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SOMALIE

Nom officiel Somalie
Chef de l'État Hassan Cheikh Mohamoud - depuis le 23 mai 2022 (Le pouvoir exécutif ne contrôle qu'une partie du territoire.)
Chef du gouvernement Hamza Abdi Barre - depuis le 25 juin 2022
Capitale Mogadiscio ou Muqdisho
Langue officielle Somali , Arabe
Population 18 358 615 habitants (2023)
    Superficie 637 660 km²

      Article modifié le

      À la pointe orientale de l'Afrique, formant une péninsule bordée par le golfe d'Aden au nord et l'océan Indien à l'est, la Somalie (636 000 kilomètres carrés et environ 10 millions d'habitants au milieu des années 2000) est un État en ruine. Créé en 1960 par l'unification de deux colonies devenues indépendantes, le Somaliland britannique et la Somalia italienne, l'État somalien naît avec le sentiment d'être incomplet. Il revendique, en effet, l'incorporation de territoires limitrophes habités par des Somali : à l'est de l'Éthiopie, au nord du Kenya, et au sud de la Côte française des Somalis (qui devient la République de Djibouti en 1977). Ce nationalisme irrédentiste, qui exige que les contours de l'État soient conformes à ceux de la nation, échoue pour deux raisons. D'abord, la communauté internationale ne tient pas à ouvrir la boîte de Pandore du redécoupage des frontières. Ensuite, l'État somalien doit faire face à la fragmentation de la société somali en une multitude de clans répartis en six branches principales. Dans ce système, les solidarités entre individus dépendent de leurs positions dans des groupes de descendance se rattachant à des ancêtres communs. Si la dictature du général Siyad Barre, établie en 1969, réussit dans un premier temps à dépasser ces clivages, elle dérive dans le culte de la personnalité, la manipulation des clans les uns contre les autres et la répression des groupes récalcitrants. Son échec militaire en 1978 face à l'Éthiopie exacerbe les tensions intérieures, notamment entre le Nord et Sud dont l'union n'a jamais véritablement fonctionné.

      Depuis le déclenchement de la guerre civile en 1991, les violences subies par les Somaliens sont sans commune mesure avec les difficultés ordinaires de vie et de survie sur ce territoire aride et structurellement fragile (sécheresses, inondations, manque d'infrastructures). Les régions du Nord ont réussi à remettre sur pied des institutions stabilisées et fonctionnelles. Le Somaliland revendique la reconnaissance de son indépendance proclamée en 1991, tandis que le Puntland défend son autonomie dans un État somalien unifié qui reste à reconstruire. Le centre et le sud du pays, et plus particulièrement la capitale Mogadiscio, sont ravagés par les rivalités entre factions guerrières, face auxquelles les interventions de la communauté internationale sont restées impuissantes, quand elles n'ont pas déstabilisé la recomposition d'équilibres fragiles.

      Somalie : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Somalie : carte physique

      Somalie : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Somalie : drapeau

      Géographie

      La Somalie occupe l'extrémité de la Corne de l'Afrique. Indépendante en 1960, elle réunit, au nord, le Somaliland britannique et, au sud, la Somalie italienne. En dépit de son homogénéité religieuse et linguistique, elle peine à retrouver une unité politique perdue lors de la chute de la dictature de Mohamed Siyad Barre en 1991.

      Un Sahel équatorial

      La péninsule somali, bien que traversée au sud (à la hauteur de Kismaayo) par l'équateur, appartient au domaine aride (moins de 250 mm/an de précipitations) car le courant frais de Mogadiscio, qui longe la côte de l'océan Indien, limite l'évaporation. Les précipitations, irrégulières en volume, suivent des rythmes équatoriaux. La grande saison des pluies (gu, de mars à juin) est séparée de la petite saison humide (dayr, septembre-octobre) par la petite saison sèche (xaaga, juillet-août). La grande saison sèche s'étend de novembre à février. Toutefois, de nombreux puits (ceel) atteignent des nappes phréatiques abondantes, palliant ainsi l'absence d'écoulement pérenne.

