RESPONSABILITÉ (droit) Responsabilité pénale
Vers 112, Pline le Jeune, alors légat en Bithynie, écrit à l'empereur Trajan pour lui demander comment on doit juger les chrétiens : « Je n'ai jamais participé à des procès (cognitiones) concernant des chrétiens ; c'est pourquoi je ne sais quels sont les faits que l'on punit ou sur lesquels on enquête, ni jusqu'où il faut aller ». Il pose là des questions essentielles au sujet de la responsabilité pénale, sur le fait et sur la faute. Les actes interdits sont-ils définis par une règle ? Sont-ils décrits dans leur matérialité ? Faut-il tenir compte de l'âge, de l'enfance à la vieillesse (notre notion de cause subjective de non-culpabilité) ? Quel est l'effet du repentir sur la peine (aujourd'hui, faculté pour le juge d'abaisser la peine), et quelle est sa valeur, car Pline s'inquiète du lien entre l'intériorité de l'intention et l'acte illicite pour lequel la clémence est sollicitée. Faut-il encore distinguer entre le fait de se dire chrétien, d'exprimer un être chrétien (est-ce notre « état dangereux » ?), et la commission d'un « crime de chrétien » (refus de sacrifier ou de présider à un sacrifice) ?
Adaptant une célèbre analyse de Sartre, on pourrait dire : la responsabilité pénale est responsabilité de quelque chose. Le droit ne demande pas si quelqu'un est coupable, mais de quoi ? pour quel acte ? Sinon, comment être coupable, en soi, en son être ? C'est opposer à une conception théologique, qui affirme la culpabilité originelle de l'être, une anthropologie, qui définit la responsabilité dans l'extériorité de l'acte – même si la dimension transcendante de la faute est postulée par la référence à la nature, ou aux valeurs d'une société.
Et, enfin, s'agit-il seulement de savoir si un individu est responsable parce qu'il est religieux, qu'il a chanté en public, s'est vêtu de telle façon ou a pratiqué un usage ancestral ? Une théorie de la responsabilité pénale n'est-elle pas également, pour l'autorité politique, et pour l'autorité judiciaire, la définition des conditions dans lesquelles les individus peuvent être recherchés pour leurs fautes dans leurs rapports aux personnes et aux biens, mais aussi à l'autorité de l'État, aux intérêts de la nation et à la paix publique ? Beccaria nous le dit au sujet des lois : c'est de la condition des hommes qu'il s'agit.
Conditions de la responsabilité
L'acte interdit
Si la notion de responsabilité est liée à celle de faute, celle-ci consiste à violer une règle de droit. Le droit pénal a pour objet la définition de l'acte interdit et de la peine applicable. L'étude des conditions de la responsabilité pénale en est un développement relatif à la constitution de l' infraction en trois éléments (légal, matériel et moral) et à l'imputabilité de l'acte.
L'élément légal. Dans les traditions romano-germaniques, le principe de légalité procède de la déclaration des droits : il n'y a pas de crime, ni de peine sans loi. Nul ne peut être accusé d'avoir commis un acte qui n'est pas interdit par la loi. Le juge statue sur l'existence de l'élément légal, en effectue l'opération, mais ne crée pas d'infraction. Tenter de se suicider n'est pas incriminé ; y aider activement quelqu'un peut être défini comme un meurtre, tandis que le laisser faire peut constituer une des infractions de non-assistance à personne en danger ou d'atteinte involontaire à la vie.
La situation est différente en droit anglais. Certes, la rédaction d'un avant-projet de Code pénal a été achevée en 1989 (Law Commission), et de plus en plus d'infractions sont définies et régies par des textes de lois récents, comme pour le vol (Theft Act, 1968).[...]
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Écrit par
- Luc VILAR : avocat à la cour d'appel de Paris, ancien secrétaire de la Conférence des avocats à la cour de Paris
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