MROZEK SLAWOMIR (1929-2013)
Né à Borzecin, près de Cracovie, Slawomir Mrozek est un auteur dramatique polonais. Après des études classiques, il entre à l'école supérieure de journalisme de Cracovie, collabore à divers journaux, s'intéresse au dessin et enfin au théâtre. Il se fait connaître avec un recueil de nouvelles, L'Éléphant (1950), qui obtient un prix littéraire.
Sa première pièce, Les Policiers (1956, création en France 1961), est une fable dramatique qui, par l'absurde, dénonce une société conformiste : les policiers, n'ayant plus d'opposants, de déviants à poursuivre, se voient contraints à s'arrêter les uns les autres. Mrozek écrit ensuite plusieurs courtes pièces, petites paraboles dramatiques à l'humour grinçant, Bertrand, Strip-tease, En pleine mer, qui furent créées en France au Théâtre de poche-Montparnasse (1966) et qui depuis lors ont été souvent reprises, entre autres dans les cafés-théâtres.
Précédant d'un an son installation à Paris, Tango (théâtre de Lutèce, 1967), joué avec succès dans toute l'Europe occidentale, lui apporte la notoriété. C'est la plus complexe de ses pièces. Il s'agit encore d'une fable, mais dont les lectures peuvent être les plus contradictoires : on y a vu tantôt une satire antibourgeoise, tantôt une farce anti-stalinienne, une pièce révolutionnaire ou réactionnaire, une pièce de mœurs, un drame d'idées, un vaudeville... Tango, pièce ambiguë, témoigne surtout du désarroi d'une génération devant le vide laissé par l'écroulement des anciennes valeurs. Second Service (T.N.P., 1971), Maison frontière et Testarium, moins réussies, reprennent les mêmes procédés dramatiques. Des personnages un peu caricaturaux sont confrontés à des situations insolubles symbolisant les contradictions de notre époque.
« Mrozek voit le monde dans une perspective de catastrophe, une perspective ambiguë et ironique », a dit de lui son compatriote Jan Kott. Héritier d'une tradition polonaise qui, avec Witkiewicz, Witkowski et Gombrowicz, a souvent préfiguré notre théâtre d'avant-garde des années 1960, Mrozek, non sans quelque pesanteur démonstrative, mêle dans son théâtre l'humour, le sens de l'absurde et le goût de l'image scénique frappante.
Avec Les Émigrés (théâtre d'Orsay, 1974), il semble prendre une nouvelle direction. Ses deux émigrés (l'intellectuel et le manuel), enfermés comme des taupes dans un sous-sol, vivent des situations aussi absurdes, aussi insolubles que ses précédents personnages ; mais ici l'humour désespéré s'exerce d'une façon plus directe, plus immédiate. Les personnage, plus réels, moins allégoriques, se chargent de plus d'épaisseur charnelle. Un certain réalisme a fait son apparition dans le théâtre de Mrozek.
Ce tournant se confirme avec L'Ambassade (1982). Prenant pour point de départ l'irruption d'un dissident dans une « ambassade » occidentale située dans une république socialiste, Mrozek pose crûment la question des droits de l'homme et de la confrontation Est-Ouest. Mais si la fable, virulente, y gagne en clarté et en efficacité, on peut regretter que l'angoisse métaphysique que l'auteur avait su, jadis, si bien exprimer fasse place à un moralisme politique qui n'a plus rien d'universel. Le souci de l'Histoire demeure constamment présent, comme on le voit avec L'Amour en Crimée, une comédie tragique créée en 1994 par Jorge Lavelli.
Après avoir longtemps vécu au Mexique, et après trente-trois ans d'exil, Mrozek rentre à Cracovie, où il reprend son activité de dessinateur satirique et de chroniqueur. Devenu aphasique à la suite d'une hémorragie cérébrale, il invente le personnage de Balthazar qui devient pour lui le moyen d'une remontée dans le temps et dans la mémoire profonde ([...]
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Écrit par
- Daniel ZERKI : metteur en scène et dramaturge
Classification
Autres références
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POLOGNE
- Écrit par Jean BOURRILLY , Encyclopædia Universalis , Georges LANGROD , Michel LARAN , Marie-Claude MAUREL , Georges MOND , Jean-Yves POTEL et Hélène WLODARCZYK
- 44 233 mots
- 27 médias
Sławomir Mrọzek (1930-2013, émigré depuis 1963 jusqu'à son retour en Pologne en 1996) est un maître de la parodie qui fait revivre le conte philosophique et joue du paradoxe avec virtuosité, démontrant avec humour que, malgré la logique la plus implacable, tout raisonnement humain est menacé...