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THÉÂTRE OCCIDENTAL La dramaturgie

Le théâtre est d'abord un spectacle, une performance, un travail corporel, un exercice vocal et gestuel, le plus souvent dans un décor particulier. Il est aussi une représentation, autrement dit un moyen esthétique d'offrir au spectateur l'illusion que les corps, les décors, les voix et les gestes sont autre chose que ce qu'il voit directement et que cet ensemble est le simulacre d'une autre réalité : il ne s'agit donc pas ici – et on le lit chez Aristote – de mimer la réalité pour l'imiter exactement, mais de fournir une mimésis, autrement dit d'installer un rapport, réfléchi et médiatisé par l'œuvre d'art, avec le monde. Enfin, le théâtre est encore un texte plus ou moins fixé, produit par un ou plusieurs auteurs, destiné à être représenté par des comédiens (et donc vu par des spectateurs), mais aussi à être lu.

Parce qu'ils se situent au carrefour des différentes dimensions de l'événement théâtral, il est nécessaire de prendre en compte tous les aspects de la définition des mots « dramaturge » et « dramaturgie ».

Pendant longtemps, « dramaturge » a signifié purement et simplement « auteur dramatique ». Et si, au xviiie siècle, le mot français a parfois été employé dans un sens défavorable, il conserve jusqu'au xxe siècle cette acception première. « Dramaturge » et « auteur dramatique » sont donc souvent interchangeables, ce qui revient à dire que le texte prime, que l'auteur est le principe même du spectacle et que, d'une certaine manière, la lecture littéraire domine le théâtre. Dès lors, « la dramaturgie » a été le plus souvent conçue comme une étude de l'art de la composition. Cette étude, généralement synchronique et théorique, s'applique à décrire et à mettre en perspective (formelle, esthétique et parfois historique) les structures et les motifs propres à l'élaboration du texte par l'auteur, à les situer en regard de l'esthétique définie par les théoriciens (qui peuvent être des auteurs) et à évaluer ainsi les effets souhaités ou présumés sur des spectateurs potentiels et des lecteurs instruits. On parlera donc de « la dramaturgie cornélienne » pour définir la position théorique de Pierre Corneille en matière de tragédie, on établira un rapport entre cette « dramaturgie » et celle de ses devanciers (Rotrou), de ses concurrents (Thomas Corneille, Racine), de ses contradicteurs (Scudéry) et des théoriciens qui lui sont contemporains (d'Aubignac), et l'on analysera l'effet de cette construction sur le public.

C'est en Allemagne, avec G. E. Lessing (1729-1781), que le dramaturg (distinct en cela de la fonction du dramatiker, qui écrit les pièces) devient celui qui met en œuvre une activité théorique et pratique à même d'assurer le lien entre le texte et la mise en scène, puis qui jouera un rôle de praticien-conseiller en matière de lecture interprétative du texte de théâtre, de programmation et de choix des spectacles, et de recours historique et théorique pour ceux qui en assurent la représentation. C'est ainsi qu'au contact de la tradition allemande, en particulier brechtienne, la mise en scène européenne et française du xxe siècle a fini par adapter cet ensemble de fonctions à ses habitudes de production, qui incluent l'espace de la scène comme le corps de l'acteur.

Dès lors, le travail dramaturgique, qu'il soit le fait d'un dramaturge, d'un metteur en scène ou des comédiens organisés en groupe décisionnel, aura pour objet d'envisager le passage du texte à la représentation. De plus, cette fonction se trouvera incluse (ce qui est aussi le rôle du dramaturge en Allemagne depuis quelques dizaines d'années, et en France parfois) dans une perspective plus large qui est celle de la politique esthétique du théâtre lui-même, en tant[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : maître de conférences en études théâtrales à l'université de Paris-III

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