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RIFT EST-AFRICAIN

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Le rift est-africain est une déchirure d'échelle lithosphérique qui parcourt sur plusieurs milliers de kilomètres la partie orientale de l'Afrique, depuis le golfe de Tadjourah à son extrémité nord, où il se connecte aux deux rifts océaniques du golfe d'Aden et de la mer Rouge, jusqu'aux fossés Dombe et Sud-Mozambique (fig. 1). Deux branches principales, orientées nord-sud à nord-nord-est - sud-sud-ouest, constituent ce rift : une branche orientale, et une branche occidentale, dont les liens structuraux apparaissent complexes et sont à ce jour l'objet de nombreuses hypothèses. À ces deux branches principales s'adjoignent deux branches annexes : une branche dite « branche sud-est » qui prolonge la branche orientale dans l'océan Indien à l'extrémité nord du canal du Mozambique, et une branche dite « complexe sud », orientée nord-est - sud-ouest, qui s'étend jusqu'au bassin du delta de l'Okavango au Botswana. S'y ajoutent de petits couloirs tectoniques essentiellement orientés nord-est - sud-ouest, tels les fossés des lacs Mweru, Mweru Wantipa et Upemba, liés à la partie médiane de la branche occidentale (fig. 1).

Ces branches du rift sont divisées en segments de rift, eux-mêmes divisés en ensembles plus petits, les bassins de rift. Segments et bassins de rift sont régulièrement ponctués de grands volcans, dont certains occupent l'axe du rift. Des alignements de lacs, plus de quarante, de dimensions très variables, de morphologie généralement allongée, de quelques kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres de longueur, les jalonnent. Cette complexité vaut à l'ensemble de la structure le nom de « système de rift est-africain ». L'association avec le rift de la mer Rouge, les rifts du golfe de Suez et du golfe d'Aqaba, les fossés de la mer Morte et de la vallée du Jourdain, forme le « système de rift afro-arabique ».

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Deux dômes topographiques de grande amplitude, le dôme éthiopien au nord, le dôme du Kenya au sud (fig. 1), traduisent la présence en profondeur d’un ou de deux grands panaches mantelliques. Les deux branches du rift se développent dans une croûte continentale amincie, de 30 à 35 kilomètres d'épaisseur. Depuis 45 millions d'années, le système de rift est-africain est une structure en extension active, montrant actuellement des vitesses d'ouverture variables, de l'ordre de 2-3 millimètres jusqu'à 3-4 centimètres par an. La sismicité est présente sur l'ensemble du rift, localement marquée par des tremblements de terre de forte magnitude tel le séisme de novembre 2005 (magnitude 7,9), avec un épicentre situé sous le fossé central du lac Tanganyika. Les très grands volcans du rif t sont considérés comme dormants, à l'exception de quelques appareils actifs tels le redoutable volcan Nyiragongo, le volcan Erta'ale en dépression de l'Afar, ou le volcan carbonatitique Ol Doinyo Lengai. L'activité hydrothermale, importante en de nombreuses régions, témoigne aussi de la continuité de l'activité du rift.

La branche orientale

Schéma structural du système de rift est-africain - crédits : Encyclopædia Universalis France

Schéma structural du système de rift est-africain

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La branche orientale du système de rift est-africain s'étend sur plus de 2 000 kilomètres depuis sa jonction avec les rifts océaniques de la mer Rouge et du golfe d'Aden jusqu'aux bassins des lacs Natron, Eyasi et Manyara en Tanzanie. Elle montre quatre grands segments, du nord vers le sud : la dépression de l'Afar, le rift éthiopien, le rift du Kenya, et la divergence nord-tanzanienne (fig. 1).

La dépression de l'Afar

Le premier segment de la branche orientale est connu sous le nom de dépression de l'Afar. Cette région très particulière est interprétée comme la zone de rencontre entre trois plaques tectoniques, la plaque africaine, la plaque arabique et la plaque somalienne. Les auteurs distinguent parfois un bloc Danakil limité au nord-ouest de la dépression de l'Afar. Le soubassement actuel de la dépression de l'Afar est formé d'épanchements basaltiques d'âge plio-pléistocène, parcourus par des réseaux très denses de failles orientées nord-ouest - sud-est, direction du rift de la mer Rouge, et nord-est - sud-ouest, direction du rift éthiopien. Cette structuration tectonique s’ordonne en nombreux fossés organisés en lanières, localement profonds, le plus spectaculaire étant le bassin du lac Asal, vaste cuvette évaporitique dont la surface se situe à — 153 mètres sous le niveau de la mer et qui contient d'épais dépôts de halite et de gypse. Plus au sud-ouest, à la frontière entre l'Éthiopie et Djibouti, le lac Abhé est un autre grand lac salé endoréique qui s'inscrit dans un réseau de failles de direction nord-ouest - sud-est. D'épais dépôts sédimentaires tapissent la dépression de l'Afar et témoignent de l'existence passée de nombreux bassins lacustres et de réseaux fluviatiles du Miocène au Pléistocène. C'est dans les dépôts de l'un de ces lacs, le lac d'Hadar, du Pliocène, qu'ont été trouvés de nombreux restes d'hominidés, dont la célèbre Lucy.

