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NOUVELLE RHÉTORIQUE, droit

La nouvelle rhétorique est un courant philosophique du xxe siècle, parfois appelé aussi école de Bruxelles, qui, sous la conduite de son fondateur Chaïm Perelman (1912-1984), a contribué à renouveler l'intérêt de la pensée contemporaine pour l'argumentation, en mettant en évidence le rôle central de celle-ci dans le traitement des questions pratiques.

Qu'elles relèvent de la morale, du droit ou de la politique, les questions pratiques concernent la vie des hommes et leurs actions. Est-il admissible de mentir dans certaines circonstances ? Faut-il légaliser l'euthanasie ou le clonage et, si oui, dans quelles conditions et dans quelles limites ? Faut-il réduire les prélèvements obligatoires pour stimuler le travail ou les augmenter pour financer davantage les services publics et les allocations sociales ? Autant de questions qui impliquent des choix, des décisions, qui engagent l'avenir et la responsabilité de leurs auteurs. La nouvelle rhétorique s'intéresse au raisonnement qui guide la résolution de telles questions. Elle combat le scepticisme d'une partie importante de la pensée contemporaine, dominée par le positivisme, qui prétend que les normes et les valeurs n'ont pas de réalité objective. Celles-ci ne seraient ni vérifiables dans l'expérience ni démontrables par la logique. Elles n'exprimeraient en réalité que des préférences purement subjectives, de sorte que les désaccords, profonds et durables, qu'elles suscitent ne pourraient être tranchés de manière rationnelle. La nouvelle rhétorique refuse un tel relativisme, qui impose de renoncer à la raison là où cette dernière apparaît le plus indispensable et interdit tout jugement critique dans le domaine du bien et du juste, y compris la condamnation des régimes criminels, des lois scélérates et des jugements iniques.

Restauration de la fonction rhétorique

Selon l'école de Bruxelles, il existe bien une logique propre au raisonnement pratique, mais celle-ci ne se réduit pas à la logique formelle, telle qu'elle a été conçue d'après l'idéal des démonstrations mathématiques. Perelman reproche à Descartes d'avoir imposé une conception trop étroite de la raison, réduisant celle-ci à la certitude et à l'évidence, en rejetant en dehors de la connaissance ce qui est douteux ou controversé. Les questions pratiques ne se démontrent certes pas comme des théorèmes, mais elles peuvent se discuter. Elles ne doivent pas pour autant être exclues du champ de la pensée. Il faut au contraire les y réintégrer en ajoutant à la logique formelle une logique informelle, celle de l'argumentation, dont les techniques ont été étudiées depuis l'Antiquité par la rhétorique. La nouvelle rhétorique entend réhabiliter cette discipline, longtemps méprisée et discréditée par la philosophie. La rhétorique, telle que la conçoit Perelman à la suite d'Aristote, constitue la méthode de raisonnement adaptée à la résolution des questions qui sont susceptibles de plusieurs réponses vraisemblables, entre lesquelles il faut pourtant trancher pour prendre une décision. Elle procède par la confrontation des thèses opposées en vue de déterminer la meilleure solution.

La valeur des thèses qui s'affrontent s'apprécie en fonction du caractère convaincant des arguments présentés à leur appui. La fonction essentielle de la rhétorique consiste, dans cette optique, à découvrir et à présenter dans chaque cause les arguments pertinents. Pour ce faire, elle procède au recensement et au classement systématique des différentes catégories d'arguments. Les Anciens appelaient « topique » cette grille de classement et « lieu » chacune des cases de la grille. Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca entreprendront d'en renouveler l'étude dans leur célèbre Traité de l'argumentation[...]

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Écrit par

  • : docteur en droit, directeur du Centre de philosophie du droit de l'Université libre de Bruxelles

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