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MASSÉ PIERRE (1898-1987)

Dans un très beau livre, Aléas et progrès, publié en 1984, Pierre Massé a décrit sa traversée du siècle. Né le 13 janvier 1898, le jour du « J'accuse » de Zola, il est reçu en 1916 à la fois à Polytechnique et à Normale supérieure. Il s'engage aussitôt prenant part à l'offensive du Chemin des Dames.

Ingénieur des ponts et chaussées, il choisit, vers la trentaine, de faire carrière dans l'industrie électrique, où il se passionne pour la construction de barrages. Durant l'Occupation, il s'engage activement, avec son épouse, dans la résistance. À la Libération, E.D.F. deviendra sa « patrie professionnelle ». Directeur de l'équipement en 1946, directeur général adjoint en 1948, il retrouvera, comme président, la grande entreprise nationalisée après son passage au Plan.

Commissaire général au Plan de 1959 à 1965 (IVe et Ve plan), il a assuré, fort de l'appui du général de Gaulle, la responsabilité de 1'« ardente obligation ». Membre de l'Institut depuis 1977, il est par ailleurs l'auteur de nombreux ouvrages : Les Réserves et la régulation de l'avenir (1946), Le Choix des investissements (1949), Le Plan, ou l'antihasard (1965), Les Dividendes du progrès (1969), La Crise du développement (1973).

Pierre Massé appartient à cette génération de grands serviteurs de l'État qui a conduit la reconstruction de la France et favorisé l'expansion des « trente glorieuses ». La foi dans le progrès, une rigueur et une force de caractère rares constituent les fils directeurs de son existence. « Comprendre, construire, convaincre », tels sont les mots qu'il avait fait graver sur son épée d'académicien. Homme d'action et d'entreprises, Pierre Massé était également un homme de réflexion - un économiste de la décision comme il se présentait lui-même - qui a exercé une influence intellectuelle considérable.

Son ouvrage Le Choix des investissements a constitué le point de départ de l'école française du calcul économique. C'est à lui que l'on doit la notion de comptes de surplus si indispensable pour l'analyse de la répartition des gains de productivité. À la tête du Commissariat au plan, il a favorisé le développement de nouveaux instruments de politique économique (programmation en valeur, clignotants).

Pierre Massé a incarné avec Jean Monnet les grandes heures de la planification française. Il a parfaitement défini –et mis en œuvre – ce qui a fait l'ambition, l'originalité et la force de la mission de la Rue de Martignac : dépasser l'immédiat pour étudier les enjeux du moyen et du long terme ; promouvoir l'échange, le dialogue pour favoriser la conscience et la réalisation de ce qui est important. Le Plan a une double fonction : assurer une meilleure cohérence entre les fins et les moyens, servir de guide pour orienter le développement économique et social.

Mais sa vision de l'économie et de la société n'était pas réductrice, ni technocratique. Dans l'introduction du IVe plan, l'humaniste recommandait « une idée moins partielle de l'homme ». Il y écrivait aussi : « Pour conjurer les périls, il nous faut retrouver une éthique, conciliant la cohésion collective et l'épanouissement personnel au prix d'une révision déjà commencée de nos valeurs. »

— Henri GUILLAUME

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Écrit par

  • : agrégé de sciences économiques et de gestion, ancien commissaire au plan, professeur à l'École centrale

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