La dépression de l'Afar est la région du rift est-africain où se mêlent étroitement les processus de rifting océanique, avec à partir de 30 millions d'années l'ouverture des fractures à l'origine des rifts de la mer Rouge et du golfe d'Aden, et les premiers stades du rifting continental à l'origine du rift est-africain. Cette région de l'Afar est caractérisée depuis 5 millions d'années par une intense activité sismo-volcanique, avec une sismicité importante, des failles évoluant avec une vitesse verticale de 1 à 4 millimètres par an, une vitesse d'ouverture de 20-30 millimètres par an, de nombreuses éruptions volcaniques et une activité hydrothermale très présente. En novembre 1978, une forte crise sismo-volcanique dans le rift d'Asal généra en quelques jours la formation du volcan Ardoukoba, le développement de nombreuses fractures ouvertes sur le plancher du rift et des mouvements verticaux importants sur les failles bordières. Une deuxième crise sismo-volcanique encore plus spectaculaire fut observée en septembre 2005 au nord-ouest du rift d'Asal, sur un segment de rift long de 120 kilomètres interprété comme appartenant au rift de la mer Rouge, avec la mise en place d'une intrusion volcanique longue de 60 kilomètres, accompagnée de mouvements de failles et d'une intense activité sismique. Le volcan actif Erta'ale, situé plus au nord dans la dépression Danakile, est un autre marqueur de la très forte activité tectono-volcanique de cette région.

Le rift éthiopien

La région sud de l'Afar, parcourue par des failles de direction nord-est - sud-ouest, se raccorde au deuxième segment de la branche orientale, également de direction nord-est - sud-ouest, le rift éthiopien. Ce segment montre un profil typique de vallée de rift, limité par d'importants escarpements de faille bordant les plateaux éthiopien au nord-ouest et somalien au sud-est, culminant à plus de 4 000 mètres d'altitude. Ces escarpements révèlent d'épaisses accumulations de basaltes dont les plus anciens sont datés de 45 millions d'années. À 30 millions d'années, une épaisseur de 2 kilomètres de basaltes connus sous le nom de « traps éthiopiens » recouvre le plateau éthiopien en moins de 1 million d'années. Le plancher du rift est aujourd'hui tapissé de coulées de laves récentes et caractérisé par une suite de fossés tectoniques d'âge plio-pléistocène occupés par plusieurs lacs : Langano, Abyata, Ziway. Outre les coulées de laves récentes qui tapissent le plancher du rift, plusieurs grands volcans du Pléistocène caractérisés par de vastes caldeiras jalonnent l'axe du rift avec un espacement régulier de l'ordre de 40 kilomètres. La terminaison sud du rift éthiopien est une région plus complexe de par sa structure tectonique, en particulier à sa jonction avec une vaste zone dépressionnaire qui correspond à l'intersection de la branche orientale du rift est-africain avec un autre système de rift plus ancien, de direction nord-ouest - sud-est, le rift d'Anza. D'âge crétacé-paléogène, ce rift se connecte vers le nord-ouest avec les rifts du Sud-Soudan de même âge.

Le rift du Kenya

Si le sud du rift éthiopien montre un ensemble de fossés orientés nord-sud, le point de jonction avec le troisième segment de la branche orientale, le rift du Kenya, est marqué par la présence du plus grand lac de cette branche du rift, le lac Turkana (anciennement lac Rudolf). Profond de 125 mètres, ce lac occupe une suite de quatre demi-grabens de 250 kilomètres de longueur totale et de 30 kilomètres de largeur. Les pourtours du bassin montrent à l'affleurement une succession géologique complexe comprenant des grès fluviatiles du Crétacé moyen-Éocène discordants sur le socle précambrien, des volcanites de l’Éocène-Miocène d'épaisseur plurikilométrique, et des dépôts fluvio-lacustres de l'Éocène au Récent, documentant l'existence de grands systèmes fluviatiles et lacustres dans cette région du rift pendant près de 90 millions d'années.

