MIOU-MIOU (1950- )
Née en 1950, à Paris, Sylvette Herry, dite Miou-Miou, apprend son métier au Café de la Gare de Romain Bouteille aux côtés de Coluche, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu. Entre ces deux derniers, loubards en cavale écumant un pays bête et méchant, elle triomphe dans Les Valseuses (Bertrand Blier, 1974) dans un rôle de champouineuse facile mais frigide lancée dans une odyssée du ruisseau. Elle va, dès lors, gérer ce soudain vedettariat sulfureux en frayant un chemin personnel, loin des anciens du Splendid, dont elle ne fait pas partie, comme des réalisateurs de la Nouvelle Vague qui l'ignorent autant que la plupart des jeunes auteurs ! De fait, elle parvient à s'imposer et à se maintenir dans le créneau de plus en plus étroit d'un cinéma grand public de qualité, avec des rôles évoluant au gré de son âge et d'une maturité parfois un peu rébarbative quoique déterminée, et qui n'oublie pas forcément les utopies libertaires de la jeunesse.
Dans le courant du « Nouveau Naturel » des années 1970, elle tente, chez Maurice Dugowson, de faire admettre les dures réalités de la vie au jeune rêveur cinéphile de F. comme Fairbanks (1976) puis incarne au Canada, en duo avec Carole Laure, une jeune femme de son temps (Au revoir... à lundi, 1979). Chez Claude Miller, elle ne parvient pas à sauver son voisin (Gérard Depardieu) littéralement fou d'amour de son amie d'enfance (Dites-lui que je l'aime, 1977). En jeune inspectrice de police, émouvante et convaincante, brisée par les potentats d'une ville du Nord (La Femme flic, Yves Boisset, 1979), elle surprend car son personnage prend soudain plus de poids. Mais sa fidélité à Georges Lautner reste intacte : dès avant Les Valseuses, elle apparaissait parmi les hippies envahissant le village de Quelques messieurs bien tranquilles (1972). Puis, juste après le film de Bertrand Blier, elle tient le premier rôle dans Pas de problème (1974). Ailleurs elle veut empêcher Pierre Richard de tourner un film pornographique (On aura tout vu, 1979), connaît des ennuis avec des truands et amorce une course poursuite avec Gérard Lanvin qui, lui, a des problèmes avec la justice (Est-ce bien raisonnable ?, 1981). Attention ! Une femme peut en cacher une autre (1983) est moins conventionnel, qui voit Miou-Miou menant sans états d'âme une double vie heureuse.
Résistante de l'ombre pendant l'Occupation (Blanche et Marie, 1985, Jacques Renard, avec Sandrine Bonnaire), Mère Maheu dirigeant avec fermeté sa famille de mineurs (Germinal, Claude Berri, 1993), Miou-Miou sait également être fine et légère lorsque Michel Deville la piège entre littérature et désir lors d'une lecture torride de Sade (La Lectrice, 1988). Elle prend aussi un vrai risque quand elle incarne avec Charles Berling un couple bien tranquille saisi par l'attrait de l'inconnu sexuel (Nettoyage à sec, Anne Fontaine, 1997). Mais son personnage revêche qui fait les comptes de l'héritage, saisi par la grande peur des possédants au printemps de 1968 (Milou en mai, Louis Malle, 1990), va par trop enfermer la comédienne dans des compositions de femme de quarante ans accrochée aux nécessités matérielles face aux rêveurs, aux jeunes et autres immatures. Ainsi fait-elle tourner la maison dans Tout va bien, on s'en va (Claude Mourieras, 2000) tandis que ses sœurs connaissent une réussite tant professionnelle qu'artistique. Elle collectionne les rôles secondaires (La Science des rêves, Michel Gondry, 2006) ou les films choraux dans lesquels elle campe des personnages peu privilégiés par les scénarios (Le Héros de la famille, Thierry Klifa, 2006). Miou-Miou demeure en tous cas toujours prête à s'investir dans les premiers longs-métrages de jeunes cinéastes ambitieux (Les Murs porteurs, Cyril Gelblat, 2008).
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
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