MARIONNETTES
Le terme de marionnette, diminutif altéré de mariole, mariolette – petite Marie –, qui désignait au Moyen Âge des figurines représentant la Vierge, rappelle le caractère alors religieux, en France, du spectacle de marionnettes. On ne le retrouve pas dans les autres langues ; l'objet y est rapproché de la poupée – une « poupée qui joue », précisera Gaston Baty – : en allemand Puppe, en anglais puppet, títere en espagnol et burattino ou fantoccino en italien.
Réfléchissant sur le phénomène de la marionnette japonaise – et la remarque s'applique à toutes –, Paul Claudel a noté qu'elle « n'a de vie et de mouvement que ceux qu'elle tire de l'action. Elle s'anime sous le récit, c'est comme une ombre qu'on ressuscite en lui racontant tout ce qu'elle a fait et qui, peu à peu, de souvenir devient présence. Ce n'est pas un acteur qui parle, c'est une parole qui agit ».
Ce vide et cette disponibilité d'objet suscitent une ambiguïté qui assure le singulier pouvoir qu'on a parfois le sentiment de surprendre dans l'expression de la marionnette : jusque dans l'inaction, la marionnette paraît douée encore d'on ne sait quelle existence.
Une double veine religieuse et populaire
Bien que l'état des connaissances ne permette pas toujours d'affirmer l'origine religieuse de ce genre de représentation, des exemples nombreux semblent devoir l'attester. Il est vraisemblable d'ailleurs que le spectacle de marionnettes a précédé celui des comédiens de chair – ce qu'indique sans doute le vocable appliqué, en Inde, au directeur de théâtre : sutradhara, celui qui tire le fil. En France, s'il a été introduit par des jongleurs venus de Rome où il n'était qu'un instrument de divertissement, il a été le premier autorisé, dans la société chrétienne, à prêter des traits humains au Christ, représenté jusque-là symboliquement par l'agneau.
Il convient toutefois de distinguer le rôle d'illustration de l'histoire sainte, qui lui était ainsi accordé, du pouvoir magique, qui lui a été attribué dans les sociétés primitives ou archaïques : chez les Indiens Hopi de l'Arizona, au retour de la lune de mars, à l'équinoxe de printemps, une représentation où des marionnettes à fils figuraient les filles de Maïs sur un champ en miniature, avec des pousses réelles de céréales sortant de petits tas d'argile, visait à obtenir des forces naturelles qu'elles fécondent la terre et favorisent la prochaine récolte ; le dalang, prêtre et philosophe, poète et orateur, animateur des ombres de Java, apparaissait comme un médium : accompagné d'un orchestre de gongs et de tambours, on lui reconnaissait le pouvoir de contraindre les morts à répondre à son appel et à subir l'attraction de l'image mouvante d'eux-mêmes qu'il leur proposait en agitant ses ombres ; avec elles, il faisait revivre leur histoire.
De l'Inde à l'Indonésie, marionnettes à tiges, silhouettes animées ou ombres ont eu la charge, depuis le xie siècle avant J.-C., d'improviser sur le thème des grandes épopées mythologiques : le Bala-Rāmāyaṇa et le Mahā-Bhārata.
Dès le xixe siècle avant J.-C. dans les temples d'Égypte, dans les églises chrétiennes au long du Moyen Âge, l'idée est venue d'animer les statues sacrées lors des fêtes annuelles. Ainsi des « figures d'environ une coudée de haut qu'on fait mouvoir avec une corde », signalées par Hérodote, ou des crèches niçoises appelées presepi nissart, ou encore des mitouries dieppoises, célébrées à la mi-août, dans l'église Saint-Jacques : « Des fils de fer habilement cachés faisaient faire au Père éternel et à une légion d'anges tous les mouvements, et le peuple de pousser des cris de joie, de trépigner[...]
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Écrit par
- Paul-Louis MIGNON : président d'honneur du Syndicat de la critique dramatique et musicale, chef du service culturel et critique dramatique de France-Inter, secrétaire général du Centre français de l'Institut international du théâtre
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