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RELIGION Sociologie religieuse

La définition problématique de la religion

Depuis notamment les premières réflexions développées par Émile Durkheim, les sociologues des religions disposent de plusieurs approches pour définir leur objet d'étude.

Les définitions fonctionnelles

Celles-ci mettent en évidence les fonctions de régulation, d'intégration et de socialisation de la religion, laquelle offre aux individus des modes de significations et des cadres sociaux d'inscription dans un (des) regroupement(s) ou une (des) collectivité(s) [Geertz, Yinger, Luckmann]. La religion consiste en une sociabilité communautaire, une socialisation intergénérationnelle visant à la transmission de codes, de valeurs, de référents et de comportements se manifestant aussi bien dans un espace collectif (lieu de culte, rue...) ou dans la sphère privée (en famille, entre amis). La religion est alors un dispositif de sens, un cadre éthique et normatif déterminant l'action des individus et des communautés. Ce type de définitions, à force d'inclure le social et le culturel dans la religion, à force d'étendre le champ opératoire du religieux, aboutit à diluer l'objet « religion », qui perd alors toute spécificité : tout devient religieux, le football, un concert de musique, un meeting politique...

Les définitions « substantives » ou « exclusivistes »

En contrepoint des définitions fonctionnelles, certains sociologues conçoivent la religion comme à part des autres activités sociales dans la mesure où elle met en jeu des êtres suprahumains, une dimension transcendante ou une réalité sacrée, qui va au-delà de l'expérience humaine (Spiro, Robertson, Dobbelaere, Wilson). Dans cette optique, la religion met en scène et en sens des imaginaires et des univers symboliques se référant à une réalité métasociale. Elle se caractérise par des croyances et représentations supranaturelles, véhiculées de manière continue par des textes, des pratiques cultuelles, des images ou des gestuelles symboliques, répondant à des codifications prédéterminées. Cependant, les définitions exclusivistes (ou essentialistes) mettent au second plan les processus de socialisation intergénérationnelle et d'intégration sociale et communautaire, que l'on trouve au cœur des pratiques religieuses. Avec cette approche, on gagne en précision sur le contenu de la religion, mais on perd en compréhension sociologique : comment comprendre la pluralité des manifestations de la religion à travers le monde ? Comment expliquer la variété, les divergences de pratiques et de croyances au sein d'une même religion, au contenu pourtant semblable ?

Nouvelles définitions

Pour sortir du dilemme de ces deux types de définition, des auteurs suggèrent d'autres conceptions de la religion. En France, deux sociologues, Jean-Paul Willaime et Danièle Hervieu-Léger, renouvellent les conceptions sociologiques de la religion en tenant compte des mutations culturelles affectant la société moderne. Le premier considère, dans un premier temps, la religion comme une communicationsymbolique de rites et de croyances se rapportant à un charisme fondateur, générant une filiation. Dans un second temps, suite aux travaux de l'anthropologue Camille Tarot sur le don, il définit la religion comme un lien social articulé au don qui se déploie selon trois dimensions. À savoir, la religion est une activité symbolique traditionnelle posant une donation originaire (dimension verticale) qui engendre d'autres dons, à la fois dans la filiation et la transmission (dimension longitudinale) et dans la solidarité qui se tisse entre celles et ceux qui se reconnaissent dans une même tradition (dimension horizontale).

Quant à Danièle Hervieu-Léger, elle définit la religion comme un mode spécifique du croire reposant sur une lignée croyante, laquelle véhicule des symboles et des rites selon une référence légitimatrice[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé en sciences économiques et sociales, docteur en sociologie

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Médias

Karl Marx - crédits : Courtesy of the trustees of the British Museum

Karl Marx

Engels - crédits : Edward Gooch/ Getty Images

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Alexis de Tocqueville (1805-1859) - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Alexis de Tocqueville (1805-1859)

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