Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SIGLE & ACRONYME

Article modifié le

On appelle sigle la forme d'abrègement qui consiste à prendre la première lettre de chacun (ou de certains) des mots d'un groupe : ainsi P.M.U. à partir de Pari mutuel urbain, S.N.C.F. à partir de Société nationale des chemins de fer français, ou F.B.I. à partir de Federal Bureau of Investigation. On distingue le sigle au sens propre de l'acronyme, qui consiste à prendre la première syllabe (ou certaines lettres) de chacun des mots ou de quelques mots significatifs d'un groupe : ainsi Socoma à partir de Société commerciale malienne, Orgeco à partir d'Organisation générale des consommateurs, ou Cofratel à partir de Compagnie française de téléphonie. Certaines créations jouent cependant sur ces deux possibilités, comme dans Sopexa (Société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires), dans Ofrateme (Office français des techniques modernes d'éducation) ou dans Sofrecom (Société française d'études et de réalisations d'équipements de télécommunications), où l'on trouve à la fois le procédé du sigle et celui de l'acronyme : so-p-ex-a, o-fra-te-m-e, so-fr-e-com.

Le phénomène des sigles a pris en français comme dans d'autres langues une importance statistique à partir du début du xxe siècle (en France : P.L.M., C.G.T.), mais on le trouve depuis l'époque latine dans les inscriptions lithographiques ou dans des devises (S.P.Q.R. : Senatus populusque romanus ; ou encore I.N.R.I. : Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum) ; il prolifère aujourd'hui de plus en plus.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

La caractéristique première de la siglaison est d'être une création écrite, par opposition à l'abrègement proprement dit qui est une création orale. Ainsi, pour créer le sigle R.A.T.P. (Régie autonome des transports parisiens), il fallait à l'évidence connaître l'orthographe du mot « autonome » : des fautes sur cette orthographe (« otonome », « eautonome », « hotonome ») auraient en effet donné des sigles différents (R.O.T.P., R.E.T.P., R.H.T.P.) ; alors qu'il n'est pas nécessaire de connaître l'orthographe pour créer « prof » à partir de professeur, ou « ciné » à partir de cinéma, de cinématographe. C'est par cette différence d'origine qu'on peut expliquer les caractéristiques sociales de la siglaison : elle est surtout un fait de bureaucratie, d'administration.

Les acronymes, purs ou mixtes, se prononcent comme des mots : Orsec, Sofirad ; Afnor, Algol. Mais les sigles peuvent se prononcer de deux manières. Certains s'épèlent lettre à lettre, en prononçant chaque lettre comme elle se lit dans l'alphabet (mais en négligeant le plus souvent l'accentuation) ; c'est par exemple le cas de S.N.C.F., prononcé /εsεnseεf/, de C.E.A. (Commissariat à l'énergie atomique) prononcé /seøa/ et non /seea/, ou de F.B.I., prononcé /εfbiaj/. D'autres sigles se prononcent comme un mot : c'est le cas de D.U.E.L. (diplôme universitaire d'études littéraires) prononcé /dyel/, ou d'U.N.E.S.C.O. (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization), sigle anglais prononcé /juneskou/ et qui a été adopté tel quel en français où il se prononce /ynεsko/. Il y a cependant parfois des hésitations et certains sigles peuvent se prononcer, au choix, lettre à lettre ou comme un mot : c'est le cas de P.S.U. prononcé /peεsy/ ou /psy/, d'U.R.S.S. prononcé /yεrεsεs/ ou /yrs/, d'O.N.U. prononcé /oεny/ ou /ony/. Signalons encore deux cas particuliers d'épellation de sigles. Certains d'entre eux, outre des lettres, comportent un chiffre, soit dans leur graphie même (3 M, normalement prononcé /trwazεm/), soit plus curieusement dans leur seule épellation euphonique consacrée par l'usage : ainsi C. I. I. (Compagnie internationale pour l'informatique) qui se prononce non pas /seit/ mais comme C.2 I. /sedøzi/. D'autre part, certains « faux acronymes » sont formés à partir de l'épellation de vrais sigles non retenus par l'usage : ainsi Essi /εsi/ au lieu de S.I. (syndicat d'initiative), ou Esso /εso/ au lieu de S.O. (Standard Oil of New Jersey).

La particularité linguistique la plus frappante du sigle est qu'il a tendance à se comporter sémantiquement comme une unité autonome. À l'origine, il est lié à sa source : on utilise Ofrateme, mais on sait que cette forme est tirée, par économie, de la longue expression « Office français des techniques modernes d'éducation ». Puis, bien vite, le souvenir de cette source se perd, et des enquêtes sur une population d'âge scolaire ont montré que très souvent les locuteurs utilisent des signes ou acronymes comme S.F.I.O. (Section française de l'Internationale ouvrière), ou Sofres (Société française d'enquêtes par sondages), ou U.S.A. (United States of America), à la satisfaction générale, dans les contextes attendus, mais sont incapables de les « traduire », de revenir à la source. Le sigle a alors perdu son caractère d'abréviation pour devenir un mot à part entière, un signe linguistique. Ce passage s'accompagne parfois de déviations sémantiques ; ainsi, C.R.S. (Compagnie républicaine de sécurité), qui indiquait à l'origine un groupe, désigne aujourd'hui dans l'usage courant un membre de ce groupe, la déviation se manifestant d'ailleurs au niveau du genre : on dit maintenant un C.R.S. et non plus une C.R.S. ; le même phénomène s'est produit pour F.F.I. (Forces françaises de l'intérieur, ou membre de ces unités) ; une déviation sémantique de nature analogue s'observe avec P.F.A.T. (Personnel féminin des armées de terre), entraînant cette fois un glissement du masculin au féminin.

— Louis-Jean CALVET

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à la Sorbonne

Classification

Voir aussi