HILBERSEIMER LUDWIG (1885-1967)
S'il n'est pas un grand architecte, du moins pas un architecte de prestige (ses maisons particulières sont en effet assez banales), Ludwig Hilberseimer est pourtant l'un des premiers à avoir souligné l'importance primordiale de l'urbanisme. En outre, il a critiqué très tôt pour des raisons politiques (il faisait partie du Novembergruppe, association des « intellectuels de gauche » dans l'Allemagne de l'entre-deux-guerres), économiques et éthiques, le luxe et l'élitisme des maisons bâties par Gropius ou Mies van der Rohe pour de riches clients. Bien avant d'entrer au Bauhaus, il participe à la revue G-Material zur elementaren Gestaltung, publiée à Berlin, et se fait connaître par ses recherches sur la structure des cités. En 1928, Gropius, que l'urbanisme ne semble pas avoir beaucoup intéressé, démissionne du Bauhaus et nomme comme successeur Hannes Meyer, architecte marxiste dont l'activité sera, jusqu'à nos jours, censurée systématiquement. Hannes Meyer fait appel à Hilberseimer qui sera d'abord directeur des cours d'architecture et de dessin, puis directeur du séminaire sur le logement et l'urbanisme. La réflexion de Hilberseimer, que l'on devrait reconsidérer, porte sur la standardisation et sur la relation de l'architecture et de l'industrie ; sa thèse peut se résumer ainsi : c'est sur un fond neutre que se marquent les différences ; par conséquent, la ville doit être un tissu régulier, répétitif, non centré, une structure sans accident, où l'événement quotidien pourra librement se spatialiser. L'architecture, le plan d'urbanisme ne doivent pas être tyranniques mais efficaces et « objectifs », comme une page blanche sur laquelle l'imagination des habitants pourra s'inscrire. D'où les grands projets de villes parfaitement modulaires, trop vite pris pour des tentatives monstrueuses de dépersonnalisation de l'habitant (puisque l'architecte s'abstient de manifester sa subjectivité). En 1938, Mies van der Rohe fait appel à Hilberseimer pour la chaire d'urbanisme de l'Illinois Institute of Technology (Chicago), où il sera chargé du réaménagement progressif des banlieues de la grande métropole. Peu de projets de Hilberseimer ont été réalisés ; aucun d'eux ne fut accepté sans concessions de la part de l'architecte : la conséquence déplorable de ce manque de succès est que Hilberseimer est célèbre non comme urbaniste mais comme designer.
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Écrit par
- Yve-Alain BOIS : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard
Classification
Autres références
-
URBANISME - Théories et réalisations
- Écrit par Françoise CHOAY
- 9 924 mots
- 2 médias
...l'Europe, une doctrine s'élabore dans des revues en liaison étroite avec les mouvements plastiques : en Allemagne autour de Gropius, Mies van der Rohe, L. Hilberseimer au Bauhaus, en France autour de Le Corbusier et de la revue L'Esprit nouveau, aux Pays-Bas autour du groupe De Stijl, en U.R.S.S. dans...