EXTRÊME-ORIENT QUESTION D'
Jusqu'en 1890 : le régime des traités inégaux
Une première phase prend fin autour de 1890. De nouvelles expéditions entreprises contre la Chine par la France et l'Angleterre (deuxième et troisième guerres de l'Opium) aboutissent au traité de Pékin, le 21 octobre 1860, qui limite considérablement la souveraineté de la Chine : ouverture de onze nouveaux ports dont Tianjin et Nankin, autorisation pour les navires de commerce de remonter le Yangzi jusqu'à Hankou, privilège de juridiction pour les étrangers, même pour les affaires civiles, quand ils sont défendeurs, droit pour les missions religieuses françaises de s'établir en dehors des ports ouverts, installation à Pékin d'agents diplomatiques occidentaux permanents (le gouvernement chinois créant un office des Affaires étrangères, le Tsong-li Yamen). De son côté, la Russie obtient au nord un vaste territoire qui deviendra la Province maritime et qui comprend, en bordure du Pacifique, le pays délimité par l'Amour et l'Oussouri.
Le gouvernement mandchou n'oppose en fait aucune résistance sérieuse aux exigences étrangères. Sa faiblesse et son impopularité sont un des éléments constitutifs de la question d'Extrême-Orient. Il doit faire face à des mouvements d'opposition comme celui des Taiping (T'ain-p'ing), qui ont pris Nankin pour capitale et qui, résistant de 1851 à 1864, ne seront finalement écrasés que grâce à l'aide militaire et technique des Français et des Anglais. Les grandes puissances sont toujours intervenues en faveur des forces conservatrices ; après des hésitations et des dissentiments, elles ont décidé de soutenir la dynastie mandchoue (et cela jusqu'en 1911). Le maintien d'une unité fictive est nécessaire pour ne pas laisser une seule puissance profiter exclusivement d'une dislocation de l'Empire. Trop faible pour résister à la pression étrangère, le gouvernement mandchou doit être assez fort pour garantir l'exécution des accords signés, repousser des réformes qui permettraient à la Chine de se passer de l'Occident et de briser les mouvements insurrectionnels. De même l'existence d'un Empire ottoman était liée à la question d'Orient, de même la question d'Extrême-Orient impliquait la survie, sous contrôle, d'un Empire chinois. Après deux ans de guerre (1883-1885), la France impose à la Chine l'abandon de son feudataire vietnamien.
Le régime des traités inégaux entre progressivement en application. Dans les ports qui leur sont ouverts, les Européens résident dans certains quartiers appelés concessions qui échappent au contrôle de l'administration chinoise. Les commerçants étrangers qui transportent leurs marchandises à travers la Chine sont dispensés de payer une partie des taxes auxquelles étaient astreints les marchands chinois. Le gouvernement chinois n'a plus le contrôle de ses propres douanes. Depuis 1842, il lui est interdit de prélever plus de 5 p. 100 sur les marchandises étrangères et, à partir de 1861, un corps de fonctionnaires occidentaux a pris en main l'administration des douanes. Les flottilles étrangères de guerre peuvent naviguer sur les eaux intérieures chinoises. Cette pratique des traités inégaux a été également imposée au Siam par les Anglais en 1851 et le Japon doit la subir jusqu'en 1894 environ (il faut attendre 1911 pour que la liberté douanière du Japon soit totale).
Il n'y a pas encore de très vives rivalités entre les puissances occidentales. Le champ est libre (« There is room in Asia for all of us », selon la formule de lord Salisbury). À l'exception de la Russie, personne ne conteste à la France et à l'Angleterre un droit prioritaire d'intervention. La Grande-Bretagne assure à elle seule 85 p. 100 du commerce extérieur chinois ; mais, pour l'heure, elle ne vise pas à obtenir des avantages[...]
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Écrit par
- Jean BRUHAT : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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