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TRISTES TROPIQUES, Claude Lévi-Strauss Fiche de lecture

Claude Lévi-Strauss, 1981 - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Claude Lévi-Strauss, 1981

« Un grand livre » : ainsi Georges Bataille saluait-il dans la revue Critique la publication par Claude Lévi-Strauss de Tristes Tropiques (1955), « un livre humain [...]. Peu d'ouvrages soulèvent des problèmes aussi vastes, aussi fondamentaux ». Un ouvrage inclassable aussi : à la fois récit de voyage, témoignage de savant, méditation de philosophe (non au sens académique du terme, que l'auteur abomine, mais compris comme une recherche sincère de la vérité et de la sagesse), servi par un style à la hauteur de ses modèles : Rousseau et, moins explicite, Chateaubriand.

« Je hais les voyages et les explorateurs. »

L'incipit devenu célèbre de Tristes Tropiques en énonce d'emblée le paradoxe : Lévi-Strauss s'apprête à livrer le récit des expéditions qui ont fait de lui un ethnologue de métier, chez les Indiens du Brésil (Caduveo et Bororo, Nambikwara, Tupi-Kawahib) dans les années 1935-1938 ; or « l'aventure n'a pas de place dans la profession d'ethnographe ; elle en est seulement une servitude ». Le goût de l'exotisme n'est que le revers inconscient d'une propension de l'Occident à réduire l'autre à des mirages : « non satisfait encore de vous abolir », écrit Lévi-Strauss à l'adresse des « sauvages de la forêt amazonienne », « il lui faut rassasier fiévreusement de vos ombres le cannibalisme nostalgique d'une histoire à laquelle vous avez déjà succombé ».

Il s'agit donc d'autre chose : du récit, à la fois ironique et mélancolique, et à la première personne, d'une initiation qui, plaçant le lecteur dans la position finalement intenable mais nécessaire de l'ethnographe, voudrait l'amener à une sorte de conversion. Divisé en neuf parties et quarante courts chapitres, Tristes Tropiques peut se lire selon un mouvement ternaire. Un premier tiers (parties I à IV) prépare le lecteur, par une suite de préliminaires et de digressions sur le voyage ; il aboutit au parallèle saisissant des tropiques d'Amérique et d'Asie (Inde, Bengale) – ces villes surpeuplées où se lit, à rebours du monde amérindien, « l'image de notre futur ».

Après un cahier de documents photographiques, le cœur du livre (parties V à VIII) est consacré aux trois missions d'exploration, mêlant à la riche moisson ethnographique des éléments d'autobiographie. Lévi-Strauss offre au passage quelques échantillons de sa méthode, sans la nommer ici « structurale » : l'attention portée aux faits (lieux, rites, relations entre les sexes...) permet de dégager un système, le « style » d'un peuple ; car « les sociétés humaines ne créent jamais de façon absolue, mais se bornent à choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu'il serait possible de reconstituer ». Il ne cesse de réfléchir à l'écart entre l'acteur et l'observateur : ainsi lors de la « leçon d'écriture » aux Nambikwara, occasion d'une virulente attaque (à la manière du Discours sur les sciences et les arts de Rousseau) de la supposée supériorité de la civilisation occidentale.

Enfin, c'est « le retour » (partie IX), vaste réflexion comparative qui, passée par l'islam puis le bouddhisme indien, invite dans les dernières pages à « se déprendre », se libérer de notre « labeur de ruche [...] dans la contemplation d'un minéral plus beau que toutes nos œuvres ; dans le parfum, plus savant que nos livres, respiré au creux d'un lis ; ou dans le clin d'œil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque, qu'une entente involontaire permet parfois d'échanger avec un chat ».

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    ...nécessaire, ce qui conduit Claude Lévi-Strauss à supposer que « la fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l’asservissement » (Tristes Tropiques, 1955). Rassembler tout ce que l’on peut savoir des individus composant la société, puis transmettre à tous les étages du commandement...