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TEXTILE

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Le mot textile recouvre l'ensemble du monde du tissu et désigne plus particulièrement l'industrie qui s'y applique. Au pluriel, les textiles constituent une vaste famille recouvrant celle des étoffes, nom qui a pris un caractère un peu archaïque. « Étoffe », en effet, fut longtemps le terme utilisé pour désigner tous les tissus traditionnels, tant les matériaux que dans les modes de tissage. C'est un mot au long cours, relativement noble, puisqu'on en arriva à l'expression « avoir de l'étoffe » pour désigner quelqu'un capable de réalisations. Tissu, quant à lui, est dérivé de tissage, et désigne le résultat du croisement des fibres : la nappe des fils de chaîne traversée par les allées et venues du fil de trame, obtenu sur un métier, dont on peut répertorier les différentes progressions techniques.

Histoire

À l'origine, il s'agit de tendre un ensemble de fils parallèles entre des pièces de bois fixes. Avec l'aide d'une navette sur laquelle il est enroulé, le fil de trame est passé dessus dessous. Ce type d'installation pouvait être tendu verticalement ou horizontalement. On perfectionne ce système rudimentaire avec des poids qui permettent d'abaisser et de relever plus facilement les fils de chaîne. La grande amélioration, qui donne naissance à ce qu'on appelle l'ensouple, réside dans l'adjonction d'un rouleau à chaque extrémité des fils de chaîne permettant d'un côté de les enrouler (donc d'avoir un long métrage pour tisser), et de l'autre côté d'enrouler l'étoffe au fur et à mesure du tissage. Ce sont les Chinois qui ont inventé le métier à pédale : le tisserand appuyait sur une planchette de bois pour faire avancer les fils de chaîne enroulés en haut du métier. Puis on en arriva au métier à la tire, dont le principe se retrouve aujourd'hui dans les métiers mécaniques. Ce métier permet de répéter automatiquement et de façon régulière l'ensemble du motif du tissu (ce qu'on appelle le rapport). Comme il faut lever et abaisser un grand nombre de cordes pour faire jouer les fils de chaîne, ce sont le plus souvent des enfants qui, pendant des siècles, ont accompli ces manœuvres sur les métiers à la tire, avant que les cartons perforés de Jacquard au début du xixe siècle permettent d'automatiser cette sélection. Les derniers progrès sur les métiers industriels viennent des programmations informatiques qui gèrent les entrelacements des fils. Mais le principe même du tissage reste immuable depuis six mille ans...

Les mots du textile

Les armures

Tout tissu est donc le produit d'un travail qui obéit à trois types de modes de croisement ou armures fondamentales : l'armure toile, l'armure sergé et l'armure satin.

L'armure toile, la plus facile à tisser, est largement répandue dans le monde entier pour les tissus d'usage quotidien. Lors du tissage, le fil de trame passe d'une lisière à l'autre, au-dessus puis en dessous de chacun des fils de chaîne ; au retour, on inverse le passage de sorte que chaque « ligne » soit bloquée. On peut jouer sur le nombre de fils sautés, donner ainsi plus ou moins d'effets de surface au tissage. En variant les couleurs du fil de chaîne – ou celles du fil de trame – on obtient des rayures.

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L'armure sergé dépend d'un croisement de fils un peu plus complexe. Le fil de trame passe sur deux fils de chaîne, puis sous un fil ; au retour on alterne, et l'effet sergé se lit en biais sur la surface terminée. De nombreuses variations sont possibles : chevrons, losanges, arêtes. Le sergé est le tissage type du jean.

L'armure satin, principalement utilisée avec des fibres fines comme la soie ou le coton, est d'un toucher beaucoup plus lâche que la toile ou le sergé. Les fils de chaîne passent sous un fil de trame, puis en sautent quatre ou plus, et ainsi de suite. L'endroit ne montre donc pratiquement que les fils de chaîne (d'où un aspect uni et brillant s'il s'agit notamment de soie ou de viscose), tandis que les fils de trame sont sur l'envers.

Bien entendu, l'imagination et le savoir-faire humains ont compliqué et amélioré ces données basiques pour en multiplier les résultats : utilisation et mélange de divers matériaux, améliorations des métiers permettant de tisser des motifs, chaîne supplémentaire pour obtenir le velours, jeux de teintures, etc.

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Le mot textile devient vraiment utile quand il faut élargir les familles et inclure des produits qui ne sont pas issus du croisement des fils sur le métier, comme la maille et la dentelle, y compris des étoffes contemporaines et de leurs savantes manipulations, sans oublier des techniques comme celle de la tapisserie et de la passementerie.

La tapisserie a une longue histoire. Qu'elle soit de basse lisse (métiers horizontaux) ou de haute lisse (métiers verticaux), il s'agit toujours d'un travail manuel, artisanal et artistique à but décoratif. La tapisserie est née de la multiplication des trames : quand on tisse avec un effet de trame, il n'est pas nécessaire que le fil de trame aille d'une lisière à l'autre. On peut le remplacer à n'importe quel moment par un autre fil d'une couleur différente selon les motifs que l'on souhaite obtenir : c'est le principe d'une trame discontinue. On appelle navettes volantes les nombreuses navettes portant les différents fils de trame utilisés pour un même ouvrage.

La passementerie tresse et noue des matériaux textiles pour obtenir des galons, des franges, des pompons, destinés principalement à l'ameublement.

Bonneterie : chronologie du développement - crédits : Encyclopædia Universalis France

Bonneterie : chronologie du développement

La maille a pris une connotation très contemporaine pour typer des tissus tricotés, qui sont peut-être les plus répandus au monde, ne serait-ce que ceux utilisés pour les tee-shirts, sweat-shirts et autres survêtements. À l'origine, le tricot à la main consiste à obtenir un tissu par jeu de boucles et de mailles. Lorsque le métier à tricoter est inventé au xvie siècle, on appelle bonneterie cette production mécanique de bonnets et de bas en particulier. En effet, très attristé de voir sa fiancée le délaisser pour passer ses journées à tricoter de nombreux bas destinés à ses jeunes frères et sœurs, un pasteur anglais, William Lee (vers 1550-1610) invente en 1589 une curieuse machine qui devait permettre de former plus vite des rangs de mailles. Cette « machine à faire bas », comme on l'appela, est décrite alors comme « la plus excellente machine que Dieu ait faite ». Les aiguilles fermées par un ressort reçoivent le fil avant de se mouvoir toutes simultanément. Comme la plupart des inventeurs, William Lee ne fit pas fortune et les Anglais demeurèrent sceptiques devant son invention. Mais, quelques années plus tard, la mystérieuse machine fut copiée par un Français, Jean Hindret, qui, en 1654, exécuta de mémoire les plans de l'objet et les remit à Colbert, ministre de Louis XIV. Ce dernier en perçut tout de suite l'intérêt et lui permit de s'installer dans un palais de la Couronne à Neuilly : ce fut, en France, le début de l'industrie de la maille.

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Au cours du xixe siècle, le perfectionnement des métiers rectilignes, l'invention du petit métier circulaire facile à installer à demeure vont favoriser le développement rapide de la maille. Le premier métier rectiligne « industriel » est inventé en 1866 par l'Américain Lamb. Sur ces anciens métiers, on produit des articles « chaîne » : les fils parallèles passés chacun dans une aiguille s'entrelacent alternativement à droite, puis à gauche. En 1867, l'innovation des métiers de l'Anglais Cotton permettent la production de front de plusieurs pièces. En 1891, un autre progrès a lieu, avec le métier capable de faire les diminutions. Les métiers circulaires tricotent de larges tubes ; adaptés de différentes façons, ils sont utilisés, par exemple, pour la fabrication des collants. Le tissu circulaire peut être ouvert à plat puis découpé avec placement de patrons (c'est le cas des tee-shirts). En adaptant une mécanique Jacquard sur les métiers, on obtient un tricot à motifs.

Le début du xxe siècle voit donc le développement du jersey, tricot plus ou moins fin obtenu sur métier et que la mode adopte immédiatement pour le confort de la vie quotidienne. Puis le mot maille recouvre l'ensemble de cette industrie et de sa production.

La dentelle

La dentelle est un textile complexe qui utilise ses techniques propres, dont celle du nouage des fils. La dentelle faite à la main obéit à deux méthodes : la dentelle à l'aiguille qui organise le fil autour du vide, et la dentelle aux fuseaux qui entrelace les fils.

Pour la dentelle à l'aiguille, il faut cependant un appui temporaire à l'ouvrage : le parchemin ou vélin (c'est-à-dire un carton cousu sur une bande de toile forte et molletonnée) sur lequel est tracé le dessin de la dentelle. Par piquage avec une aiguille pointue, on dessine le motif à intervalles réguliers avec un fil fixé au vélin par des points à cheval : l'opération s'appelle la trace. Vient ensuite la confection des motifs avec des points différents réalisés avec une seule aiguille : points de bouclette et points de feston pour des effets de relief, c'est ce qu'on appelle la brode. Tous les petits motifs supplémentaires en forme d'étoiles, de rosaces, se nomment des jours ou modes. Une fois le métrage de dentelle achevé, on ôte le vélin en coupant les fils de maintien de la trace et l'ouvrage semble surgir par magie. Comme l'introduction d'une nouvelle aiguillée se fait en la dissimulant dans une bouclette existante, les pièces de dentelle à l'aiguille peuvent être distribuées à plusieurs dentellières, qui travaillent simultanément, avant d'être réunies pour un grand ouvrage.

