SÉVILLE
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Capitale politique de la communauté autonome d'Andalousie, Séville (1,49 million d'habitants dans l'aire métropolitaine en 2009) est un centre culturel et économique important dans l'histoire de l'Espagne. Bien que située à 120 kilomètres de l'océan Atlantique, sur la rive gauche du Guadalquivir, Séville eut toujours son destin étroitement uni à la mer. Des conditions politiques et économiques extrêmement favorables ont fait d'elle une riche ville d'art. À deux reprises, elle joua un rôle de capitale : d'abord pour les possessions ibériques de la dynastie almohade, puis, après sa reconquête sur l'Islam, en 1248, comme séjour préféré de plusieurs souverains du royaume de Castille et León. La décision prise en 1503 par les Rois Catholiques d'installer dans la ville l'organisme de contrôle du commerce des Indes, la Casa de Contratación de Indias, en fit la porte de l'Amérique espagnole. Lorsque l'Espagne perd sa place centrale dans le système-monde qu'elle a contribué à mettre en œuvre, Séville et sa région n'ont aucune ressource propre pour résister au déclin général du pays. La ville entre alors dans une phase de stagnation avant de retrouver un certain dynamisme industriel au xixe siècle puis administratif et touristique au xxe siècle.
Une ville d'art et de commerce
Dès l'Antiquité, Hispalis exporte vers Rome l'huile d'Andalousie. Son importance ne pouvait cependant être comparée à celle de la cité toute voisine d'Italica, dont les dépouilles viendront, au moment de la Renaissance, embellir les riches demeures des patriciens sévillans.
À l'époque wisigothique, Séville émerge nettement et devient la métropole religieuse de la Bétique. Son évêque, Léandre, réussit fort habilement à négocier la conversion du roi Reccarède au catholicisme, préparant ainsi l'unification du royaume. La ville devient aussi un centre de haute culture religieuse et profane, qu'évoque le nom d'Isidore de Séville, véritable gloire intellectuelle du viie siècle. Les Omeyyades lui préfèrent Cordoue comme capitale d'al-Andalūs, mais, dès l'époque des reyes de Taifas, à partir des Abbadides, par conséquent, puis sous les Almoravides et les Almohades, Séville supplante sa rivale par son activité industrielle et commerciale. Les bateaux remontent le Guadalquivir directement jusqu'à une cité qui devient célèbre par ses industries de luxe.
On comprend que l'Almohade 'Abū Ya 'qūb Yūsuf (1163-1184) en ait fait la capitale péninsulaire de son empire. Il consacra, de même que son fils, Ya 'qūb al-Mansūr, des sommes considérables à l'embellir. Alors sont mis en place quelques-uns des monuments célèbres qui caractérisent le paysage urbain sévillan : la Giralda (1184-1198), minaret de la grande mosquée, sœur de la Kutubiyya de Marrakech, qui devient plus tard le clocher de la cathédrale, et la tour de l'Or, petite forteresse établie sur la rive gauche du Guadalquivir au point où une extrémité du rempart rejoint le fleuve. Un pont de bateaux est lancé et des quais construits. Après la reconquête chrétienne survenue en 1248, les rois de Castille, qu'il s'agisse de saint Ferdinand – qui y mourut en 1252 – ou d'Alphonse le Sage, se montrèrent aussi sensibles que les souverains africains aux séductions de Séville. Au siècle suivant, Pierre le Cruel (1350-1369) se fixe dans l'Alcázar, dont il ordonne la reconstruction par des architectes musulmans, sans doute venus de Grenade. Il existe en effet, entre le palais sévillan et ceux de l'Alhambra, les plus étroites parentés. En 1402, on ouvre le chantier de l'immense cathédrale : il demeurera actif jusqu'à la fin du Moyen Âge. Souvent, dans l'architecture religieuse des xive et xve siècles, des éléments mudéjars se mêlent aux éléments gothiques pour donner naissance à de séduisantes synthèses. Après la prise de Grenade, il y eut même un renouveau de l'art mudéjar qui est à l'origine de deux beaux palais sévillans : le Palacio de las Dueñas et la Casa de Pilatos.
La ville demeure donc un foyer d'art et un centre de culture. C'est aussi une capitale économique, reliée par la route aux grandes cités castillanes, dont le trafic se nourrit des ressources de la grande plaine vinicole et oléicole voisine, et que fréquentent les marchands étrangers, notamment italiens. Au début du xvie siècle, la voici promue au rang de métropole mondiale. Comme l'a écrit Fernand Braudel, l'Amérique lui fut donnée pour plus de deux siècles. Elle obtint en effet le monopole du commerce avec le Nouveau Monde. Pour le gouvernement espagnol, regrouper ce commerce était le meilleur moyen de le contrôler. La plaine d'Andalousie, riche et fertile, s'offrait d'ailleurs pour nourrir la population qui allait se concentrer en cet endroit privilégié. Enfin, le choix de Séville s'explique par des raisons géographiques : « Le chemin d'Amérique est sous la dépendance des alizés et Séville est à la porte de ces mêmes alizés. »
Séville organise donc les flottes marchandes assurant le trafic entre l'Espagne et ses colonies : tous les bateaux partent de Séville et y retournent. En 1503 est établie la Casa de contratación (chambre de commerce) qui s'occupe de l'ensemble des questions relatives à l'Amérique (mouvement des navires, et également émigration et contrôle fiscal).
À Séville s'entassent les marchandises de toute origine. Là se constituent de grandes fortunes, mais il s'agit de fortunes spéculatives, menacées par les banqueroutes. « Dans cette république, écrit un auteur du xvie siècle, un banquier prend en charge un monde ; et il embrasse plus que l'Océan ; mais parfois il étreint si mal que tout s'écroule avec lui. » De là résulte le caractère fiévreux, trouble et instable de la vie sociale du temps.
Tous les styles issus de la Renaissance − du plateresque au rococo, en passant par le baroque − concoururent à la parure de la ville après qu'elle fut devenue, au début du xvie siècle, une très grande place marchande. L'hôtel de ville, construit autour de 1530, est un ouvrage raffiné, à l'opposé du style sévère de l'Escurial ou de la Loge des Marchands (1584-1598). Également dans la seconde moitié du xvie siècle, on vit naître deux monuments remarquables : l'hôpital de la Sangre, ou des Cinq-Plaies, et l'église des Jésuites. Le rythme des constructions demeura soutenu jusqu'à la décadence économique de la ville, et même un peu au-delà : palais archiépiscopal, palais de San Telmo, hôpital des Venerables Sacerdotes, manufacture des tabacs.
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Écrit par
- Michel DRAIN : agrégé de géographie, docteur d'État, directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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