      Au nord, les plateaux sédimentaires s'abaissent à l'ouest de la ville de Hargeisa puis se relèvent à l'est, à 1 707 mètres au Goliis, à 2 416 mètres au Shimbiris près de Ceerigaabo, et à 2 135 mètres (mont Surud) au sud du port de Qandala. En Majeerteen, le cap Guardafui (Raas Caseyr), prolongement des plateaux, sépare le golfe d'Aden de l'océan Indien. Les montagnes volcaniques, qui reçoivent plus de 500 millimètres de précipitations annuelles, retombent par un escalier de failles sur l'étroite plaine littorale de Guban qui borde le rift du golfe d'Aden et où est situé le port de Berbera. La brousse à épineux, qui apparaît à partir de 600 mètres, est remplacée, au-delà de 1 800 mètres, par une forêt relique de genévriers où pousse l'encens. Au sud-ouest de Burco, les montagnes s'inclinent vers les pâturages du plateau du Hawd (sud) partagés avec l'Éthiopie, et vers la vallée du Nugaal jusqu'à l'océan Indien. Au sud de Garoowe et d'Eyl s'étendent les plaines arides du Mudug et du Galguduud qui se terminent par un littoral dunaire aux rares abris (Hobyo). À Beled Weyne, dans le Hiiraan, le Wabi Shabeele qui vient des montagnes du Balé en Éthiopie, pénètre en Somalie. Sa large vallée inondable et boisée court vers le sud jusqu'à Mogadiscio, où elle s'infléchit parallèlement à la côte, sur 400 kilomètres, jusqu'à rejoindre le confluent du Jubba. Le Shabeele est bloqué par le cordon littoral du Bénadir (Benaadir), formé d'une succession de lagunes et de dunes. Le Jubba, venu également des montagnes du Balé, pénètre en Somalie à Doolow et court vers le sud dans une large vallée inondable, boisée et coupée de rapides et de barrages, qui s'ouvre sur un profond estuaire, au nord de Kismaayo. Entre les deux fleuves, aux hautes eaux estivales, s'étend la Jasiira (Mésopotamie) dans laquelle les collines de Bakool et de Bay reçoivent plus de 500 millimètres de précipitations annuelles.

      Guerriers, éleveurs et croyants

      Somalie : peuplement et activités - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Somalie : peuplement et activités

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      La Somalie compterait environ 10 millions d'habitants en 2007, dont 99 % parlent le somali, une langue couchitique. Toutefois, 4,4 millions de Somali peuplent la région-État Somali centrée sur l'Ogaden en Éthiopie, et les Somali représentent la moitié des Djiboutiens et la majorité des Kenyans de la province du nord-est. Les Somaliens sédentaires se concentrent dans le nord du pays, ainsi qu'au Bénadir et en Jasiira. Ailleurs, le peuplement lâche se calque sur le réseau des puits des lignages (reer, les unités minimales des clans). Les Somaliens, à l'exception des hors-clans (les midgan, c'est-à-dire les descendants d'esclaves, les forgerons, les tanneurs) se répartissent en six grandes fédérations de clans. Les fédérations d'éleveurs, les plus prestigieuses, dominent les fédérations d'agriculteurs des Rahanwein (Raxanweyn) et Digil établis entre les fleuves Jubba et Shabeele, au contact, au nord, avec les Hawiye, une fédération d'éleveurs. Les Darod (Daarood), les plus nombreux, traversent en diagonale la péninsule : au nord, les clans Majertin (Majeerteen) et au sud-ouest, les Marehan (Mareehan) et les Ogaden (Ogaadeen) qui sont au contact des Rahanwein. Dans le bas-Jubba et le bas-Shabeele subsistent les enclaves des Wagoni et des Wagosha, des minorités de chasseurs-pêcheurs de langue bantou. La fédération des Dir se partage entre Djibouti, l'Éthiopie et la Somalie, et celle des Issaq domine le Somaliland. La structure clanique est à l'origine de l'organisation de la mobilisation des ressources des éleveurs et des agriculteurs en cas de sécheresse. Afin de limiter l'extension des inévitables conflits pour les pacages qui surviennent au début de chaque saison sèche, les membres de reer voisins se réunissent en assemblée (shir). Ils concluent des pactes dans le cadre de la loi coutumière (xeer), qui fixent le « prix du sang » (compensation payée par le meurtrier et son lignage à la famille et au lignage de la victime), afin de mettre un terme au cycle des vengeances qui est fréquent chez les éleveurs très attachés à l'éthique guerrière.

      L' islam, qui transcende les divisions claniques, est pourtant un facteur de division. Les Somaliens ont été sensibles à la prédication des seyyid et des aw (cheikh) et sont entrés dans des confréries soufies (Qadiriya au xve s., Salihiya et Ahmadiyya au xixe s.). Ils se rendent en masse à de nombreux pèlerinages sur les tombeaux des fondateurs, des aw locaux, et s'établissent dans le voisinage dans des zaouïas (jamaca en somali), des communautés observant le même ordre soufie et vivant de l'agriculture. L'islam somali est régulièrement la proie de jihad fomentés par des prédicateurs, formés en Arabie Saoudite ou touchés par la baraka (bénédiction). Ainsi, le dictateur Siyad Barre (1969-1991) lutta contre l'emprise des clans et des confréries musulmanes et promut des hors-clans dans l'administration. Au grand scandale des lettrés musulmans, il imposa, en 1972, le somali, épuré de ses emprunts à l'arabe et écrit en caractères latins, comme langue officielle. Cependant, après la défaite de 1978 en Ogaden, la disparition progressive de l'État et l'effondrement de la production des biens et des services ont réactivé les appartenances claniques et confrériques qui permettent, en dernier ressort, de bénéficier de la dilapidation des ressources, des trafics et de disposer d'armes après le déclenchement de la guerre civile en 1988.

