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ALEXANDRE VI, RODRIGO BORGIA (1431-1503) pape (1492-1503)

Alexandre VI - crédits : APIC/ Getty Images

Alexandre VI

Le 11 août 1492, « on vit accéder à la suprême dignité, écrit L. Pastor, dans son Histoire des papes, un homme que l'Église ancienne n'aurait pas admis au dernier rang du clergé à cause de sa vie dévergondée ». Le conclave venait d'élire le cardinal Rodrigo Borgia qui prenait le nom d'Alexandre VI. Ce sexagénaire (il était né en 1431, à Játiva, en Espagne) avait une solide réputation : la prêtrise qu'il avait reçue en 1468 n'avait pas tempéré le cardinal libre de chasteté que le népotisme de Callixte III avait créé en 1456 — l'année de la réhabilitation de Jeanne d'Arc — et nommé vice-chancelier de l'Église en 1457. D'influence en influence, aussi bien sous Pie II que sous Paul II, Sixte IV ou Innocent VIII, il avait fait fructifier la fortune des Borgia. Des Borgia, car Rodrigo, « haut de taille, toujours souriant, aux yeux noirs, aux lèvres vermeilles, à la santé robuste, infatigable », portait une famille — une « bande » — au trône de saint Pierre : pas moins de six enfants (il y en aurait eu sept, si Pier Luigi, le premier duc de Gandie, n'était mort l'année qui précéda le sacre). Il tenait ces enfants de sa liaison avec Vanozza Catanei, à laquelle succéda Giulia Farnese. César et Lucrèce étaient âgés alors respectivement de seize et douze ans. César devint archevêque de Valence le jour même du couronnement et fut créé cardinal l'année suivante. Lucrèce, mariée à un Sforza en 1493 (suivant une saine politique d'alliances matrimoniales), inaugurait le sacrifice de famille — elle ne sera « tranquille » qu'à partir de son troisième mariage. Car les choses n'étaient pas simples dans la Péninsule du xve siècle, et Alexandre VI n'était pas le seul de sa trempe : Ludovic le More, duc de Milan, Ferdinand de Naples, non plus que son fils Alphonse II, n'avaient rien à lui envier. L'idée d'en appeler à l'étranger, comme l'avait déjà tenté Innocent VIII, faisait son chemin dans bien des têtes soucieuses de réforme (voire de déposition du pape) et d'équilibre politique. D'autant plus que Charles VIII ne demandait qu'à faire valoir ses droits à la couronne de Naples et que ni Pierre de Médicis ni Venise ne semblaient alors désireux de sortir de la neutralité. En septembre 1494, Charles VIII entrait en Italie. Savonarole s'écriait : « Le glaive est venu ! les prophéties s'accomplissent ; c'est le Seigneur qui mène ces armées. » Florence chassait Médicis et pavoisait en l'honneur des Français. Le 31 décembre, c'était le tour de Rome, mais Alexandre échappait à la déposition pour simonie — par la grâce d'un pacte « à la Renaissance » —, et, en avril 1495, se coalisait avec la république de Venise, le duc de Milan, le roi d'Espagne et l'Empereur, prélude à la bataille de Fornoue (6 juill.), qui donnait à Charles VIII de mesurer le guêpier italien. Il restait au pape à confier cette gloire à son peintre, le Pinturicchio (d'autres artistes eurent ses faveurs : Bramante, San Gallo), et à se souvenir des auteurs de certaines perfidies qui lui avaient été faites : des Orsini à Savonarole. Il tirait d'ailleurs, avec Venise, le meilleur héritage de la situation italienne et pouvait poursuivre d'autres rêves que ceux d'un Sixte IV. C'est alors que survint l'assassinat de Juan de Gandie (Giovanni Borgia), son fils aîné, le 14 juin 1497. Au dire de Jean Burchard, maître des cérémonies au Vatican de 1483 à 1506, le pape fut pris d'une très grande douleur ; il songea « à son propre amendement et à celui de l'Église ». Imaginait-il que son fils César était pour quelque chose dans le meurtre ? On peut le supposer : « La cause de sa mort resta quelque temps cachée ; mais enfin on eut la certitude que le cardinal de Valence (César Borgia) avait commis lui-même, ou du moins[...]

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