LUMPENPROLÉTARIAT
C'est une importante catégorie de l'analyse marxiste que celle de lumpenprolétariat (prolétariat en haillons). Selon celle-ci, le capitalisme présente un double aspect : d'une part, toutes oppositions antérieures s'effacent progressivement devant celle de la bourgeoisie et du prolétariat, qui reflète la division des moyens de production et de la force de travail ; en ce sens, la classe exploitée est fortement « structurée » à l'intérieur du système économique, sa fonction l'investit de toute la charge de la production sociale, la destine à s'organiser et, finalement, à revendiquer la prise en main de l'organisation entière de la société. D'autre part, ce mouvement suppose la dissolution de tous les liens communautaires, la dislocation du monde paysan et le reflux dans des villes d'éléments désormais épars qui végètent aux frontières du système. Ce milieu flottant, louche, inorganisé, dans lequel il n'y a ni travail, ni revenu fixe, ne saurait engendrer une conscience révolutionnaire. Il fournit, en revanche, un terrain privilégié aux aventuriers qui s'emparent de l'appareil d'État par la violence, quand la domination bourgeoise ne peut plus s'exercer par des moyens pacifiques.
Le schéma de l'interprétation est fixé dans le 18-Brumaire de Louis Napoléon. Marx y développe l'idée que Louis Napoléon n'a pu conquérir le pouvoir qu'en prenant appui sur un ramassis de « vagabonds, soldats en rupture de ban, repris de justice, galériens évadés, escrocs, charlatans, clochards, pickpockets, filous, tricheurs, maquereaux ou patrons de bordel, portefaix, écrivailleurs, joueurs d'orgue de barbarie, chiffonniers, bohémiens, mendiants — bref, toute cette masse diffuse et inorganisée, ballottée de çà de là ».
Le concept de lumpenprolétariat a été largement exploité par des théoriciens marxistes, notamment pour rendre compte de l'avènement du nazisme et du fascisme. La paupérisation des classes moyennes au lendemain de la Première Guerre mondiale aurait considérablement élargi la couche du lumpenprolétariat et créé ainsi une population prête à flamber au contact des démagogues de l'État total.
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Écrit par
- Claude LEFORT : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
-
ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine
- Écrit par Michel EUDE et Alfred GROSSER
- 26 883 mots
- 39 médias
...travail (12 heures), bas salaires, très faible protection légale. Mais il existe bien des différences, au sein même de la « classe ouvrière ». À la base un Lumpenproletariatmisérable, tel que le journaliste Victor Tissot le voit en 1875, dans un faubourg de Berlin : « Nous nous enfonçons dans une longue rue...