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BARRÈS MAURICE (1862-1923)

<em>Barrès devant Tolède</em>, I. Zuloaga - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Barrès devant Tolède, I. Zuloaga

Il y a deux images de Barrès : celle, qu'a laissée Jacques-Émile Blanche, d'un grand jeune homme pâle, au teint olivâtre, à la lèvre dédaigneuse, à l'allure de dandy, cravate blanche et fleur à la boutonnière ; celle du grand écrivain patriote, enveloppé dans les plis du drapeau tricolore devant une foule de soldats casqués, avec la cathédrale de Strasbourg à l'arrière-plan – c'est la vignette populaire des dernières années de sa vie. Entre ces deux images, une destinée singulièrement plus complexe et une œuvre infiniment plus riche que ne l'imaginent ceux qui condamnent Barrès sans l'avoir lu. Et sans doute n'est-ce pas un hasard si Barrès a exercé une influence sur des hommes aussi divers que Drieu la Rochelle, François Mauriac, Henry de Montherlant, André Malraux, Louis Aragon ou Jean-Marie Domenach. C'est sûrement une erreur de confondre le nationalisme barrésien avec le nationalisme maurrassien : Barrès, en effet, a toujours considéré qu'il n'était pas possible d'être intégralement nationaliste sans assumer toute l'histoire de France, y compris la Révolution, l'Empire et le xixe siècle.

Le culte du moi

Né en 1862 à Charmes en Lorraine, Maurice Barrès a huit ans en 1870 et jamais il n'oubliera l'humiliation de la défaite et de l'occupation : « C'est persuasif pour toujours, écrira-t-il vers la fin de sa vie, d'avoir vu dans sa huitième année une troupe prussienne entrant sur un air de fifre dans une petite ville française. »

Le jeune Barrès étudie d'abord au collège de la Malgrange, où il est très malheureux, puis au lycée de Nancy ; son professeur de philosophie, Burdeau, apparaîtra plus tard sous le nom de Bouteiller dans Leurs figures. Il vient à Paris faire des études de droit qui le passionnent peu et il fréquente assidûment les cénacles littéraires. De 1888 à 1891, il publie les trois romans qui constituent Le Culte du moi : Sous l'œil des barbares (1888), Un homme libre (1889), Le Jardin de Bérénice (1891). C'est la gloire : à moins de trente ans, Barrès est sacré « prince de la jeunesse ».

Cultiver son moi : « Moi qui suis la loi des choses et par qui elles existent dans les différences et dans leur unité... », défendre son moi contre les « barbares » : « Les barbares, voilà le non-moi, c'est-à-dire tout ce qui peut nuire et résister au moi... », lutter contre les convaincus, épurer son moi « de toutes les parcelles étrangères que la vie continuellement y introduit », mais faire un effort pour ajouter à son moi « tout ce qui lui est identique, assimilable », s'abandonner à l'instinct, à l'inconscient, aux forces de la terre, telle est la leçon que donne Bérénice au héros du Culte du moi : « Reconnais en moi la petite secousse par où chaque parcelle du monde témoigne l'effort secret de l'inconscient. Où je ne suis pas, c'est la mort, j'accompagne partout la vie. »

Les jeunes gens qui lisent aujourd'hui Le Culte du moi sont plus frappés, semble-t-il, par la complaisance à la fois languissante et guindée dont l'auteur témoigne à l'égard de lui-même, ainsi que par la joliesse un peu trop apprêtée de son style (« ... Et la main dans la main le jeune homme et la jeune femme s'acheminent vers l'horizon fuyant des montagnes bleues, sous un ciel sombre, constellé de pétales de rose ») que par l'espèce d'élan libérateur que découvraient, vers 1890, les jeunes lecteurs de Barrès qui se juraient de conformer leur vie au principe formulé par Simon dans Un homme libre : « Il faut sentir le plus possible en analysant le plus possible. »

Le Culte du moi est antérieur de peu d'années aux Nourritures terrestres (1897), et Gide, qui devait par la suite s'opposer vigoureusement à Barrès, a eu à l'origine[...]

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Écrit par

  • : secrétaire général de la Fondation nationale des sciences politiques, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris

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<em>Barrès devant Tolède</em>, I. Zuloaga - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Barrès devant Tolède, I. Zuloaga

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