DEBRÉ ROBERT (1882-1978)
Né à Sedan, Robert Debré est mort à l'âge de quatre-vingt-quinze ans. Cette vie de près d'un siècle, marquée par la réflexion, l'action et la lucidité, fut d'une richesse exceptionnelle. Après des études classiques au lycée Janson-de-Sailly, Robert Debré s'intéressa à la philosophie, puis s'orienta vers la médecine, et très tôt vers celle des enfants.
La qualité de l'œuvre de Robert Debré est issue d'une formation exigeante : auprès d'Arnold Netter en médecine, et à l'Institut Pasteur auprès d'Émile Roux et de Gaston Ramon en bactériologie et en immunologie. Il compléta son apprentissage en Autriche chez Von Pirquet et en Grande-Bretagne chez Wright. Il fut successivement professeur de bactériologie et professeur de pédiatrie à la faculté de médecine de Paris. Les travaux de Robert Debré ont surtout porté sur les maladies infectieuses, qui à cette époque constituaient le principal danger menaçant la vie des enfants. Quelques-unes de ses recherches sont restées célèbres.
Dès 1908, il précisa avec Arnold Netter la pratique du traitement de la méningite cérébro-spinale par le sérum de Flexner. Après la Première Guerre mondiale, il étudia avec Gaston Ramon l'efficacité vaccinante de l'anatoxine diphtérique, efficacité qu'il démontra, et qui conduisit plus tard à la disparition de cette maladie dans notre pays. À partir de 1928, il soutint avec d'autres la théorie de l'origine streptococcique de la scarlatine, puis du rhumatisme articulaire aigu ; il étudiera et codifiera au cours des années l'usage raisonné de la pénicilline et des corticoïdes dans le traitement de cette dernière maladie, alors si meurtrière. C'est peut-être son combat contre la tuberculose de l'enfant qui fut le plus long : il le commença en 1910 et le poursuivit sa vie durant, l'abordant sous divers angles (hérédité, contagion, aspects cliniques, allergie et immunité, développement de la maladie chez l'enfant, traitement antibiotique et chimiothérapie, chimioprophylaxie, vaccination par le B.C.G., protection sociale), sans oublier le travail qu'il mena sur la thérapeutique d'une maladie jusque-là toujours mortelle, la méningite tuberculeuse. L'esprit analytique et critique, la minutie parfois obsessionnelle de la mise au point de ces thérapeutiques, on les retrouve lorsqu'il isole et décrit, après de longues années de prudente réserve et de méditation, la « maladie des griffes de chat ».
Cette prédilection pour la recherche dans le cadre des maladies infectieuses n'empêcha pas Robert Debré d'être un précurseur lucide dans la compréhension des troubles métaboliques, nutritionnels et endocriniens. Son nom est lié à la description de l'insuffisance tubulaire globale ou syndrome de De Toni-Debré-Fanconi, à l'isolement de l'hyperplasie virilisante des surrénales ou syndrome de Debré-Fibiger, à l'observation de l'hypertrophie musculaire diffuse de certains enfants hypothyroïdiens ou syndrome de Debré-Semelaigne. Ses travaux sur les glycogénoses, sur l'hypervitaminose D, sur l'intoxication par l'eau dans l'insuffisance hypophysaire furent aussi en leur temps des modèles.
Ce bactériologiste comprit très tôt que les progrès de la prévention et du traitement des maladies infectieuses et nutritionnelles allaient ouvrir de nouvelles voies de réflexion au médecin d'enfants. Le premier en France, avec son ami Touraine, il saisit l'importance des découvertes de la génétique fondamentale et fit créer, à Paris, la chaire de génétique médicale, qui fut la première en Europe. Très tôt également, il perçut que la biochimie devenait une discipline de base pour toutes les spécialités médicales, en particulier la pédiatrie, et il organisa l'un des plus vastes laboratoires de recherche[...]
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Écrit par
- Pierre ROYER : professeur à l'université René-Descartes, Paris
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