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La dentelle aux fuseaux se pratique avec des accessoires spécifiques : un coussin (appelé, suivant les régions, carreau, tambour ou métier), des épingles, du fil, un bobinoir pour enrouler le fil sur des fuseaux et des cartons spéciaux pour les modèles. Le coussin qui reçoit l'ouvrage de la dentellière aux fuseaux est devenu l'emblème de ce métier. Le plan incliné est lui-même garni d'une toile cirée qui permet aux fuseaux de rouler facilement. Le modèle de la dentelle est reproduit sur une carte fixée au tambour et perforée aux endroits où doivent être plantées les épingles. Le rôle des épingles est de fixer les points. En effet, le travail aux fuseaux se fait alternativement avec deux paires de fils montés sur des fuseaux et les épingles sont fixées à mesure que le travail avance pour retenir les fils aux points importants. La partie opaque de la dentelle aux fuseaux obtenue par le croisement des fils s'appelle la toile et les parties ajourées sont faites par des brides ou des mailles.

La dentelle mécanique se fabrique sur de grands métiers reproduisant le nouage. Tout commence au début du xixe siècle quand l'Anglais John Heathcoat (1783-1861) invente le métier à tulle, qu'il améliore avec différents brevets et dépose sous le nom de Bobbin traverse net machine : on l'appellera longtemps le métier Bobbin. Puis la famille Leavers, vers 1814, améliore le système en permettant le nouage de fils. Quand on y adapte la mécanique Jacquard, qui permet de guider le passage des fils pour les dessins, on a enfin regroupé sur métier, en une seule opération, la confection du fond et celle des motifs : le temps de la dentelle industrielle est venu.

À l'heure actuelle, on distingue plusieurs sortes de dentelles mécaniques suivant les métiers utilisés. La Leavers, le plus noble des métiers, permet de retrouver sur machine la beauté des plus prestigieuses dentelles faites à la main : elle porte le label de dentelle de Calais ; sur un millier de métiers existant dans le monde, quelque huit cents tournent à Calais. Le Rachel est un métier d'origine allemande, dérivé du métier à tricoter, qui permet de produire une dentelle maille de grande diffusion, mais moins luxueuse que la Leavers. L'informatique et l'électronique ont apporté beaucoup de modifications aux métiers de dentelle. On parle de métiers Textronic, Jacquardtronic qui mêlent la technique de la maille et celle de la broderie. Ces métiers, tricotant fond et motifs conjointement, permettent des fonds très aérés, fins et élastiques, et des motifs en relief adaptés à la fabrication de galons et de bandes pour la lingerie.

La broderie

La broderie, à la différence de la dentelle, a toujours besoin d'un support textile, dont elle transforme la surface. La broderie sur tulle, par exemple, ennoblit un tulle de base par des motifs et joue alors les trompe-l'œil avec la dentelle. Dans le monde entier, la broderie faite à la main décline ses signes et ses symboles pour permettre de différencier les hommes et leurs coutumes. Elle décore l'étoffe de base grâce à un large éventail de points et à la technique des applications (pose de tissus ou d'autres matériaux). Elle a adopté un caractère industriel avec les métiers à broder autorisant des productions rapides pour le linge de maison ou les motifs appliqués sur les vêtements.

La teinture

Parmi les mots du textile à ne pas oublier signalons la teinture et l'impression. La teinture des textiles obéit à deux lois : le teint en fil qui agit sur les écheveaux ou les bobines de fil avant leur manipulation en tissage ou tricot, et le teint en pièce qui consiste à plonger un métrage dans la couleur. Dès ses premières créations artisanales, l'homme a imaginé des techniques pour jouer avec la couleur et obtenir des motifs par des effets de réserves (préservation du fond initial) par nouage, piquage, applications de cire, pochoirs, etc.

L' impression directe de motifs sur un fond uni est d'abord réalisée par la peinture à la main ou par l'application de mordants et de couleurs à l'aide de tampons de bois. La technique s'améliore avec des cylindres métalliques perforés, et des cadres plats dotés d'un tamis apposant les couleurs sur le tissu tendu, mais c'est encore le principe de la sérigraphie qui en demeure la base.

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Il faut toujours autant de cadres ou de cylindres que de couleurs à apposer sur un motif. Des procédés contemporains par effets de transfert, par projection, par rongeants chimiques ont ajouté des effets spécifiques aux techniques d'impression.

Enfin, les mots du textile se sont enrichis ces dernières décennies grâce aux trouvailles des textiles techniques et des « fibres intelligentes » qui apportent de nouvelles qualités aux tissus.

Les trois grands chocs de l'histoire du textile en Europe

Étudier l'histoire du textile en Europe, c'est comprendre que les grandes avancées artistiques, techniques et scientifiques sont venues de l'Orient. Même si le premier millénaire a laissé des traces de tissages élaborés à partir de laine, notamment dans le nord de l'Europe, et même si l'image des druides vêtus de lin fait partie des mythes fondateurs de l'Occident...

Le premier grand choc fut l'aventure des croisades, dès l'an 1000. Les chroniques médiévales de Robert de Clary (vers 1170-1216), rédigées un siècle plus tard, font état de l'étonnement des croisés lors de leur arrivée à Constantinople : « les draps d'or », notamment, leur sont « fine merveille ». Au regard des rudes chevaliers francs, l'ennemi apparaît fastueusement vêtu d'étoffes jusqu'alors inconnues : brochés, brocarts, velours, satins orientaux font briller la soie et l'or, que les tisseurs et brodeurs byzantins savaient traiter depuis des siècles.

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Byzance, capitale du nouvel Empire chrétien, héritière du monde gréco-romain, en relation avec la Perse, l'Inde et la Chine, était devenue au vie siècle le haut lieu de l'art. Elle aura une grande influence culturelle sur l'Occident par l'intermédiaire des croisés qui vont rapporter ces trésors textiles pour les offrir aux églises et aux seigneurs, d'où l'image de luxe et de pouvoir rattachée à ces tissus byzantins. L'Europe les convoite : ce sera l'origine de la fortune de Venise qui va en organiser l'importation et le commerce, pour ensuite acquérir et exploiter les savoir-faire de ce tissage vers le xive siècle. Pendant plusieurs siècles, en Europe, on constate un décalage entre le quotidien rustique des étoffes domestiques de laine, lin ou chanvre et les fastes des brocarts, damassés et satins des soyeux d'Italie, puis de France, avec l'émergence du rôle de Tours et de Lyon.

Le second choc se produisit avec l'irruption du monde de la couleur et du coton grâce aux indiennes. Ces toiles des Indes – d'où leur nom – abordèrent les rivages de Marseille dès le xvie siècle pour devenir une passion nationale au xviiie siècle. Les toiles peintes sur coton, souvent assez fin, présentaient de merveilleuses couleurs apposées dans des dessins faits au calame (sorte de tire-ligne garni d'un tampon), et dont la longévité et la brillance étonnèrent les Européens. Représentant des décors luxuriants et abondants, les toiles peintes étaient souvent utilisées en « meuble », pour couvrir un lit, faire office de rideaux ou de portières, ou exposées en tapisseries et tentures, portant aussi le nom de palimpores ou de kalamkaris (signifiant en persan « fait à la plume »). Parallèlement aux toiles dessinées se démocratisèrent les chafarcanis, toiles plus épaisses à petits dessins en réserve, tout de suite adoptées dans le costume populaire. On peut comprendre le choc culturel que provoquèrent ces étoffes légères et colorées, faciles d'entretien, reflétant des jardins de nature et de rêve, en regard de la tradition textile des tissés certes somptueux, mais plus lourds et moins vifs de couleurs. Lorsque les ambassadeurs du Siam en 1685 apporteront en présent quelques toiles peintes à la cour de Versailles, le succès sera total ainsi que le proclame Monsieur Jourdain dans le Bourgeois gentilhomme (1670) de Molière : « Je me suis fait faire cette indienne-ci. Mon tailleur m'a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin. » La France essaie de se lancer dans l'impression – dénommée alors indiennage – d'abord autour de Marseille et en Provence. Mais les soyeux de Lyon et les drapiers du Nord s'émeuvent de cette concurrence et font pression sur Colbert : il s'ensuivit un édit de prohibition d'importation et de fabrication des indiennes proclamé le 26 octobre 1686, qui durera soixante-treize ans... Prohibition qui permit aux territoires hors de la juridiction française du xviie siècle (Avignon, Aix-en-Provence, Mulhouse) de poursuivre leur mainmise sur le monde des tissus imprimés et d'organiser la contrebande des indiennes avec les pays limitrophes. Prohibition qui s'avéra désastreuse pour la France, car elle permit à l'Angleterre et à la Suisse, notamment, de prendre une forte avance dans la recherche du traitement du coton et du travail des couleurs et des mordants. À la levée de l'interdiction en 1759, Jouy-en-Josas voit Christophe-Philippe Oberkampf, né dans le Wurtemberg, créer une grande manufacture de toiles imprimées. Sachant à la fois investir dans la recherche technique et la création, sensible à l'air du temps et très observateur, il portera haut le renom de l'indiennage français. L'industrie du coton et de l'impression se poursuivit au xixe siècle, particulièrement en Alsace autour de Mulhouse qui devint la capitale de l'imprimé. Depuis le xviiie siècle, l'Europe tout entière s'était convertie aux couleurs et aux fleurs.

Le troisième bouleversement textile se produit avec la création de fibres par l'homme. En effet, à la fin du xixe siècle, l'Europe et la France, particulièrement, présentent un nouveau visage. Le développement industriel et le pouvoir naissant de la bourgeoisie offrent de nouveaux marchés : la consommation des textiles s'accroît.

