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TURKESTAN RUSSE

La région d'Asie centrale, qui est limitée au nord par la Sibérie, au sud par l'Iran, l'Afghanistan, l'Inde et le Tibet, à l'ouest par la mer Caspienne, à l'est par la Mongolie et le désert de Gobi, et qui est peuplée en majorité de musulmans turcs, est appelée Turkestan, une dénomination conventionnelle. Sa partie orientale est le Xinjiang, ou Turkestan chinois. Sa partie occidentale forme le Turkestan dit russe, longtemps dénommé Asie centrale soviétique, qui comprend, depuis 1991, cinq États indépendants qui ont succédé aux Républiques socialistes soviétiques qui portaient le même nom : au nord, le vaste Kazakhstan (ethnie autochtone dominante : Turcs Kazakh ; capitale Astana) ; au sud, imbriqués d'ouest en est, le Turkménistan (ethnie dominante : Turcs Turkmènes ; capitale Achkhabad), l'Ouzbékistan (ethnie : Turcs Ouzbek ; capitale Tachkent), le Tadjikistan (ethnie : Persans Tadjik ; capitale Douchanbé), le Kirghizstan (ethnie : Turcs Kirghiz ; capitale Bichkek, ex-Frounze).

L'achèvement de la turcisation de l'Asie centrale remonte à l'époque gengiskhānide avec les Djaghataïdes, dynastie fondée par le deuxième fils de Gengis khān. Après eux, les Timurides (dynastie fondée par Timur ou Tamerlan en 1370 ; capitale Samarkand) et les Sheybanides (ou Šaibanides, xvie siècle ; capitale Bukhāra), bien que turcs, prétendent à une ascendance gengiskhānide. Au xviiie siècle, lorsque la présence russe s'affirme en Sibérie aux marges des steppes turques, celles-ci sont partagées, dans leur moitié septentrionale, entre les trois hordes (juz) dites grande, moyenne et petite, du khanat kazakh, et, dans sa moitié méridionale, entre le khānat de Khiva et les tribus turkmènes qu'il a sous son obédience, l'émirat de Bukhāra et le khānat de Kokand. Elles sont livrées à une anarchie dont les Russes vont profiter pour s'infiltrer lentement, obstinément, en jalonnant leur avance de forteresses, avant la conquête militaire finale. Les Kazakh passent sous le protectorat russe entre 1731 et 1742, et leur intégration devient définitive au cours du xixe siècle. En 1868, l'émirat de Bukhāra fait à son tour allégeance au tsar, puis en 1873 le Khiva, en 1875-1876 le Kokand, et en 1873-1881 les tribus turkmènes.

Le Turkestan est alors organisé en un gouvernement général relevant du ministère de la Guerre ; contrairement à la Sibérie, aucune colonisation massive n'y est tentée. Les structures socio-religieuses islamiques sont préservées, les écoles coraniques favorisées. Néanmoins, l'influence indirecte du capitalisme russe bouleverse l'économie traditionnelle. Le sentiment national turkestanais, qui a mis longtemps à naître, se cristallise au début du xxe siècle, à Bukhāra en particulier (mouvement des žadid ou « novateurs »). La révolution de 1917 entraîne l'Asie centrale dans ses remous. Des soviets et des gouvernements provisoires se créent ; une République populaire naît à Bukhāra, qui, dominée par le personnel administratif de l'ancien régime, cherche à sauvegarder son indépendance, tandis que se propage à travers tout l'émirat l'importante rébellion antisoviétique des Basmači (commandée à la fin par Enver Pacha), qui symbolisa la résistance turkestanaise à la colonisation russe ; calmée partiellement en 1923, elle dura au moins jusqu'en 1928, sinon plus tard. Cependant, à partir de 1920, la République socialiste soviétique autonome (RSSA) du Turkestan s'organise au sein de l'Union soviétique ; puis elle se fragmente en 1924 entre les cinq RSSA qui deviendront chacune indépendante en 1991.

— Françoise AUBIN

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)

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