Vue schématique d'un bassin de rift - crédits : Encyclopædia Universalis France

Vue schématique d'un bassin de rift

En direction du sud, le rift du Kenya est dans sa partie centrale caractérisé par une structure dédoublée large de 80 kilomètres, comprenant deux bassins parallèles à morphologie en demi-graben, limités par deux failles majeures de plusieurs kilomètres de rejet : la faille bordière d'Elgeyo bordant à l'ouest le bassin de Kerio, profond de 6 kilomètres, et la faille de Laikipia bordant à l'est le bassin de Baringo, profond de 8 kilomètres. Dans cette partie du rift, les roches volcaniques sont dominantes, avec des épaisseurs de deux à trois milliers de mètres. Elles démontrent clairement le rôle du volcanisme dans le développement de cette région du rift est-africain depuis 25 millions d'années. D'épais dépôts sédimentaires affleurent sur le versant occidental du bassin de Baringo, témoignant de l'existence de grands et petits lacs depuis le Miocène. Similitude avec les dépôts lacustres de la dépression de l'Afar et du bassin du Turkana, les sédiments du bassin de Baringo ont révélé une riche collection d'hominidés. Dans l'axe du rift, une forte activité volcanique d'âge pléistocène est marquée par un alignement spectaculaire de huit grands volcans, régulièrement espacés, comparables aux volcans axiaux du rift éthiopien. Le plancher du rift est ici aussi marqué par un dense réseau de failles orientées nord-sud, qui délimitent des fossés de taille variable, dont les deux plus importants sont occupés par deux petits lacs de faible profondeur (de 3 à 10 m) : le lac Baringo, lac d'eau douce, et le lac Bogoria, lac sursalé (fig. 2a). Au sud de l'équateur, le rift du Kenya n'est plus aussi nettement limité par de très grands escarpements de faille. Le plancher du rift est couvert par des épanchements volcaniques du Plio-Pléistocène – laves et cendres issues des deux grands volcans axiaux proches –, et des dépôts lacustres liés à l'existence de grands lacs de même âge, précurseurs des trois lacs actuels : Nakuru, Elmenteita et Naivasha.

L'extrémité sud du rift du Kenya et sa jonction au dernier segment de la branche orientale, connu sous le nom de divergence nord-tanzanienne, est en revanche une zone intensément faillée, limitée sur son versant ouest par un escarpement de faille majeur, l'escarpement de Nguruman. Deux grands bassins évaporitiques, le bassin du lac Magadi au Kenya, et le bassin du lac Natron en Tanzanie, qui contiennent plusieurs dizaines de mètres d'épaisseur de carbonates de sodium, occupent aujourd'hui cette région. Des sédiments lacustres affleurent sur les bordures de ces deux bassins et témoignent de l'existence de lacs d'eau douce plus anciens ayant occupé l'ensemble du bassin Magadi-Natron au cours du Pléistocène et de l'Holocène.

La divergence nord-tanzanienne

Plus au sud, la divergence nord-tanzanienne révèle une structure en éventail formée de deux courts segments. À l'ouest, le rift de Mbulu, de direction nord-est - sud-ouest, contient les bassins des lacs Eyasi et Manyara, orientés nord-est - sud-ouest et nord-nord-nord - sud-sud-ouest. À l'est, le rift Pangani, de direction nord-ouest - sud-est, apparaît comme un fossé du Karroo (Permo-Trias, soit 250 millions d'années) récemment réactivé (au Pléistocène ?). Les lacs Eyasi et Manyara sont actuellement tous deux des lacs salés qui ont connu des périodes de haut niveau lacustre au Pléistocène supérieur. L'histoire tectono-magmatique de ce segment de la branche orientale a débuté vers 15 millions d'années, se poursuit avec l'édification au Pliocène des grands volcans Kilimandjaro et Ngorongoro, et se prolonge de nos jours par un volcanisme actif (volcan Ol Doinyo Lengai) et une importante sismicité. Les épisodes tectoniques ayant présidé à la mise en place des bassins Eyasi et Manyara sont situés entre 1,3 et 0,9 million d'années, avec des phases de réactivation des bassins entre 0,8 million d'années et la période récente.

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Schéma structural du système de rift est-africain - crédits : Encyclopædia Universalis France

Schéma structural du système de rift est-africain

Vue schématique d'un bassin de rift - crédits : Encyclopædia Universalis France

Vue schématique d'un bassin de rift

Autres références

  • AFAR DÉPRESSION DE L'

    • Écrit par
    • 500 mots
    • 1 média

    Vaste dépression située au sud de la mer Rouge en Érythrée et en Éthiopie et qui se poursuit au Kenya, en Tanzanie et au Mozambique. Ce nom est celui des nomades qui habitent cette région, les Afars, appelés Danakil par les Arabes et les Abyssins. « Danakil » est également employé pour...

  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géologie

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    ...oriental de l'Afrique. Il est accompagné par l'émission d'une masse considérable de produits volcaniques, avec des volcans dont certains sont encore actifs, et forme ce que l'on désigne sous le nom de « grands rifts africains » qui dessinent une grande balafre nord-sud, de la mer Rouge au Mozambique.
  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

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    ...par les Grands Lacs : lacs Albert, Édouard, Kivu, Tanganyika, ce dernier long de 700 kilomètres. La branche orientale se compose principalement de la Rift Valley au Kenya, dans le prolongement du lac Turkana (ex-Rodolphe). Entre les deux, le lac Victoria forme une véritable mer intérieure à 1 133...
  • AFRIQUE (Histoire) - Préhistoire

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    • 3 médias
    Les plus anciens outils en pierre ont été découverts dans un petit nombre de sitesle long de la Rift Valley, qui s'étire de Djibouti à la Tanzanie, en Afrique orientale. C'est le cas le long de la rivière Gona, dans le membre Kada Hadar de la formation Hadar au nord de l'Éthiopie...
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Voir aussi