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L'explosion démographique et l'amélioration du niveau de vie entraînent une progression de la demande textile à un tel rythme que les fibres naturelles ne sont plus en mesure de la satisfaire. D'autant plus que la soie connaît depuis 1845 un désastre provoqué par la pébrine, cette maladie du ver à soie. Dans ce contexte, le comte Hilaire de Chardonnet (1839-1924) va consacrer sa vie de scientifique à la mise au point de la soie artificielle. Il présente à l'Académie des sciences un mémoire intitulé Sur une matière textile artificielle ressemblant à la soie (1884), où il expose les principaux éléments d'une méthode qui consiste à obtenir une texture de base, le collodion, à partir de la cellulose de la feuille de mûrier. Cette cellulose trempée dans des acides nitrique et sulfurique se transforme en une sorte de coton-poudre qui, à son tour plongé dans un bain d'alcool et d'éther, devient matière à filer. Pour bien comprendre l'importance de l'invention de Chardonnet, il faut se situer dans le contexte scientifique d'un xixe siècle qui fait faire un pas prodigieux à l'esprit d'invention : à partir de l'idée fondamentale d'imiter la soie et de se substituer au travail du ver, on découvre l'utilisation d'un dérivé cellulosique. Il ne s'agit pas seulement de reproduire les processus naturels, mais d'élaborer une doctrine et d'ouvrir des espaces d'application dépassant le produit naturel initial.

C'est ce processus en chaîne qui donnera naissance à toutes les fibres chimiques : elles résultent de la transformation des polymères naturels complétée d'un procédé « artificiel » assurant la formation d'une masse cohérente filable, permettant une présentation sous forme de filaments propres à des utilisations textiles. En effet, immédiatement après la soie artificielle de 1890 apparaissent la soie au cuivre, la viscose, l'acétate de cellulose. Viendront, par la suite, les matières de synthèse dérivées de la chimie macromoléculaire, dits textiles synthétiques.

Il s'agit d'une révolution de la pensée et de la recherche à partir de laquelle le monde textile vit encore aujourd'hui. Pour donner la mesure de l'importance de ces fibres artificielles et synthétiques prenons comme exemple une usine moderne qui produit quotidiennement 150 tonnes de fibres chimiques. Pour produire la même quantité de laine, il faudrait un troupeau d'au moins 12 millions de moutons et un pâturage grand comme la Belgique.

Les fondamentaux : les textiles naturels

La soie

Du « toit de monde » au Bhoutan, où les vêtements faits d'étroites bandes de soie façonnées sont un récital de couleurs et de motifs, aux saris des bords du Gange, du Japon ancestral avec ses châles rituels, les kesas, ou « manteaux de nuages » (faits de patchworks assemblés pour les moines bouddhiques) et ses kimonos légendaires, aux créations de la haute couture française et italienne, aucune étoffe dans le monde entier n'a brillé d'autant de facettes. Elle ne représente pourtant aujourd'hui que 0,30 p. 100 de la consommation mondiale de textile...

L'épopée commença, assure-t-on, à l'ombre d'un mûrier en l'an 2640 avant J.-C. Hsi-Ling-Shi, épouse de l'empereur Huang-Ti, prend sereinement le thé en plein air quand d'un mûrier se détache un cocon qui tombe dans sa tasse et dont la princesse, grâce aux épingles de son chignon, va dévider les fils avec précaution. La première circulation de la soie se fera de la Chine vers le monde antique de la Méditerranée. En effet, la soie fut le fondement de l'économie chinoise et surtout constitua sa monnaie d'échange avec les populations nomades des steppes, qui l'acheminèrent au gré de divers itinéraires et au long des siècles jusqu'à l'Empire romain.

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Jules César, après sa victoire sur Cléopâtre, avait lui aussi rapporté des étoffes mystérieuses et brillantes qui servirent de dais pour ses triomphes. On crut longtemps que dans le lointain pays des Sères (nom alors donné aux Chinois), la soie se présentait comme un duvet blanc dégagé par les feuilles des arbres. Les envahisseurs « barbares » seront eux aussi séduits par la soie : en 410, Alaric le Wisigoth accepta de lever le siège de Rome en échange de « cinq mille pièces de fin drap d'écarlate (draps de soie teints en pourpre), cinq mille besants d'or et mille livres de poivre ».

L'empire byzantin, héritier de la puissance romaine, joua un rôle capital dans l'apothéose des tissus de soie. S'inspirant des mœurs asiatiques rencontrées lors de ses campagnes militaires, l'empereur Constantin (285 env.-337) imagine pour sa cour des costumes bien plus luxueux que les dignitaires romains ne l'avaient jamais envisagé au temps de la République. Soieries polychromes, brochées, ornées d'or, d'argent et de pierres précieuses, les étoffes sont des signes de gloire et de force. Byzance, premier empire chrétien, transmettra à l'Église ses premiers fastes et le goût de l'apparat. Le règne de l'empereur Justinien (482-565) correspondra à l'âge d'or de Byzance et les riches pièces de soie serviront à conclure des alliances, à séduire des alliés, à doter des établissements religieux. Les fresques de Ravenne rappellent à jamais les fastes soyeux de l'impératrice Théodora car Justinien avait, dit la légende, envoyé en mission au pays des Sères deux moines de son entourage pour en rapporter le secret de la soie afin d'en faire bénéficier les tisserands byzantins. Les moines s'arrêtèrent probablement au pays de Khotan (Turkestan) où la sériciculture était en plein développement et logèrent discrètement dans leurs cannes de bambou quelques œufs de ver à soie. Cette expédition marqua le début de l'histoire de la soie en Occident sous le signe de la fabrication gréco-byzantine et de la circulation des étoffes sassanides. Les caractéristiques motifs sassanides et byzantins (animaux adossés ou affrontés, médaillons et mandorles, grenades et arbres de vie) régneront sur le décor textile pendant plusieurs siècles.

L'itinéraire de la soie fut ensuite italien. Ce furent d'abord les tissus palermitains produits en Sicile sous influence à la fois musulmane et chrétienne. Au xiiie siècle, les villes italiennes deviennent productrices de tissus de soie : Venise la première, mais aussi Gênes spécialisée dans un type de velours dont le nom qualifie encore de nos jours le tissage particulier du velours ciselé. La réputation des draps d'or de Lucques – les diaprés – lui fit compter parmi ses amateurs les comtes d'Artois, de Flandre ou du Hainaut, ainsi que les papes et leur entourage. Florence se spécialisa au début du xive siècle dans le tissage des brocarts d'or et d'argent. La culture du mûrier s'étant également étendue progressivement du sud au nord de l'Espagne, les mûriers d'Andalousie fournissent les ateliers d'Almeria, autre grand centre du tissage de la soie.

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Si l'artisanat de la soie existait en France depuis le Moyen Âge, dans les villes de Paris, Rouen, Reims, Troyes et surtout Avignon la cité des Papes, c'est à Louis XI que revient l'initiative d'installer à Lyon des métiers propres à fournir des étoffes susceptibles de rivaliser avec celles en provenance d'Italie. Louis XI, en effet, voyait d'un mauvais œil partir en devises les deniers de son Royaume. Il décida donc d'introduire « l'ouvrage des draps d'or et de soye en icelle notre ville de Lion » en lui demandant de surcroît d'inviter à sa propre charge des spécialistes en la matière. C'est ainsi que, par les Édits royaux de 1466, il fait venir d'Italie, avec leur matériel, des ouvriers bolonais, vénitiens et génois ; les consuls et les marchands de Lyon rechignent... Louis XI, devant cette opposition, décide, en 1469, de transporter mouliniers, teinturiers et tisseurs dans sa « bonne ville de Tours », mais demande à la ville de Lyon d'en supporter les frais. (C'est pourquoi aujourd'hui encore, à Tours, deux grandes manufactures artisanales de tissage de soie produisent de somptueuses étoffes traditionnelles.) Les Lyonnais dépités réagissent et, en 1536, obtiennent une charte de François Ier : Lyon devient alors ville fabricante. Quarante années plus tard, on y recensera 224 maîtres veloutiers, taffetatiers, fileurs et teinturiers.

Le xviie siècle signera la mainmise des tisseurs lyonnais sur les façonnés, ces tissus à dessins tissés. Lyon va mériter sa devise « Lion li Melhior » en entrelaçant sur les grands métiers à la tire les étoffes d'or, d'argent et de soie « à la façon des Perses et à la manière d'Italie ». Les succès éclatants de la fabrique lyonnaise ne se démentiront pas jusqu'à la fin du xviiie siècle. L'innovation créative du dessinateur Philippe de Lasalle (1723-1804) compta alors fortement en faveur de la gloire de la ville de la soie : avec lui un grand style lyonnais – qui devait parer Versailles – était né.

Au début du xixe siècle, le métier à tisser perfectionné de Joseph-Marie Jacquard (1752-1834) donne à la fabrique lyonnaise son impulsion industrielle. Napoléon 1er, conscient des difficultés que rencontrent les manufactures lyonnaises, relance l'industrie de la soie par d'importantes commandes, notamment celles de 1810. On peut situer entre 1825 et 1830 le début de ce processus d'industrialisation. En cette première moitié du xixe siècle, la fabrique lyonnaise voit apparaître les noms de familles qui vont s'inscrire dans la dynastie de la soie. Mais c'est peut-être la période des années 1920-1925 qui fut la plus étonnante dans la création lyonnaise. Les tisseurs comprennent alors que les seules prouesses techniques ne sont pas suffisantes : le dialogue avec la haute couture en plein essor permet de créer des étoffes en harmonie avec les courants artistiques dominants.

