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VOIX OFF, cinéma

Procédé narratif consistant à faire commenter l'action d'un film par un narrateur, qui peut être ou non l'un des personnages de la fiction et qui peut être ou non présent à l'écran au même moment. La voix off (hors champ) implique presque toujours un recul par rapport à l'action en cours : elle suppose donc une interprétation de cette action.

Utilisé de manière courante dans le film documentaire, ce procédé n'en a pas moins servi, souvent avec bonheur, les œuvres de fiction. Davantage que dans les rares essais de caméra subjective (dont l'exemple le plus abouti reste La Dame du lac[Lady in the Lake], 1947, de Robert Montgomery), il faut voir là l'équivalent de l'emploi du « je » en littérature. Aussi n'est-il pas étonnant que l'usage le plus systématique en ait été fait dans les adaptations de romans, l'un des premiers exemples, et peut-être le plus célèbre, étant Le Roman d'un tricheur, de Sacha Guitry (1936), où le décalage subtil entre l'action et le commentaire de l'auteur produit un fort effet d'ironie, typique de la manière de Guitry, dont Orson Welles saura se souvenir dans Citizen Kane (1941). Si la voix off donne le ton d'ensemble à certains films (c'est le cas pour Le Journal d'un curé de campagne de Bresson, 1950, comme pour Le Fleuve de Renoir, 1951), elle excelle à susciter le contrepoint. Ainsi dans Senso de Visconti (1954), alors qu'au début du film les décors, la couleur, l'environnement sonore plongent le spectateur dans l'ambiance somptueuse mais assez extérieure de l'opéra, l'intervention de la voix off, en le situant dans la conscience de l'héroïne, lui confère la dimension de l'intériorité.

Le Roman d'un tricheur, Guitry - crédits : General Photographic Agency/ Moviepix/ Getty Images

Le Roman d'un tricheur, Guitry

Citizen Kane, O. Welles - crédits : Keystone/ Hulton Getty

Citizen Kane, O. Welles

La voix off peut être davantage qu'une adaptation au cinéma du monologue intérieur, lorsqu'elle met en question l'essence du récit cinématographique classique, à savoir la compatibilité de l'image et du son, et la subordination de celui-ci. Citons quelques exemples : la polyphonie toujours plus complexe des films de Jean-Luc Godard (voix, musique et image sont traités comme un seul matériau) ; la dissociation à l'œuvre dans les films de Guy Debord, où le texte, sans être un commentaire, détourne la représentation de la société marchande qu'avalise le cinéma (La Société du spectacle, 1973) ; dans Méditerranée de Jean-Daniel Pollet (1963), au contraire, la voix soutient plan par plan le rythme des séquences, leurs retours et leurs brisures jusqu'à ce qu'une réalité compacte prenne forme, dont la distance infinie fait l'objet même du film : qu'est aujourd'hui pour nous la mémoire de l'Antiquité ?

— Jean-Louis COMOLLI

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Le Roman d'un tricheur, Guitry - crédits : General Photographic Agency/ Moviepix/ Getty Images

Le Roman d'un tricheur, Guitry

Citizen Kane, O. Welles - crédits : Keystone/ Hulton Getty

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