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PRODUCTION DE MOTS (psycholinguistique)

La psycholinguistique est une discipline qui étudie l'acquisition du langage et son utilisation. La production de mots est un thème important au sein de cette discipline.

Afin d'étudier les mécanismes et les unités impliqués dans la production des mots, les chercheurs ont recours à différentes méthodes. Ils peuvent procéder à l'analyse des erreurs produites spontanément (lors de conversations naturelles, au cours de la production de textes) ou dans des situations de laboratoire, par des locuteurs sains ou des patients victimes d'un dommage cérébral (par exemple un AVC). Ils analysent aussi le phénomène du « mot sur le bout de la langue », qui correspond à une inaccessibilité ponctuelle d'un mot que l'on souhaite communiquer, souvent accompagnée d'un sentiment d'imminence de récupération. Ils recourent aussi à la chronométrie mentale : il est possible, en laboratoire, de mesurer la durée qui sépare le début de l'articulation (ou de l'écriture sur un support ou de la frappe sur un clavier) des mots à partir de la présentation de supports imagés correspondant à des images d'objets, d'actions ou de personnages. Plus récemment, ils ont fait appel à des techniques permettant d'enregistrer l'activité électrique ou magnétique à la surface du scalp (techniques d'électroencéphalographie ou de magnétoencéphalographie) pendant qu'un individu produit un mot. L'imagerie cérébrale (comme l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle : IRMf) permet aussi d'étudier les zones cérébrales qui sont activées lors de la production verbale de mots.

À l’oral

Selon une étude américaine, nous produisons en moyenne quotidiennement 16 000 mots, mais il existe de larges différences entre individus. La production verbale est rapide – nous produisons environ 3 mots à la seconde –, et précise – nous commettons moins d’une erreur lexicale sur 1 000 mots produits. Cette apparente simplicité ne doit cependant pas occulter la complexité des mécanismes qui sous-tendent cette habileté spécifiquement humaine.

La majorité des chercheurs fait l'hypothèse que la fabrique des mots à l'oral met en jeu au moins quatre niveaux de traitement. Au premier niveau, dit « niveau conceptuel », le concept cible (« table ») que l'on souhaite verbaliser est activé en parallèle à d'autres concepts qui lui sont sémantiquement reliés (« chaise » et « cuisine »). Ce niveau transmet de l'activation aux unités d'un deuxième niveau : le niveau lexical (parfois appelé « niveau des lemmas »). Là, le nœud lexical cible correspondant au concept à exprimer (« table ») est sélectionné parmi un ensemble de nœuds lexicaux activés en parallèle (« chaise » et « cuisine »). À ce niveau, la sonorité interne du mot n'est pas encore spécifiée. Ce n'est qu’au troisième niveau, celui de la forme des mots (ou lexèmes), que les phonèmes constitutifs du nœud lexical cible seront activés ainsi que d’autres informations comme le nombre de syllabes et la prosodie (métriques). Enfin, au dernier niveau, les informations sur la forme des mots vont servir à la récupération ou à la construction des syllabes qui seront finalement exécutées par le système articulatoire, qui mobilise de façon rapide et coordonnée les différents organes de la parole (langue, dents, larynx). De nombreux arguments ont été fournis à l'appui de la distinction entre ces niveaux de traitement. Ainsi les études sur « le mot sur le bout de la langue » ont montré que, dans un état de manque du mot, les locuteurs peuvent néanmoins récupérer, au-delà du hasard, le genre grammatical des mots recherchés (dire si le mot « saxophone » est masculin ou féminin), tandis qu'ils n'arrivaient pas à les produire oralement. Certains patients aphasiques peuvent ne pas récupérer[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités en psychologie cognitive, université de Bourgogne

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