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CORREA RAFAEL (1963- )

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Homme politique équatorien, Rafael Vicente Correa Delgado fut le président de la République de l'Équateur de 2007 à 2017. Il illustre ce qu'on appelle le « virage à gauche » des démocraties latino-américaines. Quasi inconnu jusqu'en 2006, Rafael Correa bouleverse la scène politique nationale, sapant l'influence des partis traditionnels, qu'il présente comme corrompus, pour imposer un présidentialisme fort.

Ce jeune économiste, qui se réclame d'une gauche humaniste et chrétienne, défend un programme nationaliste en rupture avec les politiques néolibérales de ses prédécesseurs, au nom de la justice sociale et de la souveraineté nationale, grâce à son mouvement Alianza País (Patria Altiva y Soberana, « patrie fière et souveraine », país signifiant aussi « pays »).

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Né le 6 avril 1963 à Guayaquil, dans une famille modeste, Rafael Correa y fait des études de sciences économiques à l'université catholique, puis obtient une maîtrise de l'université catholique de Louvain-la-Neuve (Belgique) et un doctorat de l'université d'Urbana-Champaign (Illinois, États-Unis). Il consacre une année de bénévolat à enseigner et à développer la micro-entreprise dans des communautés indiennes de Cotopaxi (au sud de Quito), apprenant à cette occasion le quechua. Il débute en politique comme conseiller économique du vice-président Alfredo Palacio, durant le mandat présidentiel de Lucio Gutiérrez (nov. 2002-avr. 2005). À l'issue du soulèvement populaire qui destitue ce dernier, Palacio est promu président par intérim et nomme Correa ministre de l'Économie. Celui-ci démissionne quatre mois plus tard en critiquant le poids trop important de la Banque mondiale, du FMI et de Washington dans la conduite des affaires du pays.

Candidat à l'élection présidentielle de 2006, Correa reçoit, au second tour, l'appui des partis du centre, de la gauche et du parti indien Pachakutik. Alianza País prône « une révolution citoyenne pacifique dans un cadre démocratique » et promet des investissements publics, la redistribution des ressources vers les secteurs productif et social, la renégociation de la dette extérieure et une réforme constitutionnelle. Correa est élu le 26 novembre 2006 face au conservateur Álvaro Noboa, du Parti institutionnel d'action nationale, avec 56,7 % des suffrages.

Prenant ses distances vis-à-vis de Washington, il déclare être opposé au renouvellement de l'accord de 1999 qui concédait pour dix ans la base aérienne militaire de Manta aux États-Unis. Il rejette également la signature du Traité de libre-échange entre les États-Unis, le Pérou, l'Équateur et la Colombie (Tratado de Libre Comercio Andino-Estados Unidos, TLC) et expulse, en avril 2007, le représentant de la Banque mondiale à Quito. Il prône une intégration régionale, garante de l'indépendance des pays latino-américains dans les relations avec le voisin du nord, et il appuie la création de la Banque du Sud, qui sera lancée le 10 décembre 2007. S'il déclare ne pas vouloir revenir sur la dollarisation de l'économie équatorienne, effective depuis 2000, il voit dans cette intégration régionale un salut monétaire et défend le principe d'une monnaie unique pour le sud du continent. Sur le plan intérieur, il entend endiguer la corruption et développer les programmes sociaux. Il augmente l'aide aux plus démunis, rénove écoles et hôpitaux. Le 15 avril 2007, à l'issue d'un référendum approuvé à 78,1 %, une Assemblée constituante dotée des pleins pouvoirs est élue et, le 30 septembre, Alianza País y obtient la majorité absolue des sièges.

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Afin que soit mise en œuvre la « révolution citoyenne » du président Correa, les Équatoriens approuvent à 64 %, lors du référendum du 28 septembre 2008, la nouvelle Constitution. Correa avait présenté l'enjeu du vote comme « le choix entre deux mondes », le néolibéralisme ou le socialisme du xxie siècle. Cependant, le non l'a emporté à Guayaquil, le poumon économique du pays, dirigé par le maire social-chrétien Jaime Nebot, reproduisant la division séculaire entre la côte et les Andes. L'Église, acteur incontournable dans le pays, s'oppose également au nouveau texte constitutionnel, l'interprétant comme une légalisation de l'union civile entre homosexuels et du droit à l'avortement. Même si Correa a été accusé d'avoir monopolisé en sa faveur l'espace médiatique, depuis la mise sous tutelle de l'État, en juillet 2008, de trois chaînes de télévision et la fermeture d'une radio d'opposition, la Constitution représente une avancée importante dans la reconnaissance des droits sociaux, au cœur des débats de la Constituante.

