LANGUES TYPOLOGIE DES
La notion de « typologie » implique de situer des types, c'est-à-dire des proximités entre langues, de façon à établir des cadres de classement. Concernant les langues, la diversité est telle qu'il n'est pas aisé de les ramener à quelques « types ». D'une part, parce qu'il est difficile de situer et de fixer des critères de regroupement ; d'autre part, les langues, de quelque côté qu'on les aborde, se retrouvent généralement à cheval sur plusieurs types.
Comme la traduction, la typologie des langues s'avère donc a priori un exercice impossible. Mais, pourtant, on traduit. Et on continue de classer les langues. La typologie est même l'une des disciplines de la linguistique les plus en pointe. Elle vise aujourd'hui à s'appliquer à des centaines de langues, grâce à des bases de données de plus en plus importantes. Ainsi, les corpus de travail se sont considérablement accrus : Hagège (2001 [1982]) travaille avec un corpus de 754 langues, Dryer (1992) de 625 langues (1992) et Lemaréchal (2004) de 35 langues, ce qui permet encore difficilement d'extrapoler. Par exemple, le domaine des langues austronésiennes (de l'océan Indien jusqu'au Pacifique) compte près de 1 000 langues répertoriées.
La typologie des langues, en tant que discipline de la linguistique, vise à l'élaboration d'une science. Cela, d'un point de vue quantitatif, par le recours à des données statistiques. Et d'un point de vue qualitatif, en s'efforçant à une rigueur d'analyse et à l'élaboration de règles de prédictivité des structures d'une langue. Ainsi est-on amené à se poser certaines questions en ces termes : si une langue comporte une particularité donnée, il faut s'attendre aussi qu'elle en comporte d'autres qui lui sont corrélées. On postule par exemple, à partir de l'observation de centaines de langues, que lorsque l'objet suit le verbe, le complément de nom ou le génitif suit l'objet.
Quelle classification ?
Si on regarde comment s'est posée l'idée d'une classification scientifique des langues, principalement à partir du xixe siècle, on note que c'est la découverte de la proximité de formes dans certaines langues qui a conduit à l'hypothèse d'une langue commune.
Vers une « science des langues »
Le déchiffrement du sanscrit, à la fin du xviiie siècle, commence à mettre en lumière ces proximités entre langues. Ainsi, la comparaison entre le latin genus (« famille, clan ») et le grec génos montre une ressemblance morphologique et sémantique. Elle s'affirme dans les déclinaisons : genus, generis, generi, genere, genera, generum, etc. ; en grec génos, géneos, géneï, génea, genéōn, etc. Et elle se confirme dans la série correspondante du sanscrit (jánas, jánasas, jánase...). Le sanscrit se révèle un jalon précieux entre grec et latin, car il permet d'établir des correspondances sur de vastes séries. Il restait à relier ces parallélismes les uns aux autres en posant que jánas représenterait un état primitif, un s ayant probablement disparu entre deux voyelles dans les formes grecques de type géne(s)os. S qui, en latin, s'est transformé en r à l'intervocalique (*genesis>generis). Dans d'autres séries, s s'est la plupart du temps maintenu en indo-européen à l'initiale : latin septem, grec keptá, sanscrit saptá, qui subsiste dans le gotique síbun (allemand siben), etc. De fil en aiguille se découvrent d'autres constantes. Ainsi, m ou n peuvent développer une voyelle de type a (latin septem, grec hepta, sanscrit saptá = « sept »). C'est donc tout un ensemble de constantes qu'il est possible de relever de proche en proche et d'expliquer en reconstituant des évolutions.
C'est surtout la comparaison de langues indo-européennes[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Loïc DEPECKER : agrégé de grammaire, docteur en linguistique, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne
Classification
Autres références
-
ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés
- Écrit par Philippe PELLETIER
- 23 142 mots
- 4 médias
...Malayo-Polynésiens ou les Turco-Mongols). Mais cette classification, qui repose sur des critères phénotypiques, ne recouvre pas systématiquement celle des langues, pour lesquelles existent, sinon s'opposent, plusieurs typologies. Le linguiste Joseph Greenberg (1915-2001) a émis l'hypothèse d'une macrofamille... -
BOPP FRANZ (1791-1867)
- Écrit par Louis-Jean CALVET
- 536 mots
Né à Mayence, Franz Bopp étudie à Paris de 1812 à 1816 (le persan, l'arabe, l'hébreu, le sanskrit), puis à Londres de 1816 à 1820. Il est le fondateur de la méthode comparative en linguistique. Son ouvrage, Le Système de conjugaison du sanscrit comparé avec celui des langues...
-
CAUCASE
- Écrit par André BLANC , Georges CHARACHIDZÉ , Louis DUBERTRET , Encyclopædia Universalis et Silvia SERRANO
- 17 147 mots
- 4 médias
Un grand nombre de langues concentrées sur un espace restreint, tel est toujours apparu le Caucase à ses observateurs, depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine : 70 langues parlées en Abkhazie selon Strabon (20 après J.-C.), 130 interprètes pour les Romains, au même endroit, d'après Pline ;... -
DIACHRONIE ET SYNCHRONIE, linguistique
- Écrit par Catherine FUCHS
- 1 199 mots
- 1 média
Par ailleurs,le regain d'intérêt porté depuis les années 1980 aux questions touchant à l'origine du langage ainsi qu'à la filiation des langues a conduit à bouleverser l'échelle historique prise en compte dans les travaux récents consacrés à l'évolution linguistique. Les uns, s'appuyant sur des considérations... - Afficher les 10 références