LIFAR SERGE (1905-1986)
Célèbre et controversé, le danseur et chorégraphe d'origine russe Serge Lifar s'est affirmé au cours du xxe siècle comme l'un des plus ardents défenseurs de la danse à laquelle il a dédié sa vie. Doté d'une exceptionnelle plastique, il a joint à l'harmonie gestuelle un sens dramatique mis au service de ses rôles aux Ballets russes de Serge de Diaghilev puis à l'Opéra de Paris. Idole du Tout-Paris, des photographes de presse, de la radio, il a usé de son prestige médiatique pour réhabiliter la condition du ballet et du danseur. Il a conçu et souvent créé – c'est-à-dire dansé lors de la première représentation de l'œuvre – deux cents chorégraphies expressives d'une action, d'un caractère, en s'attachant plus à révéler et servir la personnalité des solistes que la complexité des ensembles. Charismatique, il a su transmettre le lyrisme de son néo-classicisme, attirer un nouveau public, communiquer par ses conférences et écrits sa passion pour son art.
Avec les Ballets russes
Fils d'un fonctionnaire des Eaux et Forêts, Sergueï Mikhaïlovitch Lifar est né à Kiev (Ukraine) le 5 avril 1905, à l'aube des troubles révolutionnaires. Après une enfance paisible, l'adolescent rêveur souffre de la guerre civile entre Rouges et Blancs. Blessé à la main par un éclat d'obus, il renonce à la carrière de pianiste qu'il préparait au Conservatoire de musique avec Vladimir Horowitz. En 1921, sa curiosité le conduit au cours de danse de Bronislava Nijinska. C'est alors une véritable révélation : il comprend qu'il vient de découvrir son univers. Toutefois, le chemin vers son idéal sera rude. Malgré l'hostilité de Nijinska, qui doit l'admettre dans sa classe publique et qui prend peu après la décision de fuir l'U.R.S.S., Lifar poursuit obstinément ce tardif entraînement tout en étudiant avec le comédien Davydoff. En dépit des contraintes politiques, le hasard lui permet de satisfaire sa vocation. Profitant de la défaillance d'un des cinq élèves invités par Nijinska à passer une audition pour les Ballets russes de Diaghilev, il quitte en décembre 1922 Kiev et ses parents pour Paris. Après de cruelles péripéties, il se présente à Monte-Carlo, ignorant de la langue et des exigences du milieu de la danse. Déçu par la médiocrité des candidats, Diaghilev remarque toutefois l'harmonie corporelle, le magnétisme et les dons du timide débutant, déclare « Il sera danseur » et l'engage dans son corps de ballet.
Au sein de l'illustre compagnie, l'apprentissage est dur. Le jeune Lifar débute obscurément le 17 avril 1923 dans Le Mariage d'Aurore (musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, chorégraphie de Marius Petipa) et participe à la création de Noces (musique d'Igor Stravinski, chorégraphie de Bronislava Nijinska, décors et costumes de Natalia Gontcharova). À défaut de maîtrise technique, il fait remarquer par Alexandre Benois et blâmer par Diaghilev sa présence scénique, l'audace provocante de ses improvisations dans le rôle du joueur d'accordéon de Petrouchka (musique de Stravinski, chorégraphie de Michel Fokine ; décors et costumes de Benois), en esclave mourant de Shéhérazade (musique de Nikolaï Rimski-Korsakov, chorégraphie de Fokine, décors et costumes de Léon Bakst). Picasso dessine les proportions idéales du futur modèle de Maillol. Bientôt Jean Cocteau, Misia Sert, Francis Poulenc, Coco Chanel pressentent que Lifar est l'avenir du ballet. Conscient de sa vive intelligence, de sa curiosité, Diaghilev l'encourage à développer sa culture en Espagne et en Italie tout en perfectionnant assidûment sa technique à Turin auprès d'Enrico Cecchetti. En 1924, il lui confie les rôles d'officier dans Les Fâcheux (musique de Georges Auric, chorégraphie de Nijinska, décors et costumes[...]
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Écrit par
- Marie-Françoise CHRISTOUT : docteur d'État ès lettres, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, écrivain et critique
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