (compte propre, compte d'autrui, location), etc.

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Écrit par

  • : professeur agrégé en sciences de gestion à l'université d'Aix-Marseille

Classification

Médias

Logistique. Représentation des processus logistiques selon une approche technique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Logistique. Représentation des processus logistiques selon une approche technique

Logistique. La chaîne logistique multi-acteurs - crédits : Encyclopædia Universalis France

Logistique. La chaîne logistique multi-acteurs

Évolution des coûts logistiques en Europe de 1987 à 2012 (en % du chiffre d’affaires) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Évolution des coûts logistiques en Europe de 1987 à 2012 (en % du chiffre d’affaires)

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