La nouvelle Loi fondamentale préconise de remplacer l'économie de marché par un « système économique social et solidaire » reconnaissant, au côté de la propriété privée, d'autres formes de propriétés, communautaires ou étatiques. Sans nationaliser les moyens de production, le texte proclame les ressources naturelles propriété inaliénable de l'État. Il renforce les pouvoirs présidentiels face au Parlement, notamment en matière économique et monétaire. Il consolide la reconnaissance des droits des peuples indigènes, reprenant les avancées du texte de 1998, garantit la gratuité de la santé et de l'éducation, et proclame « illégitime » la dette extérieure. Ainsi, en décembre 2008, dans le contexte de la crise économique mondiale, Correa refuse de payer 37 % de la dette publique extérieure et exige sa renégociation.

Le 26 avril 2009, l'élection présidentielle anticipée organisée après l'adoption de la Constitution est remportée, sans surprise, par Correa qui obtient 51,8 % des suffrages, face à l'ancien président Lucio Gutiérrez. Pour la première fois en trente ans, un président est élu dès le premier tour. Toutefois, la crise économique compromet ses ambitieux programmes sociaux puisqu'il est obligé d'imposer des mesures d'austérité impopulaires qui provoquent d'importantes protestations, dont celle des fonctionnaires de police en septembre 2010 au cours de laquelle le président Correa est blessé. Mais il réussit à faire adopter une nouvelle loi sur la nationalisation des hydrocarbures, un point clé de son programme politique dans la voie du « socialisme du xxie siècle ». Par ailleurs, alors que, depuis 1996, aucun président n'a pu achever son mandat, Rafael Correa est réélu dès le premier tour (avec 57,1 % des suffrages) pour un nouveau mandat en février 2013. En février 2014, il subit un revers important aux élections municipales et régionales, au cours desquelles les différentes oppositions font entendre leurs voix. Contesté sur sa droite, Rafael Correa est désormais en butte à l’opposition des mouvements écologistes et indiens. Ceux-ci lui reprochent de renoncer à son engagement de ne pas autoriser de forages pétroliers dans la réserve amazonienne du parc national Yasuni. Mais la politique de développement préconisée par le président équatorien peut difficilement se passer de la rente pétrolière.

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Il ne se représente pas à l’élection présidentielle de 2017, qui est remportée par son dauphin et ancien vice-président Lenín Moreno. Il se retire alors en Belgique, pays d’origine de son épouse, qui lui accorde le statut de réfugié en 2020. La même année, il est condamné par contumace pour corruption à huit ans de prison par la justice équatorienne.

— Emmanuelle SINARDET

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

Bibliographie

G. Fontaine, « Le Mouvement écologiste contre l'exploitation d'hydrocarbures en Équateur », in Problèmes d'Amérique latine, no 70, La Documentation française, Paris, 2008

« Équateur, aperçu pays », http :/www.edc.ca/french/docs/gecuador f.pdf

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« Mutations des gauches latino-américaines », in Problèmes d'Amérique latine, no 71, La Documentation française, Paris, 2009

« Rafael Correa Delgado », http ://www.cidob.org/es/documentacion/biografias lideres politicos/america del sur/ecuador/rafael correa delgado.

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Écrit par

  • : maître de conférences habilité, professeur à l'université de Paris Ouest Nanterre La Défense
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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    C'est dans ce contexte tourmenté que le second tour de l'élection présidentielle, le 26 novembre 2006, voit la victoire deRafael Correa, un jeune économiste, à la tête du mouvement politique Alianza País (Patria Altiva y Soberana, « patrie fière et souveraine », pouvant être lu également « pays...

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