Le lin

Le lin partage avec la laine l'assurance d'être le plus ancien textile au monde. Les premières traces de son utilisation remontent en effet à 10 000 ans avant J.-C. en Turquie, et des traces de textiles en lin datés de 8000 ans avant J.-C. ont été retrouvées lors de fouilles dans des cités lacustres suisses. Dès le vie siècle avant J.-C., l'industrie du lin était développée chez les Égyptiens qui apportèrent à la culture et au travail de cette fibre une perfection jamais égalée, comme en témoignent les tissus découverts dans des tombes du Fayoum, et présentant un haut degré de finesse.

Les chrétiens égyptiens conserveront la tradition du lin : les tissus dits coptes sont célèbres pour leurs décors empruntés à la fois à l'ancienne Égypte, au monde gréco-romain et aux symboles chrétiens.

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Le lin fut aussi le grand textile de la période médiévale en Europe : les Flandres, la France, l'Angleterre, l'Irlande, l'Écosse, l'Allemagne, la Russie, les pays baltes. C'est à Charlemagne que l'on doit la première impulsion donnée à l'artisanat du lin : dans ses Capitulaires, il ordonne que le lin soit filé à la cour et que chaque ménage de l'Empire se procure l'outillage nécessaire pour le travailler. En l'an 800 naîtront les premiers marchés de toile de lin à Rouen et à Lyon.

La culture du lin s'est donc épanouie dans le nord du royaume de France : au xiiie siècle, le lin prend un essor important dans les villes d'Arras, Cambrai et Reims. Sa filature atteint une telle perfection qu'avec un fil long de 250 kilomètres on obtenait une toile de 500 grammes de poids. Charles Quint n'aurait pas hésité alors à proclamer : « Je ne crains rien pour les Flandres, tant qu'il y aura des champs pour cultiver le lin, des doigts pour le filer et des mains pour le tisser ». Ce fut l'âge glorieux du linge damassé des Flandres, que toutes les cours d'Europe acquéraient à prix d'or pour les tables des grands de ce monde. On qualifia du beau nom de « lin historié » ces pages d'écriture aux motifs ton sur ton, mats et brillants, que leur cherté réservait à l'élite. Une écriture imagée qui évoque du xive au xviie siècle soit des scènes bibliques, soit des scènes de victoires royales ou de vie fastueuse.

À partir du xviie siècle – sous les bons soins de Colbert qui fait venir aussi de Flandre des tisseurs spécialisés en toiles fines dans la région de Cambrai – c'est l'âge d'or de la Bretagne notamment, de la Champagne, de la Picardie et de la Normandie. Leurs toiles connaissent une réputation européenne et internationale, puisqu'elles passent par Cadix avant d'être exportées dans les colonies espagnoles d'Amérique du Sud : des correspondants s'arrangent avec les Espagnols pour organiser le transport jusqu'en Amérique et récupérer l'argent de la vente. En Europe, une véritable route du lin se constitue depuis les pays Baltes d'où proviennent les meilleures graines, qui sont cultivées en France et en Belgique, et dont les fibres sont ensuite tissées, avant que les toiles ainsi produites soient expédiées dans le monde entier.

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Puis, en 1810, un brevet révolutionnaire de machine à filer le lin est déposé par Philippe de Girard. On était alors en droit, en ce xixe siècle, d'imaginer un avenir radieux pour le tissage du lin. Pourtant, il sera détrôné par le coton provenant des colonies américaines ; ce dernier va l'emporter en raison de son prix et de ses facilités de tissage pour les étoffes du quotidien. Il faudra attendre un siècle de fibres artificielles et synthétiques pour retrouver le plaisir, désormais écologique, de cette fibre.

Le coton

Ce sont des fragments de vêtements en coton portant des traces de rouge garance, datant du iiie millénaire avant J.-C., découverts au cours des années 1920 à Mohenjo-Daro, dans la vallée de l'Indus, qui permettent d'affirmer que le coton était cultivé et teint en Inde dès cette époque. Le célèbre site de Fustat, en Égypte, où d'autres cotonnades indiennes furent mises au jour, prouve qu'il y existait aussi un commerce de ces étoffes. La culture du coton est attestée en Égypte, au iie siècle après J.-C., par Julius Pollux, précepteur de l'empereur Commode et originaire du pays : « Sur l'arbre, naît un fruit qui a tout à fait l'air d'une noix à trois fentes ; son éclatement, une fois qu'il est sec, permet d'en sortir une laine dont on fait un fil de trame. » Ce témoignage révèle les difficultés que l'on avait à obtenir, à partir des fibres courtes de coton, un fil assez robuste pour servir de chaîne. L'Égypte restera un pays de coton puisque, à l'époque moderne, elle est devenue l'un des principaux producteurs de coton au monde. Le promoteur de cette importante activité agricole fut le khédive Muhammad Ali, aidé de la compétence de l'ingénieur franco-suisse Louis Alexis Jumel (on parlera d'ailleurs de coton « jumel »). Le coton sea Island, d'abord utilisé, ne donna pas de bons résultats. Cependant, après des croisements avec d'autres espèces, on obtint le fameux coton égyptien, aux fibres longues, robustes et soyeuses. Les variétés mako (de Haute-Égypte, de couleur jaune) et karnak (de Basse-Égypte, de couleur blanche) sont les plus connues.

À l'époque médiévale, on connaissait le coton en Europe, mais uniquement sous la forme d'une bourre utilisée entre deux étoffes, notamment pour matelasser les pourpoints, parfois aussi dans les matelas. C'est encore à partir de Venise que la fabrication des tissus de coton se répandit en Italie du Nord, puis dans le sud de l'Allemagne. En effet, Venise commencera à tisser du coton en provenance de Damas et à le mélanger à de la laine ou du lin pour produire des futaines, tissus utilisés pour des produits simples comme les pourpoints et les vêtements de dessous. La Suisse tissa le coton à Bâle dès 1380 et à Zurich dès le début du xve siècle (ce qui explique la tradition de ce pays dans la production de cotons très fins). Dès la fin du Moyen Âge, on confectionna des futaines dans toute l'Europe, tissu populaire concurrencé par les siamoises. Il s'agissait d'étoffes à la chaîne de soie et à la trame de coton, voire de lin, ornées de rayures. Rouen se fit une spécialité de ces productions dès 1534, mais le nom de siamoises ne leur fut donné qu'après la visite des ambassadeurs du Siam à Louis XIV, eux-mêmes vêtus d'étoffes rayées.

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La grande aventure du coton en Europe ne débute qu'avec la création des grandes compagnies de commerce (les diverses Compagnies des Indes), qui importèrent d'abord les légères toiles des Indes (ce qu'on appelait la « marchandise blanche ») puis les indiennes colorées. Le rôle de Marseille, « porte de l'Orient », fut alors capital pour l'importation et la fabrication des toiles peintes. L'indiennage – interdit en France pendant trois quarts de siècle – donna naissance à l'industrie de l'impression et obligea à progresser dans le filage et le tissage du coton – ce que comprit fort bien l'Angleterre. Marseille développa le goût des tissus blancs qu'elle importait et exportait. La ville et toute la région de Provence et de Camargue se firent dès le xviiie siècle une spécialité des « travaux de pîque » : couvertures en piqués de Marseille alliant matelassage et broderie (exportées jusqu'en Amérique), boutis en relief et transparents garnissant costumes et linge de maison. Une fois levée l'interdiction d'imprimer, l'Alsace développa à travers ses manufactures le tissage et l'impression. Puis Amiens se fit une spécialité du velours de coton, Roubaix tissa du velours d'ameublement, la région des Vosges préféra tisser et blanchir le linge de maison, tandis que les grandes filatures du Nord envoyaient fabriquer à Cambrai et à Caudry les plus fines batistes et les tulles les plus légers. Sans oublier le tissu de coton le plus connu au monde, le jean, toile sergée fabriquée à Nîmes (d'où le nom américain de denim), mais aussi à Gênes. Il reviendra en Europe avec un accent américain...

L'histoire du coton appartient dans sa majeure partie au grand continent américain. Les civilisations précolombiennes situées en bordure du Pacifique cultivaient et utilisaient le coton sauvage depuis la plus haute Antiquité. Au Mexique, au Ve millénaire avant J.-C., le coton était connu des populations qui l'utilisaient pour confectionner des filets de pêche, des hamacs, des ponchos. La fibre de coton était l'une des plus importantes ressources pour les civilisations amérindiennes, comme les Mayas au Guatemala et les cultures des Chimús, Nazcas et Paracas au Pérou. Actuellement, on remet en culture des cotons colorés (naturellement ocre ou vert) que connaissaient ces peuples et qu'ils savaient allier avec des colorants naturels. La conquête achevée, l'Espagnol prend la place de l'Inca, les Indiens dépossédés d'une grande partie de leurs terres sont écrasés de lourdes redevances, dont le tribut textile représente l'une des plus pesantes. Avec la conquête du Nouveau Monde, les Européens prennent la mesure de l'étendue géographique de la culture du cotonnier sauvage. En 1519, le navigateur portugais Magellan et ses équipages découvrent le coton au Brésil, où il pousse à l'état sauvage. Dès le début de la colonisation, les Portugais introduisent à Bahia et à Pernambouc des variétés de cotonniers d'Orient. En Amérique du Nord, les premiers essais de culture eurent lieu au début du xviie siècle en Virginie. Le xviiie siècle verra naître les grandes plantations en Caroline, Louisiane, Floride et Géorgie, qui prennent le nom d'États cotonniers. Avec comme terrible corollaire le système esclavagiste, adopté comme mode de production. Par ses colonies américaines, l'Angleterre bénéficie d'une importante source d'approvisionnement au moment où la demande croît. Ayant déjà importé le coton brut des Indes orientales et occidentales jusqu'au port de Liverpool (approvisionnant Manchester, la ville des manufactures cotonnières), elle était à la pointe de sa transformation et à l'origine de l'industrialisation du textile en Europe. C'est d'abord l'invention de la spinning jenny, métier à filer manuel permettant de produire plusieurs fils à la fois, remplacé à la fin du xviiie siècle par la mule-jenny, machine à filer mécanique qui va transformer la rentabilité des filatures. De plus, à partir de l'invention de la machine à égrener, la cotton gin d'Eli Whitney (1765-1825), en 1793, le coton devient un article à la portée des couches sociales plus populaires grâce à la baisse des prix qui en découle. La guerre de Sécession vint interrompre ce mode de développement. La production du coton du Sud américain se réduit considérablement et la bourse au coton de Charleston fut reléguée au rang de souvenir. Le coton de l'Inde, du Brésil et des Antilles ne suffisant pas à approvisionner l'Europe, nombre de filatures, à Manchester comme à Mulhouse ou Rouen, durent fermer.

