PANTON VERNER (1926-1998)
Le designer danois Verner Panton reste bien assis sur la seconde moitié du xxe siècle, grâce à un siège insubmersible : la voluptueuse chaise Panton, qu'il conçut en 1954.
Moulée d'une seule pièce dans une résine synthétique, en porte à faux, cette chaise empilable représente au moment de sa création une performance technologique. Elle est aussi porteuse de tous les attributs de la modernité des années 1950, et constitue ainsi une date dans l'histoire du design. Mais si elle a traversé les décennies sans perdre de sa superbe, c'est que son inventeur est allé au-delà de l'objet technologique ou de la mode, dessinant un signe en zigzag universel, marqué par sa couleur originelle – un rouge ardent –, et sublimé par une forme à la sensualité pérenne. La chaise de Panton est aussi riche des recherches formelles du passé, et offre comme une synthèse parfaite et élancée de la Zigzag (1934) de Gerrit Rietveld et de la Sanluca (1959) d'Achille Castiglioni. Elle est à la fois forte et libérée de l'apprentissage de son auteur, architecte designer diplômé de l'Académie des beaux-arts de Copenhague, qui a d'abord travaillé chez son aîné Arne Jacobsen, de 1950 à 1952.
Mais Verner Panton n'est pas réductible à ce siège célébrissime : l'ensemble de son œuvre sert de référence (assumée ou inconsciente) à nombre de créateurs contemporains. Le monde qu'il a inventé se déploie dans l'espace, et il fait l'objet de réévaluations régulières grâce aux présentations qu'en font galeries et musées.
En 2004, le Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein en Allemagne, du nom de l'entreprise de meubles qui l'a édité dès les années 1960, le réédite et le collectionne aujourd'hui dans son musée, était à l'origine d'une exposition qui passa l'été en France, à la Saline royale d'Arc-et-Senans dans le Doubs (1774-1779) conçue par Claude-Nicolas Ledoux. Entre l'ensemble architectural imposant de ce dernier et la suavité des mini-architectures de Panton apparaissait un contraste que le scénographe Dieter Thiel choisit d'inclure, sous la voûte de l'ancienne halle à sel, dans quatre grands cubes, noir, bleu sombre, orange et blanc, recréant les bains de couleur sensoriels chers à Panton, qui estimait : « On s'assoit plus confortablement sur une couleur que l'on aime. » L'exposition se concentrait sur un moment dans son œuvre prolifique, entre le milieu des années 1950 et celui des années 1970.
Dès la série des chaises Cône, en 1958, il apparaît clairement que Panton recherche une rupture avec le « beau design ». Travaillant entre recherche expérimentale et production industrielle, jouant avec des formes géométriques, explorant les tout nouveaux plastiques et tissus synthétiques, les mousses structurantes, intégrant le graphisme, projetant les formes les plus souples, inscrivant toujours ses pièces dans l'espace, celui-ci se faisant meuble, Panton s'impose comme un grand designer international, succédant aux Américains Charles et Ray Eames ou George Nelson, qu'il admire, et côtoyant les Français Pierre Paulin et Olivier Mourgue. Mais plus qu'eux tous, il aura investi chacun des domaines du design, du mobilier aux luminaires, de la conception de tapis et de tissus, de l'architecture (même s'il a peu bâti) à la décoration intérieure. Comme l'Italien Joe Colombo (1930-1971), il a ainsi conçu des « systèmes » d'objets très complets, modulaires, pour mieux dessiner le paysage domestique des années 1960 et 1970.
« Je déteste entrer dans une pièce et voir le canapé, la table basse et deux chaises, sachant immédiatement que nous allons être coincés ici toute la soirée, prévient Panton. J'ai conçu des meubles qui peuvent être levés ou abaissés dans l'espace, pour que chacun ait une[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Anne-Marie FÈVRE
: journaliste à
Libération
Classification
Média
Autres références
-
DESIGN
- Écrit par Christine COLIN
- 8 028 mots
- 1 média
La chaise Panton (édition Hermann Miller, 1968) synthétise les deux principales inventions typologiques du xxe siècle en matière de siège (la coque et le piétement en porte-à-faux). Mais, c'est en tant qu'objet monobloc qu'elle incarne l'idéal industriel. Elle est produite en une seule opération qui...