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ANTELME ROBERT (1917-1990)

Robert Antelme entre en 1943 dans la Résistance. Il est membre du groupe M.N.P.D.G., que dirige François Mitterrand. Arrêté par la Gestapo, emprisonné à Fresnes, il est déporté en juin 1944 et reste près d'un an prisonnier des camps nazis (Buchenwald, Dachau). À partir de cette « expérience », un mot à entendre dans le sens plein qu'ont pu lui donner Bataille et Blanchot, Robert Antelme écrivit L'Espèce humaine. Ce livre, le seul d'Antelme, n'est pas un témoignage, encore moins un récit, sur les camps de concentration mais un livre des camps, un livre dont on peut croire qu'il a commencé d'être écrit là-bas, pour lutter chaque jour, de manière muette et tenace, contre des hommes, les S.S., qui auraient voulu nier l'humanité de ces autres hommes qu'étaient les prisonniers. Vaine volonté : les S.S. pouvaient rayer les noms, effacer les visages, réduire à l'animalité, tuer, mais ils ne pouvaient pas changer l'être humain en autre chose. « Il n'y a pas d'ambiguïté, écrit Antelme, nous restons des hommes, nous ne finirons qu'en hommes. C'est parce que nous sommes des hommes comme eux que les S.S. seront en définitive impuissants devant nous. » Mais être homme, ici, cela ne veut dire que continuer de vivre, dans la brûlure de la faim, des blessures, d'une peur atroce et nue : vivre, vivre seulement, c'est alors tout le sacré. Maurice Blanchot, dans les pages qu'il consacre à L'Espèce humaine dans L'Entretien infini, parle de « l'égoïsme sans ego » de ces hommes acharnés à survivre, attachés à la vie mais comme de manière impersonnelle. Le prisonnier des camps, toujours près de sombrer dans la folie et dans la haine, totalement incapable de répondre à ses bourreaux, ne trouve refuge que dans le sentiment d'appartenance à l'espèce, un sentiment que rien ne peut annuler. Autrui devient le seul garant de mon existence et par ce lien d'humanité fragile « l'homme reste l'indestructible ».

En avril 1945, grâce à l'aide du secrétaire d'État aux Réfugiés et Déportés, François Mitterrand, Robert Antelme est arraché du mouroir pour typhiques de Dachau. Marguerite Duras, alors son épouse, a raconté ce « sauvetage » dans La Douleur. Dès son retour à Paris, cet homme entre la vie et la mort – il pèse trente-cinq kilos, sa chair est translucide – va parler, continûment, de jour comme de nuit. Parler pour tenter de dire l'inimaginable qui, alors, était déjà réel. « Nous voulions parler, être entendus enfin. Et cependant, à peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions », écrit Antelme.

Autour de lui, ses amis, qui écoutent, effrayés, fascinés. « Le lieu d'où il nous parle, il nous y a précipités, et nous n'en sommes jamais revenus. Il nous avait par son retour déportés avec lui et, de là, nous nous sommes trouvés judaïsés à jamais », confiera Dionys Mascolo. Ce groupe d'amis comprend, outre Antelme et Duras, Mascolo, Edgar Morin, Elio et Ginetta Vittorini, Claude Roy. Ensemble, ils vivront « un communisme de la vie et de l'esprit entre amis », pour reprendre les mots de Hölderlin. En 1946, Antelme et Duras fondent les éditions de la Cité universelle, qui publient L'An zéro de l'Allemagne d'Edgar Morin et des Œuvres de Saint-Just, puis, en 1947, L'Espèce humaine, qui sera repris par Gallimard en 1957 grâce, notamment, à l'intervention d'Albert Camus. En 1946, Antelme s'est inscrit au Parti communiste qu'il quittera, aussitôt connue l'existence de camps en Union soviétique. En 1955, il est le co-fondateur du Comité d'action contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord, et publie en 1958, dans la revue antigaulliste Le 14 Juillet dirigée par ses amis Schuster et Mascolo, un texte virulent[...]

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