Le xixe siècle voit cependant l'industrie cotonnière redémarrer aux États-Unis : les vagues d'immigrants représentent une main-d'œuvre bon marché pour les filatures, tissages et manufactures d'impression des États du Nord, tandis que le Sud cultive à nouveau le coton, de façon cependant insuffisante, puisque les États-Unis devront importer du coton depuis le Brésil.

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En France, on assiste à une double politique : du côté de l'Alsace, une recherche scientifique considérable portant sur la teinture et les apprêts conduit les entreprises mulhousiennes à la pointe du progrès, tandis qu'ailleurs trop de tisseurs hésitent à changer leurs équipements. La guerre de 1870 et la Première Guerre mondiale ne vont pas favoriser la modernisation des usines : ainsi, vers 1889, si la France possède une centaine de machines à imprimer, l'Angleterre en possède plus de mille. Par la suite, les bouleversements économiques du xxe siècle vont affaiblir l'Europe dans ses capacités de production rentables, notamment dans le domaine de l'industrie cotonnière.

La laine

La laine partage avec le lin le fait d'être une fibre dite patriarcale, c'est-à-dire la fibre la plus ancienne et la plus sacrée ; la Bible y fait régulièrement allusion. Mais à ce jour aucune recherche scientifique n'a pu résoudre laquelle, de l'une ou de l'autre, l'emporterait en longévité... La laine est très certainement la fibre la plus populaire, celle qui a partagé la vie des plus pauvres comme des puissants : sa familiarité avec le quotidien est attestée par sa présence dans les contes de fées, où la quenouille et son fil sont fortement présents comme signes du destin, reprenant la tradition des Parques grecques.

C'est en Turquie, dans les fouilles de la plus ancienne agglomération connue, sur le site du plateau anatolien de Çatal Hüyük, que l'on a retrouvé des traces de tissus de laine datant de neuf mille ans. Les plus anciennes fibres de laine découvertes en Occident, dans le Jura à Clairvaux-les-Lacs, dateraient de 2900 ans avant J.-C. Dans les marais du Danemark, des tissages datant de l'âge du bronze (1500 avant J.-C.) ont été découverts, tandis qu'un vêtement de laine très spectaculaire était trouvé en Suède : il s'agit de la cape de Gerumsberget qui se tient dans un ovale de 2,48 mètres et est tissée en sergé avec un motif de carreaux sans envers ni endroit ; mais le mystère de ses origines reste entier.

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Selon l'archéologie, le mouton apparut en Europe 4500 ans avant J.-C. Rome fera paître ses troupeaux tout autour de la Méditerranée et Virgile recommandera : « si vous cherchez à avoir de belles laines, premièrement empêchez vos brebis d'aller paître dans les bois parmi les bardanes et les chardons ». C'est aux Arabes que l'on doit les progrès les plus spectaculaires dans l'élevage du mouton. En effet, au cours de leur conquête de l'Espagne, en l'an 700, quand Grenade l'andalouse était musulmane, ils eurent l'idée de croiser la race de mouton locale avec le mouton romain : ce fut l'origine de la race mérinos qui fit pendant des siècles la fortune de l'Espagne. Jusqu'au xviiie siècle était punie de mort toute personne qui exportait un mouton hors du pays. Les premiers mérinos entrèrent en France en 1752, gagnèrent ensuite les colonies anglaises puis, en 1788, l'Australie, dont ils allaient devenir le produit vedette.

La laine a tissé l'histoire du continent européen : Espagne, France, Flandres et Angleterre ont échangé, commercé et guerroyé pour elle. Elle fut pendant des siècles le matériau indispensable des tapisseries, œuvres des ateliers d'Arras, de Tournai, de Bruxelles ou de Paris, qui répondaient aux commandes des grands de ce monde.

En Côte-d'Or, l'église Notre-Dame du village de Semur-en-Auxois possède un vitrail du xve siècle qui résume ces activités autour de la laine : on y voit en effet représenté la tonte, le cardage, le foulage, le lavage et l'essorage. Et le duché de Bourgogne garde la mémoire de l'échange « européen » qui se faisait alors : les moutons étaient tondus en France, leur laine envoyée en Angleterre pour y être lavée et filée, puis livrée aux Flamands qui en tissaient de solides draps, revendus alors notamment aux ducs de Bourgogne ! Le mot drap est important dans l'histoire de la laine, dans la mesure où il qualifie les tissages de qualité qui, dès le Moyen Âge, les distinguèrent des tissages domestiques. Plus ce drap était alors velouté, plus il avait de valeur marchande. On appelait lainage l'opération qui consistait à velouter ces tissages : en effet, les tisserands médiévaux, imaginèrent de rendre le drap encore plus doux en grattant, après le tissage, l'une des faces du tissu de manière à faire ressortir les fibres de la trame qui recouvraient alors la surface de l'étoffe de poils plus ou moins longs. Longtemps ce « garnissage » manuel, pour reprendre l'expression d'époque, fut exécuté avec le chardon cardère, cultivé notamment en Provence occidentale.

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Au xiie siècle, au Nord de l'Angleterre, la ville de York était déjà le centre de l'élevage intensif du mouton, la plus grande partie de la laine étant exportée vers les Pays-Bas. Les couvents cisterciens jouèrent alors un rôle important en se faisant les promoteurs de l'activité lainière : éleveurs de nombreux troupeaux, ils vendaient la laine soit dans les îles Britanniques, soit sur le continent. Parallèlement se développèrent des associations de tisserands indépendants, les guildes, qui jouèrent un rôle prépondérant dans l'organisation de la production textile du pays. Mais le développement du tissage s'appuya aussi beaucoup sur le travail des paysans peu rémunérés. La plus grande quantité des laines passaient par les mains des marchands du roi. Ils allaient choisir leur laine brute dans les halles aux draps et redistribuaient le travail aux tisserands, dépendants de ces marchands drapiers. Au xvie siècle, le roi Henri VII incita les lainiers à accroître la production de tissus afin de faire concurrence aux drapiers hollandais : ce fut le point de départ des grandes manufactures lainières qui allaient faire au xviiie siècle la fortune de l'Angleterre et de la laine une industrie fondamentale au point que le Speaker de la Chambre des communes était assis sur un sac de laine, symbole de l'importance de ce produit. La production s'est notamment illustrée en Écosse où, dans les eaux pures de la Tweed, frontière avec l'Angleterre, les tisserands médiévaux lavaient déjà les laines si caractéristiques de leurs étoffes rustiques en armure toile et baptisées tweeds, tissus encore produits aujourd'hui.

Deux images emblématiques de la richesse de la Flandre : Portrait des époux Arnolfini (National Gallery, Londres) dans leur somptueuse maison, peint par Van Eyck en 1434, et le célèbre Syndic des drapiers (1662, Rijksmuseum, Amsterdam) où Rembrandt sut faire éclater le velouté des draps noirs et la lumière des collerettes blanches que revêtent les membres de cette puissante guilde. Car la fortune flamande se construisit autour du drap et non de la production de la laine comme en Angleterre. L'origine même des villes flamandes est liée à l'industrie textile. Les maisons patriarcales de villes comme Gand ou Bruges sont l'expression de la réussite de leurs drapiers. Les laines étaient achetées en France, en Angleterre et en Espagne par ces marchands entrepreneurs qui surent négocier dans toute l'Europe leurs draps très appréciés. Les larges rivières navigables de la plaine flamande y amenaient des commerçants venus de France et d'Italie venus acquérir les « manteaux de Frise », nom que l'on donnait alors au drap des Flandres.

Les terres argileuses flamandes fournissaient d'excellentes terres à foulon pour nettoyer et préparer les draps, des plantes tinctoriales en abondance comme la garance et le pastel, et l'eau nécessaire aux travaux de teinture et de lavage des draps. Grâce à ces avantages, le tissage de la laine atteignit très vite un grand degré de perfection, d'autant plus que les Flamands étaient les seuls à savoir obtenir un noir profond et saturé en recourant à la racine d'aune, alors que leurs concurrents étrangers ne produisaient qu'un noir de fumée ou un pastel mélangé de gaude. Mais les Flandres durent subir la très forte concurrence anglaise au xviie siècle et affronter la vogue du coton au xviiie siècle. Les circonstances politiques transformèrent aussi l'économie puisque le congrès de Vienne donna naissance en 1815 au royaume des Pays-Bas et que la Belgique en 1830 s'en sépara en proclamant son indépendance. La Hollande vit son industrie lainière décliner, tandis que la Belgique conserva des filatures. Verviers reste encore un centre drapier très important.

