LYRISME
La notion de lyrisme unit traditionnellement la poésie au chant. Ce terme doit en effet son nom à la lyre dont les accords harmonieux accompagnaient dans l'Antiquité les compositions des aèdes. Associé à la figure d'Apollon ou d'Orphée, cet instrument pacificateur devint le symbole de l'inspiration poétique et des pouvoirs du poète : suspendre le temps, calmer les souffrances, apprivoiser la mort... Issu de la langue grecque, l'adjectif « lyrique » apparaît en français au xvie siècle, et se répand largement dans toutes les langues européennes. Plus tardif, le néologisme « lyrisme » date du début du xixe siècle : il semble qu'il vienne traduire l'hégémonie romantique du genre lyrique, voire l'identification complète de la poésie à sa part la plus subjective. Pourtant, le lyrisme ne saurait se réduire à la seule catégorie de l'expression personnelle du poète. S'il se nourrit d'intimité, l'altérité le travaille. S'il articule une voix toute personnelle, c'est souvent pour y faire entendre l'épreuve de l'impersonnalité même. En fait, le lyrisme associe étroitement trois données : la subjectivité, le chant et l'idéalité.
Subjectif, le lyrisme prête voix au contenu sentimental de l'existence du sujet. Le poète lyrique est par excellence celui qui dit « je ». Sa parole se distingue par là de celle du poète dramatique et du poète épique. Expressive, elle tient d'abord du cri, mais s'attache à idéaliser une émotion intime et immédiate, au moyen d'un développement harmonieux.
Chantant et mélodieux, le lyrisme recherche l'harmonie. Il privilégie les valeurs musicales du langage. Son moyen d'expression privilégié est donc le vers, dont il a contribué à faire évoluer les formes. Les aspects du texte lyrique se sont modifiés à mesure que changeait le statut du sujet dans l'histoire, ainsi que son rapport au monde, au langage, aux œuvres du passé et à lui-même.
Idéal, le lyrisme sublime le contenu de la vie affective du sujet, avec le secours de la musique et des images. Il a vocation à l'éloge et à la célébration, tout autant qu'à la plainte élégiaque. Il recompose une unité dont la lyre même fut le modèle, en tirant parti d'une discorde affective
Sous des formes savantes ou populaires, le lyrisme prête voix à la gamme entière des émotions humaines, des plus fugaces aux plus durables, et des plus futiles aux plus nobles. Plus qu'un genre parmi d'autres, il tend donc à représenter l'expression poétique dans toute son étendue, voire le désir qui y préside et les énergies qui y sont à l'œuvre. Si l'on qualifie volontiers de « lyrique » celui à qui les mots viennent en abondance et par enthousiasme, c'est sans doute que ce terme vague désigne le mouvement même que la créature humaine accomplit dans le langage pour y chercher un bien qui demeure hors de sa portée au sein de la réalité.
Le lyrisme arabe
Jusqu'au début du xxe siècle, la littérature arabe est essentiellement poétique, et le développement du lyrisme se confond avec l'histoire de la poésie. Il trouve d'emblée son expression la plus élaborée dans la qaṣīda, composition d'apparat consacrée au panégyrique ou au thrène. Née, au cours de la période archaïque, dans la bouche des poètes bédouins, devenue exercice d'école lucratif chez les poètes sédentarisés des centres urbains de l'empire, réglementée par les théoriciens du ixe siècle (iiie siècle de l'hégire), la qaṣīda va rester le genre dominant.
Cependant, la production se diversifie à partir de ses registres thématiques. Le traditionnel prélude élégiaque (nasīb) n'avait déjà pu contenir la plainte passionnée d'un Maǧnūn Layla, ni la quête amoureuse entreprise au Ḥiǧāz par ‘Umār Ibn Abī[...]
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Écrit par
- Jamel Eddine BENCHEIKH : professeur à l'université de Paris-IV
- Jean-Pierre DIÉNY : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Jean-Michel MAULPOIX : docteur ès lettres, professeur à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud
- Vincent MONTEIL : docteur ès lettres, professeur de faculté
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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