BARRÉ MARTIN (1924-1993)
Peintre abstrait ayant réduit le geste de l'artiste à une forme minimale, Martin Barré fait partie de cette génération de peintres, qui, dans les années 1950, ont orienté toutes leurs recherches vers l'abstraction. Si, par sa rigueur et sa radicalité, on l'a parfois placé dans la lignée de Mondrian ou de Malevitch, il n'a cependant jamais adhéré aux mouvements du néo-plasticisme et du suprématisme et est toujours resté en dehors de toute école. Menant de manière très originale et personnelle ses propres recherches, il s'est éloigné de l'abstraction lyrique en vogue à son époque en proposant une peinture abstraite moins outrée. Refusant de penser qu'un tableau puisse représenter quoi que ce soit – une idéologie, l'espace qui l'entoure, etc. – il n'a cessé d'affirmer dans ses œuvres que la peinture est une réflexion sur l'espace du tableau où elle se fait, une peinture qui puise avant tout à sa propre histoire et se construit à partir de ses propres avatars.
Un abstrait entre lyrisme et géométrie
Né le 22 septembre 1924 à Nantes, d'un père architecte qui l'a sans doute éveillé au sens de l'espace à l'échelle humaine, Martin Barré commence des études à l'école des Beaux-Arts de Nantes mais rejoint Paris, dès 1948, où il fréquente assidûment les musées et les quelques galeries d'avant-garde, tout en survivant grâce à de petits métiers. C'est en 1955 qu'il se manifeste véritablement en tant qu'artiste, à la galerie La Roue, avec une exposition de toiles abstraites structurées par des figures frontales assez géométriques, aux couleurs neutres. Dans le Paris artistique de l'époque règnent l'art informel et l'abstraction lyrique – dont Serge Poliakoff et Georges Mathieu sont parmi les principaux représentants –, et l'on y célèbre plus le geste spontané qui jette le pigment sur la toile et l'exploitation d'une matière « primitive » – telle que Dubuffet ou Fautrier l'utiliseront – qu'une abstraction géométrique jugée austère, héritée de Malévitch et de Mondrian. Les constructions géométriques, la simplicité structurelle et la gamme réduite de couleurs qui sont à la base de l'œuvre de Barré et qui apparaissent dès les premiers tableaux expliquent qu'on lui ait prêté, et qu'on lui prête encore aujourd'hui, une parenté qu'il a toujours niée avec les maîtres russes et hollandais. Effectivement, l'assimilation ne peut être que de pure forme, car les préoccupations et le dessein de Martin Barré sont différents : chez lui, la peinture deviendra en effet peu à peu une réflexion sur l'espace, où le geste du peintre se fait minimal. Cependant, s'il n'y a pas réellement parenté, il y a certainement affinités, et Mondrian et Malévitch seront une importante source d'inspiration pour Barré au début de sa carrière. En 1958, il fait un voyage aux Pays-Bas et au Danemark, qui lui permet de voir davantage de tableaux des deux artistes – notamment à la rétrospective Malévitch organisée au musée Louisiana de Copenhague. Mais où il découvre également, dans sa réalité, la facture de l'œuvre de Frans Hals qu'il ne connaissait que par des reproductions et quelques rares tableaux, et plus précisément une liberté de touche, dont il explique qu'elle eut une influence définitive sur sa peinture en ouvrant « un jeu merveilleux de possibilités entre un geste très contrôlé et une géométrie qui tenterait de faire oublier sa rigueur ».
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Écrit par
- Ann HINDRY : historienne de l'art, critique d'art, conservateur de la collection d'art moderne de Renault
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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