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L'histoire de la laine en France s'égrène au fil de noms de villes et de régions. Mais son tissage fut lié à deux matériaux différents : la laine peignée et la laine cardée. Cette dernière est formée de brins courts pour un fil épais et un peu duveteux. Les brins sont étirés ensemble de façon parallèle de manière à former un ruban de carde. Il s'agit d'une laine rustique et solide que l'on retrouve dans les tweeds et les draps épais. La laine peignée provient de toisons à longues fibres, très fines, qui permettent l'obtention d'une mèche peignée parfaitement lisse pour le tissage de draps et lainages de poids légers et d'aspect sec.

Sur la frontière avec la Belgique, Lille, Roubaix, Tourcoing et la région de Fourmies-Trélon formèrent le plus grand complexe textile français. Dès le Moyen Âge, la Flandre française possédait déjà ses troupeaux de moutons et les fabricants tissaient les laines peignées locales. Ces activités se développèrent d'autant plus que la région se spécialisa dans le tissage de la laine peignée. Le processus fut le même que celui observé en Angleterre : des tisserands indépendants travaillant à domicile, puis au milieu du xixe siècle, le développement des grandes usines de tissage, de filatures et de peignages mécaniques. Après un siècle de pouvoir lainier, la région fut sinistrée par les changements économiques de la fin du xxe siècle.

Dès le xiiie siècle, Rouen commerça de façon privilégiée avec l'Angleterre et fit venir des drapiers flamands au xive siècle. Elle se spécialisa ensuite dans des tissages fantaisie mélangés de soie et de laine. La ville normande dont le nom est le plus associé à la laine est Elbeuf, spécialisée dans les draps de couleur : drap vert pour le billard, draps de couleurs variées pour les uniformes militaires et administratifs. On se souviendra que Zola dans Au Bonheur des dames (1883) fait mourir à petit feu la boutique Au Drap d'Elbeuf, incapable de faire face à l'émergence de la nouvelle cathédrale du commerce. La Picardie, lieu de passage et proche de la région parisienne, à la fois débouché et donneur d'ordres, fut une terre de tissage de laine dès le xvie siècle. Amiens regroupait les sayetteurs tissant les laines du pays, et Saint-Quentin a gardé mémoire, sur les chapiteaux de son hôtel de ville, des « tondeux » armés de leurs grands ciseaux. La ville possède encore l'aune en métal avec laquelle on mesurait les draps lors des foires ; enfin Colbert fit venir à Abbeville, en 1665, un tisseur flamand pour assurer la réussite d'une grande manufacture. Le drap de Sedan fit la réputation de sa manufacture qu'à la fin du xviiie siècle, on disait être « la plus considérable du royaume ». La région de Troyes se consacra à la bonneterie : bonnets et bas de laine.

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La laine cardée fut surtout l'affaire du sud de la France et en premier lieu des territoires occitans autour de Toulouse, Carcassonne et Montpellier, célèbre pour son « drap d'écarlate ». Les uniformes des troupes furent pendant trois siècles souvent tissés en drap de Lodève. Le Languedoc-Roussillon connut ses heures de gloire en matière de laine cardée et de production de tweeds et lainages fantaisie à Castres, Mazamet, Lavelanet et Labastide-Rouairoux.

Les tissus de tradition

Les traditions et les techniques artisanales de tous les pays ont écrit le langage des tissus et transmis leur culture à travers les signes des étoffes.

La Chine

C'est par la soie que l'on peut raconter l'histoire des textiles en Chine. Les premiers fragments de tissus de soie découverts sur place datent de 2860 avant J.-C., mais d'après les estimations des archéologues, la soie était connue en Chine à une date proche de 4600 avant J.-C. Des pièces de textiles intactes datant de 300 avant J.-C. ont été découvertes dans les tombeaux de familles nobles provenant de vêtements de soie à armure toile brodée de dessins en fils de soie. De la même époque datent des textiles brochés sur métier. Cette technique du façonné présentant des motifs aussi bien en chaîne qu'en trame se développera au long des siècles pour des brochés multicolores à motifs floraux ou géométriques, notamment pendant toute la période T'ang (jusqu'en 900 après J.-C.). La dynastie Song (960-1279) est considérée comme une époque très brillante dans l'art du tissage avec ses gazes brochées, ses satins, ses soieries et broderies rehaussées d'or. C'est à partir du xiie siècle que les fils d'or seront plus fréquemment utilisés, et parfois même tissés avec le fond d'armure. La richesse de ces étoffes produites par des ateliers spécialisés était destinée à la cour impériale, aux rites bouddhiques, et aux privilégiés qui pouvaient les acquérir. À partir du xviie siècle, les produits issus de l'activité des ateliers ou des usines destinés à l'exportation occidentale n'étaient pas recherchés par la classe chinoise aisée. Du xive siècle au début du xxe siècle, la tradition des « arts raffinés » avec le tissage de ces textiles somptuaires fut poursuivie avec constance. Confucius n'a-t-il pas écrit : « S'il n'y a un homme qui ne laboure et une femme qui ne s'occupe de soieries, quelqu'un dans le royaume souffre de la faim et du froid. »

Le Japon

Le visage textile du Japon s'exprime principalement à travers le kimono porté par les hommes et les femmes à partir du xvie siècle. Kȳoto, ville des tisserands, fabriquait des kilomètres de brocarts de soie et d'or pour des costumes citadins, comme pour le théâtre N̄o ou les samouraïs. Parmi les motifs décoratifs souvent empruntés à la nature (branches de Prunus, feuilles, etc.), le dessin d'écailles de tortue symbolise la longévité et les iris la fidélité. Les fukusa, ces délicates pièces de soie, enveloppent le moindre cadeau. Les Japonais ont su particulièrement maîtriser la teinture à l'indigo sur coton qu'ils travaillent en réserves avec finesse.

L'Inde

On se souviendra du souhait du Mahātmā Gandhi de voir chaque indien filer le coton de son pagne de blanc, pour lutter contre l'invasion des tissus industriels anglais. Le coton fait partie du patrimoine textile de ce grand continent : tissages colorés à Madras, mais aussi mousselines immaculées très tôt envoyées en Europe. De l'épopée des toiles peintes et des indiennes imprimées, on retiendra l'un des motifs favoris : le boteh, cette larme baptisée « motif cachemire ». L'impression demeure encore l'apanage du Rājāsthan. Les saris ont toujours su mettre en évidence l'habileté des tisserands dans le tissage des brochés et lamés de soie. Le précieux cachemire est exporté dans le monde entier sous la forme de châles tissés et souvent brodés de façon très particulière.

L'Asie du Sud-Est

Avoisinant les deux grandes civilisations de l'Inde et de la Chine, l'Asie du Sud-Est possède une riche et complexe tradition textile, où la soie tient une place importante. L'habillement masculin et féminin était principalement constitué de sarongs (en Birmanie, Thaïlande, Laos et Cambodge) en soie façonnée ou tissée de motifs en ikat. Il s'agit d'une teinture à la réserve : au lieu de réserver des espaces sur une étoffe déjà tissée, on utilise un système de ligature autour des fils de chaîne ou de trame pour obtenir un dessin en réserve aux endroits où les ligatures ont empêché la teinture d'imprégner les fils.

La Thaïlande, dont l'histoire est faite de migrations et d'invasions, mêle les coutumes de ses peuples thaï et laotien. La soie, de production locale, est souvent mêlée à d'autres fibres. Le registre de motifs traditionnels géométriques obtenus par le procédé de l'ikat fait appel à des éléments naturels comme l'eau, le riz, les étoiles, le lotus, le pin, le jasmin, le bambou, le serpent.

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Le Laos avait une production textile à destination essentiellement familiale et se distinguait par des décors tissés en formes de galons. Les régions de Vientiane et de Luang Prabang étaient connues pour leurs tissages de soie somptueux dédiés à la famille royale. On tisse encore aujourd'hui pour les mariages une étoffe rayée verticalement de fils de soie verte et rouge avec une bordure brochée de motifs colorés.

Il existe également au Cambodge une tradition de fabrication de sarong de soie très fine à ikat de trame appelé samphot hol et qui pouvait se porter serré autour des jambes comme un pantalon.

En Indonésie (où la tradition des batiks sur coton est prédominante), l'île de Bali fabriquait de merveilleux ikats pour des châles de soie.

L'Asie centrale

Zone de passage, l'Asie centrale parcourue de peuples nomades a une tradition textile basée sur la laine des troupeaux (tapis, couvertures), le feutre (tentes et sols) et le tissage à point noué ou kilims (sacs et tapis), tous marqués par le génie propre des Ouzbeks, Tadjiks, Kirghizes et Afghans. La sédentarisation a permis la mise en valeur de la soie par des tissages ikatés aux couleurs profondes, qui sont ensuite matelassés pour confectionner des vêtements chauds.

L'Amérique du Sud

Les cultures andines préhispaniques ont légué les trésors des tissages Chavín, Paracas, Nasca, Huari, Chimú et Inca. Ce travail réservé aux femmes, de la fileuse à la tisserande, était souvent réalisé sur de simples métiers dits « à la ceinture ».Ces tissages d'un grand raffinement, aux motifs anthropomorphiques et imaginaires, aux couleurs vives et aux fonds denses, sont restés dans la mémoire des tisserands contemporains qui en ont gardé les traces dans leurs broderies et tissus d'aujourd'hui.

L'Amérique du Nord

L'art textile de ce grand continent est connu à travers les vêtements et les objets des Amérindiens, avant l'arrivée des colons européens. Chaque peuple avait, bien entendu, ses caractéristiques : les Indiens des plaines avec leurs perles et leurs plumes ; les femmes Inuit, fines couturières, mêlant peaux, fourrures et perles ; les Micmacs avec leurs motifs géométriques en piquants de porc-épic ; les Indiens de la côte nord-ouest aux tissages emplis d'animaux mythologiques stylisés.

