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LARKIN PHILIP (1922-1985)

Représentant le plus complexe d'un courant poétique qui a dominé la poésie anglaise des années cinquante, Philip Larkin est né à Coventry. Après des études faites à l'université d'Oxford, il mène une vie volontairement modeste de bibliothécaire célibataire dans diverses universités de province. Tout, dans sa vie, semble relever d'une espèce de litote, d'understatement, d'« effacement », dont les racines s'étendent très loin dans la poésie anglaise (on pense à Auden vers la fin de sa vie), mais aussi, et surtout, dans la société anglaise elle-même.

On peut voir dans l'œuvre de Larkin (deux romans : Jill [1946], Une jeune fille en hiver[A Girl in Winter, 1947], et des recueils de poèmes : Le Bateau qui mit le cap au nord[The North Ship, 1945], Un moindre aveuglement[The Less Deceived, 1955], Les Mariages de la Pentecôte [The Whitsun Weddings, 1964] et Hauts Vitraux[High Windows, 1974]) l'expression d'un double refus : refus de l'« enthousiasme politique » (notamment celui des poètes des années trente), responsable, à ses yeux, des horreurs des totalitarismes, refus aussi de l'« enthousiasme poétique » qu'on retrouve chez les romantiques et leurs héritiers (notamment chez les poètes « apocalyptiques » anglais des années quarante). Plus profondément, on peut voir l'œuvre de Larkin comme l'expression d'un certain retrait intellectuel et poétique, politique et économique qui caractérise l'Angleterre depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les Écrits de commande (Required Writings), parus en 1982, permettent d'examiner de près les idées littéraires et artistiques de Larkin. Il aborde les sujets les plus divers, de Count Basie à Andrew Marvell, car il s'intéresse avec un égal bonheur au jazz (auquel il a consacré un essai : All what Jazz ?, 1970) et à la poésie élizabéthaine. On y trouve également des essais, déjà publiés dans les revues, sur Thomas Hardy et W. H. Auden, deux interviews accordées à The Observer et The Paris Review, ainsi que les introductions rédigées pour Jill et The North Ship par l'écrivain lui-même.

Sa poésie valorise le repli à tous les niveaux (y compris le refus énergique de toute influence étrangère) et le recentrement sur la vie quotidienne de la petite bourgeoisie anglaise. Sa force réside dans la façon dont il a exprimé les plaisirs, les révoltes, et surtout les échecs de cette vie. La poésie de Larkin est par bien des côtés une poésie de la défaite assumée, l'expression d'une compassion stoïque pour la petitesse et la fragilité de la vie des banlieues (Les Crapauds revus[Toads Revisited], Mr. Bleaney). Les quelques moments privilégiés de cette vie sont les fêtes discrètes (Les Mariages de la Pentecôte [Whitsun Weddings]), les soirées d'été des banlieues anglaises, l'université et, surtout, comme métaphore fondamentale, la retraite (Au pré[At Grass]). En arrière-plan de ce stoïcisme — un stoïcisme toujours teinté d'une ironie quelque peu amère — se profile une vision du temps (Entrée à l'église[Church Going]) tout aussi sombre que celle du poète qui l'a le plus influencé : Thomas Hardy. Comme celle de Hardy, la poésie de Larkin se caractérise par des motifs syntaxiques et rythmiques d'une certaine complexité, complexité pourtant toujours masquée pour le lecteur par une apparence de simplicité, par une extraordinaire transparence.

Le grand danger de cette poésie — danger que les poètes de la génération suivante n'ont pas laissé de dénoncer — est un repli frileux et stérile sur l'Angleterre et ses traditions poétiques et intellectuelles, repli qui valorise la vie anglaise précisément en ce qu'elle a de plus quotidien et de plus étouffant. Ses défenseurs justifient la poésie de Larkin par sa « vérité » et — ce qui est plus intéressant — par l'aspect[...]

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Écrit par

  • : D. Phil, assistant d'anglais à l'université de Paris-VII

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