      La Somalie menacée

      La céréaliculture pluviale à l'araire s'étend sur les plateaux et dans les montagnes du nord qui prolongent le plateau du Harar. Comme en Éthiopie, la culture du khât, une plante à drogue, s'est imposée, éclipsant la cueillette de l'encens, une ressource qui était exploitée depuis l'Antiquité. Les bovins transhument entre la plaine littorale et les hauteurs, et vers les riches pâturages du Hawd, partiellement situés en Éthiopie. Les clans de la fédération Issaq s'y affrontent, pendant xaaga, avec les clans Ogaden de la fédération Darod. La sécheresse de 1973-1974 fit 75 000 victimes, entraîna la perte d'un tiers du cheptel et le déplacement forcé de 300 000 éleveurs vers le sud, dans la Mésopotamie. Par ailleurs, le conflit avec l'Éthiopie en 1977-1978 provoqua l'afflux de milliers de réfugiés, surtout dans le nord. L'ex-Somaliland britannique exporta, dans les années 1980-1990, de plus en plus de bovins vers l'Arabie Saoudite, notamment lors du pèlerinage à la Mecque, en plus de son débouché traditionnel vers le port d'Aden (Yémen). En retour, la Somalie, membre de la Ligue arabe depuis 1974, accueillit des prédicateurs wahhabites. En plus des sécheresses, des vols et des tueries d'animaux, la guerre civile a précipité les pasteurs vers les camps de réfugiés et vers les villes.

      Héritées de la colonie italienne, les plantations irriguées du Bénadir le long du Wabi Shabeele (Jawhar, Balcad, Afgooye) et du Jubba (Jilib, Jamaane, Kismaayo) produisaient du sucre, du coton, des bananes, des agrumes et des légumes destinés aux marchés urbains et à l'Italie. Des tissages, des sucreries, des conserveries et des ateliers, souvent dirigés par des Italo-Somaliens, s'établirent à Mogadiscio, Balcad et Marka. Ces entreprises nationalisées périclitèrent sous la dictature de Siyad Barre, qui développa, dans la Jasiira, la céréaliculture mécanisée pluviale dans des villages socialistes.

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      Toutefois, la guerre civile, commencée dans le nord en 1988 puis étendue au sud en 1991, aboutit à la captation, à la destruction ou à l'abandon des infrastructures et des équipements industriels et urbains. Enjeu des luttes entre les seigneurs de la guerre, la capitale est tombée en juin 2006 sous la coupe des tribunaux islamiques qui ont ensuite pris Kismaayo. L'intervention éthiopienne a rétabli le gouvernement provisoire à Mogadiscio où se concentre au moins un tiers des Somaliens (2 à 3 millions d'hab.) qui tentent d'y survivre. Au gré des alliances et des luttes entre les clans, ainsi que des interventions éthiopiennes et érythréennes (officiellement depuis fin 2006), des « États » autoproclamés surgissent puis disparaissent au sud, au centre et en Majeerteen où le Puntland a déclaré son autonomie par rapport au Somaliland en 1998. L'ex-Somaliland britannique a proclamé son indépendance depuis 1991 et bien qu'il exerce les pouvoirs régaliens sur tout le territoire, la communauté internationale refuse de le reconnaître. L'Union africaine et la Ligue arabe, entraînées par l'Égypte et l'Érythrée, maintiennent coûte que coûte l'unité fictive de la Somalie, dans la mesure où elle constitue un contrepoids à l'Éthiopie qui soutient le Somaliland et étend son influence sur l'ensemble de la Corne.

      — Alain GASCON

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      Écrit par

      • : maître de conférences en anthropologie et en histoire au Centre d'études africaines, École des hautes études en sciences sociales
      • : professeur des Universités, Institut français de géopolitique de l'université de Paris-VIII, membre du Centre d'études africaines, C.N.R.S., École des hautes études en sciences sociales, chargé de cours à l'Institut national des langues et civilisations orientales
      • : maître de conférences d'histoire de l'Afrique, habilité à diriger des recherches, université d'Aix-Marseille
      • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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      Médias

      Somalie : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

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      Somalie : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

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      Autres références

      • SOMALIE, chronologie contemporaine

        • Écrit par Universalis
      • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

        • Écrit par
        • 12 429 mots
        • 24 médias
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        • 7 779 mots
        • 6 médias
        Il entendait jouer un rôle pour régler pacifiquement la crisesomalienne et s'assurer ainsi une situation plus calme à la frontière méridionale du pays. Avec le soutien de la communauté internationale, il prit l'initiative d'une conférence de réconciliation inter-somalienne pour inciter les Somaliens...
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      Voir aussi