L'Afrique

Le tissage, le plus souvent réalisé sur des métiers primitifs et de petite largeur, demeure le fondement de l'activité textile africaine. Les bandes étroites ainsi produites étaient cousues les unes aux autres afin de confectionner des pagnes et des tentures. Leurs motifs étaient obtenus soit par tissage broché soit sur fond uni avec la technique de réserve comme le plangi : l'assemblage parfois décalé des bandes permet des effets supplémentaires. La teinture à la terre grâce à des boues tinctoriales et à des techniques de réserve demeure le secret des tissages du Mali, les bogolans. L'Afrique est aussi un pays qui sait, par tradition, travailler l'indigo. Enfin, les fameux wax, ces tissages de coton industriels produits en Angleterre et surtout en Hollande, mélangent les techniques d'impression et de la réserve à la cire. Les dessins créés en collaboration avec les différents marchands locaux reçoivent des noms originaux par les femmes sur les marchés ; ils représentent le visage vivant du textile en Afrique.

Les textiles contemporains

Les fibres artificielles : imiter la nature

La soie artificielle, issue de la cellulose du bois, fut le premier textile né du souci d'imiter la nature et fut à l'origine de plusieurs versions comme la « rayonne » des années 1930. Elle dépassa le tonnage de la soie : en 1938, à la veille du grand conflit mondial, en région lyonnaise, l'industrie du moulinage – qui consiste à donner leur torsion aux fils, ou « ouvraison » – produisait près de 9 000 tonnes de fils ouvrés en rayonne contre 2 000 de soies ouvrées. L'acétate brillante, peu coûteuse et absorbant bien la couleur, fut appréciée notamment dans le domaine des tissus de doublure. Les fibres cellulosiques actuelles ont oublié l'aspect soyeux pour se rapprocher de l'aspect coton comme le Viloft, le Lyocell (produit à partir de la cellulose naturelle tirée de la pâte à bois, au moyen d'un procédé de filage au solvant), ou le Tencel utilisé jusque dans la fabrication de jeans doux comme peau de pêche. Les fibres obtenues récemment à partir du bambou, du soja, de l'algue et du sapin obéissent à la même recherche de la cellulose.

Inventer du nouveau : les synthétiques

Le Nylon et les polyamides

Les recherches de la soie artificielle avaient encouragé l'homme à se situer au centre de la création textile. L'aventure américaine du pétrole en matière de textile allait accomplir une révolution scientifique avec la première matière entièrement faite de la main de l'homme : le Nylon. Cette découverte présentée en 1938 avait abouti dans les laboratoires de Du Pont de Nemours, sous la direction d'un chimiste de renom, Wallace Carothers (1896-1937). Pendant onze années, la recherche s'orienta alors sur un phénomène appelé polymérisation, un procédé qui reliait chimiquement de petites molécules les unes aux autres pour former de longues rangées uniformes de grandes particules, dites polymères. Le polymère est chauffé, puis fondu afin de former une pâte, qui étirée à travers une filière, se divisera en filaments. Premier né des fils chimiques, le Nylon servit de modèle à ses successeurs, comme le polyester et l'acrylique bien que l'architecture des molécules soit différente. Le Nylon, après avoir perdu sa majuscule de marque, est devenu un nom générique pour caractériser le long enchaînement de maillons constitués par les molécules de divers « amides », d'où le terme « polyamide », auxquels les actuels Tactel et Méryl appartiennent.

Le Tergal et la famille des polyesters

S'il était possible d'enchaîner les molécules d'amides du polyamide, d'autres particules devaient bien pouvoir, elles aussi, s'organiser en longues files homogènes. Aussi, en 1941, deux chimistes anglais, J. R. Whinfield et J. T. Dickson, s'engagèrent sur la piste d'une nouvelle fibre lorsqu'ils réalisèrent la synthèse d'un dérivé de « téréphtalate ». Ils nommèrent leur invention Terylene, mais son nom générique allait devenir polyester, à cause de sa composition faite d'un enchaînement de molécules intercalées d'esters. La fibre, connue par l'intermédiaire de la marque Tergal, rencontra un fort engouement. Qui ne se souvient des costumes d'homme en Tergal aux plis indestructibles et si parfaitement raides, ou de la palette de coloris merveilleusement chamarrée exploitée par les confectionneurs américains dans les années 1950. Sensible à la chaleur, le polyester devint la matière de référence dans le monde du plissage. La belle époque du polyester accompagna celle de la naissance de la confection au début des années 1960. Mais le retour en vogue des fibres naturelles, coton, lin et laine, à l'aube des années 1970 relégua le Tergal aux garde-robes masculines et au linge de maison. Mis de côté jusqu'aux années 1980, il revint de nouveau au cœur de la recherche.

Sans s'arrêter à sa forme « primitive », les Japonais le soumirent à d'étonnantes manipulations chimiques et obtinrent les premiers véritables microfilaments d'une finesse inimaginable, car il n'en existait ni dans la nature ni dans les laboratoires occidentaux. Ce fut l'arrivée des microfibres.

Acrylique et chlorofibre

Parallèlement aux recherches qui menèrent à l'invention du polyester, les chimistes ne cessèrent d'expérimenter d'autres molécules pouvant s'aligner dans de longues chaînes de « polymères ». Dans tous les laboratoires de recherche de cette toute jeune industrie des fibres artificielles et synthétiques, les chimistes expérimentaient de nombreux matériaux. C'est ainsi que l'acrylique et la chlorofibre furent créés au cours de cette époque riche en découvertes textiles.

De ses vastes applications, notamment dans l'ameublement où ses propriétés ininflammables sont très prisées, on retiendra surtout sa carrière étonnante chez Damart, la chlorofibre étant le secret de fabrication du Thermolactyl. Rhodiacéta fut également très active sur le front des « labels » pour diverses identités de la marque Rhovyl.

Des fibres intelligentes

L'impalpable microfibre

Le terme microfibre s'emploie pour un filament mesurant moins d'un décitex (anciennement denier) ; ce dernier correspond au poids en grammes de 10 kilomètres de fil. Ainsi pour une microfibre qui mesure moins d'un décitex, cela signifie que 10 kilomètres de fil ne pèsent qu'un gramme. La performance de ces matières de synthèse au toucher incomparable dans les domaines de la protection, du confort et de la facilité d'entretien, a transformé l'approche des fils modernes. Les microfibres, qui ont été les meilleurs acteurs de ce changement, entrent dans la composition des textiles respirants, des ouates, etc. De plus, de minuscules rainures, des canaux creusés dans la surface même de la fibre, ont ajouté aux synthétiques la faculté de véhiculer la vapeur d'eau au lieu de l'absorber comme la plupart des fibres naturelles.

La polaire, une technique

La polaire n'est pas une nouvelle matière, comme il a été facile de le faire croire, mais est issue d'une autre technique. Constituée d'une maille en fibre synthétique – au départ en polyester – qui a été grattée afin d'obtenir un aspect molleton aussi doux que du velours, les polaires captent d'importantes quantités d'air dans l'enchevêtrement dense de leurs fibres synthétiques.

L'élasthane pour imiter la peau

Avant de réaliser la synthèse d'une fibre extensible comme la peau, la recherche textile s'abîma dans une longue série d'expériences infructueuses afin d'inventer un substitut au caoutchouc naturel. Cette denrée, dont l'Asie contrôlait une majorité de la production, devenait essentielle au début du xxe siècle. Un premier remplaçant, le néoprène, allait occuper l'actualité jusqu'à l'après-guerre. Ce sont encore les laboratoires de Du Pont de Nemours qui travaillèrent sur cette recherche pour aboutir à la fibre (l'élasthane), connue sous le nom de marque Lycra. Les brochures de Du Pont soulignèrent cette caractéristique proche de la nature physiologique humaine : « Le Lycra est un fil qui fonctionne comme les muscles du corps, il donne du dynamisme et de la souplesse aux tissus ». Couronné par un succès immédiat, il prit dès 1965 possession de 60 p. 100 de tous les combinés et gaines élastiques en Europe. Après cette première conquête, le Lycra poursuivit son offensive en s'assurant un quasi-monopole dans le maillot de bain et le collant. Dès la fin des années 1960 – alors que la production commerciale de la fibre date de 1962 – l'histoire des vêtements de sport a été intimement liée à celle de l'élasthane.

Membranes et enductions

Les membranes – qui se confondent avec le textile auquel elles apportent leurs qualités – sont le plus souvent réalisées à partir de pâtes microporeuses, formant ainsi une sorte de passoire dont les ouvertures laisseraient passer les molécules d'eau sous sa forme de vapeur gazeuse mais seraient étanches aux gouttes de pluie. Du Teflon – utilisé par Gore-Tex – au polyuréthane, qui peut être extensible, la membrane fine et fragile est contrecollée à un support qui peut faire office de tissu à l'extérieur ou en doublure. Cachée entre les couches d'un vêtement, elle double ses performances, offrant une protection bien supérieure à un tissu seul, aussi technique soit-il.

L'enduction est un terme technique pour qualifier ces tissus revêtus d'une substance qui vient se glisser entre les fils pour enrichir une matière de nouvelles fonctions, en changer l'aspect ou le toucher. Véritable alchimie textile, la mise au point d'une enduction repose sur l'alliage de multiples substances formant une pâte qui sera ensuite étalée sur la matière ou sur le fil. Les ingrédients choisis varient selon la composition du tissu et, dans certains cas, plusieurs couches de matières de formules différentes sont étalées sur l'une ou les deux faces du tissu. C'est ainsi qu'on a pu créer des matériaux composites alliant imperméabilité et respirabilité, des propriétés théoriquement incompatibles. Les enductions apportent des qualités nouvelles aux tissus en permettant entre autres l'imperméabilisation, la déperlance, l'easy care. Les nanotechnologies qui maîtrisent l'infiniment petit permettent de nouvelles performances dans ces domaines.

La micro-encapsulation

Du phénomène de la micro-encapsulation découle les nouvelles propriétés des fibres. Les premières apparitions de cette technique permirent l'invention du chewing-gum et du papiercarbone. Pour le premier, les microcapsules libéraient par écrasement des saveurs chimiques, pour le second, une encre. Aujourd'hui, l'industrie fabrique toutes sortes de capsules, étanches et rigides ou au contraire poreuses et éphémères dans lesquelles des produits peuvent être injectés, un médicament ou une huile essentielle par exemple. Une fois les principes actifs emprisonnés dans ces minuscules billes, celles-ci sont disséminées soit dans le tissu, soit dans la fibre synthétique elle-même au moment de sa fabrication. Ainsi, des pigments à base de cristaux liquides sensibles à différents éléments sont aujourd'hui micro-encapsulés. Grâce à ces procédés, on peut imaginer des étoffes réagissant à la chaleur, à la lumière, à l'eau, au son, au magnétisme, à la radioactivité. À titre d'exemple, des microcapsules, contenant des agents hydratants ou parfumés, ont été logées dans les mailles de certains collants.

Les climatiques

Souvent créées pour les besoins des sportifs de haut niveau, ces matières, qui réunissent dans une même fibre les propriétés thermiques de la laine et celles, climatiques, du lin par de savantes structures et des alliages inédits, ont peu à peu été intégrées à notre garde-robe quotidienne dans des versions plus ou moins élaborées.

Hydrophobes de nature, les polyesters et les polyamides modernes sont dotés de structures sophistiquées qui évacuent l'humidité générée en permanence par le corps : microscopiques rainures, canaux creusés ou fibres creuses drainent les particules d'eau vers l'extérieur, afin d'en faciliter l'évaporation.

La sophistication de la recherche

La recherche contemporaine est dirigée dans deux directions : l'application du numérique au textile et l'émergence de nouvelles sources de fibres à partir de la nature. Le numérique est en fait une valeur ajoutée et non pas une composante : il s'agit d'appliquer les vertus du G.P.S. ou d'intégrer des caméras ou des systèmes vidéo à un textile ou un vêtement. Ces trouvailles occasionnelles sont abondamment médiatisées et contribuent à rendre très confuse, dans l'esprit du public, la notion de nouveaux textiles. Par ailleurs, les nouvelles sources, présentées comme écologiques, telles l'utilisation du bambou ou des algues, sont en fait de nouvelles applications de la transformation de la cellulose.

Les réflexions actuelles s'orientent vers les fibres naturelles à « réinventer ». Plus de 50 p. 100 du coton produit dans le monde est transgénique... Des toxines permettant, par exemple, de lutter contre les larves d'une peste peuvent être injectées au coton. Des recherches constantes vont dans cette direction, dont les applications sont étudiées pour améliorer la finesse du lin ou « défriser » la laine par un traitement chimique.

L'industrie textile à travers le monde

Lors des dernières décennies, les mutations de l'industrie textile ont été pour l'Occident spectaculaires et douloureuses. Pendant longtemps les échanges internationaux ont été soumis à un régime exceptionnel de limitations quantitatives régies par des accords dits multifibres. En 2005, ce système des quotas arriva à expiration en même temps que la Chine, en plein développement économique, entrait dans l'Organisation mondiale du commerce : on assiste donc alors à une profonde remise en cause l'industrie – et particulièrement en matière textile – à l'échelle mondiale.

Les États-Unis, qui se protègent des importations par des clauses de sauvegarde, soutiennent leurs producteurs de coton des États du Sud par des subventions non admises par l'O.M.C. Ils restent encore producteurs de tissus et également leaders en matière de tissus techniques et technologiques.

Le coton

Le coton reste la grande affaire textile de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, même si les filières du coton-graine et du coton-fibre ont parfois des difficultés. Le coton demeurant la fibre textile la plus largement utilisée dans le monde, malgré l'apparition des fibres synthétiques, on peut espérer que l'Afrique trouve là un débouché important, aidée en cela par la filière du commerce équitable qui s'y implante de façon durable.

La Chine se retrouve donc en tête des producteurs de soie, de lin et de coton, mais en se situant dans la zone de produits de grande consommation. Il semblerait cependant qu'elle souhaite restructurer son secteur textile, qui s'est imposé dans le monde entier avec ses produits bon marché, pour le tourner vers des produits à plus haute valeur ajoutée. Pour faire face, les industriels européens doivent à la fois s'introduire sur les marchés de ces grands pays émergents (Chine et Inde principalement), lutter pour la préférence régionale que représente la zone euro méditerranéenne, et surtout investir dans l'innovation et le maintien de leur savoir-faire : ce que l'on appelle des niches de création. L'Italie a très bien su se placer, notamment dans le domaine de la laine, même si les grands pays producteurs de fibre sont l'Australie, la Chine et la Nouvelle-Zélande. En effet, la production italienne représente plus de 40 p. 100 de la valeur globale de la vente de tissus de laine.

La soie

Le circuit commercial de la soie relève de nos jours d'un quasi-monopole pour la fourniture de la matière première : « les écrus » proviennent en effet dans leur grande majorité de Chine, pays également utilisateur. Loin derrière la Chine, se placent l'Inde, le Japon, des États de l'ex-Union soviétique, le Brésil, les deux Corée et la Thaïlande. La plupart de ces pays consomment leur production, voire importent de la soie grège : c'est le cas du Japon qui complète ainsi sa production nationale. L'Inde, deuxième pays producteur, consomme 85 p. 100 de sa production et exporte les 15 p. 100 restant sous forme de tissus et d'accessoires. Depuis les années 1950, le tissage traditionnel à la main a été soutenu en prenant en compte la recherche appliquée et l'apprentissage.

La République de Corée n'est plus un pays producteur important : elle doit importer de la soie grège de Chine et également des cocons produits par des entreprises coréennes établies en association avec des filatures en Colombie. La Thaïlande est un pays producteur, dont les soies sont très appréciées des touristes étrangers, et qui essaie d'augmenter sa production pour s'affranchir de ses importations chinoises de soie grège.

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Les pays utilisateurs et non producteurs, comme la France et l'Italie, importent leur matière première à 90 p. 100 de Chine, le reste provenant du Brésil. L'Europe dans son ensemble importe de la soie grège (4 000 à 4 500 tonnes) pour la transformer, ainsi que des tissus écrus aux fins de teinture et d'impression. Une partie importante de cette production européenne transite par différents pays de l'Europe elle-même, avant d'être expédiée vers le Japon et les pays du Golfe. Quant aux États-Unis, ils importent la quasi-totalité de leurs besoins en soie sous forme de produits finis, car l'industrie américaine de la soie est minime.

Après les épizooties de la fin du siècle, l'Italie remonta ses élevages de vers à soie à partir de souches japonaises. Après la Seconde Guerre mondiale, Côme, ultime escale pour la soie au long cours, allait devenir un nouveau centre de production, notamment pour le travail de l'impression sur soie. Au nord de la péninsule, la région de Brienza autour de Côme et de Milan, maîtrise la création contemporaine. En France c'est aujourd'hui dans le décor d'ameublement que l'on trouve les plus belles réalisations maintenant à la fois tradition et esprit de création. En Grande-Bretagne, la fabrication et la diffusion de fils de soie sont de plus en plus demandés pour la broderie et le décor : au bout du fil, le rêve...

Le lin

Toujours lié aux caprices des saisons, à la bienveillance des sols, du ciel et de l'eau, le lin d'aujourd'hui ne suit plus tout à fait les routes d'autrefois. Les producteurs de graines d'excellente qualité et les meilleures plantes sont toujours en Europe et quantitativement en France. La Chine pour sa part achète de la fibre en Europe pour la transformer en fil et en tissu. Il s'agit là d'un défi pour l'industrie européenne qui doit compenser ce transfert par une recherche de créativité et de qualité. Les marchés européens sont les premiers consommateurs de lin, suivis par les États-Unis. Il semblerait aussi que le côté naturel et raffiné du lin, déjà inscrit dans la tradition japonaise, soit en train d'ouvrir ce pays à de nouvelles perspectives par rapport au lin européen.

Tandis que le textile est devenu affaire de mondialisation, il doit aussi travailler son image sur le consommateur. N'ayant plus à fabriquer son vêtement (ce qui fut vrai en grande partie jusqu'à la Seconde Guerre mondiale), celui-ci ne connaît plus les matériaux et doit se fier – quand l'envie lui en vient – aux nombreuses étiquettes et logos censés le renseigner. D'où l'importance de la communication et de l'information commerciale. Mais rien dans ce domaine, ne peut remplacer le face-à-face homme-tissu qui reste en partie encore une affaire de rencontre.

— Claude FAUQUE

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Écrit par

  • : ancien directeur de l'École nationale supérieure des arts et industries textiles
  • : docteur ingénieur, docteur ès-sciences, directeur du Laboratoire de physique et mécanique textiles, université de Haute-Alsace, Mulhouse
  • : auteure, consultante culturelle, historienne du textile
  • : ancien directeur du laboratoire de chimie de l'Institut textile de France, Paris
  • : docteur-ingénieur, docteur ès sciences, directeur de l'École nationale supérieure des industries textiles de Mulhouse
  • : docteur-ingénieur, docteur ès sciences, professeur en sciences textiles, directeur honoraire de l'École nationale supérieure des industries textiles de Mulhouse

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Médias

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La laine du Commonwealth

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