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11 SEPTEMBRE 2001 (mise en scène A. Meunier)

Parmi les nombreuses célébrations, dix ans après les attentats qui eurent lieu aux États-Unis, les représentations de la pièce de Michel Vinaver, 11 Septembre 2001, revêtaient un caractère particulier. Tourné vers l'avenir, le spectacle d'Arnaud Meunier conduit avec des lycéens de Seine-Saint-Denis relevait non de la commémoration, mais d'un « rituel de réparation », selon l'expression du sociologue Luc Boltanski, observateur du projet.

Bilingue, lié à la culture des États-Unis par ses études d'adolescent juif réfugié avec sa famille, puis par son activité professionnelle dans la multinationale Gillette, Michel Vinaver avait déjà situé plusieurs pièces de l'autre côté de l'Atlantique (L'Ordinaire et King), ou bien dans le contexte d'une entreprise américaine (Par-dessus bord et À la renverse). Rivé à la télévision les premières heures après les attentats du 11-Septembre, plongé dans la lecture des journaux les jours suivants, il a préféré ne pas attendre « la banalisation du souvenir » et la sédimentation des commentaires. Il a très vite renoué avec l'écriture, directement en anglais, avant de donner lui-même la version française, à l'exception des paroles d'un chœur restées en langue originale. Le texte fut conçu comme un livret, initialement destiné au musicien Georges Aperghis, finalement créé en 2005 à Los Angeles par Robert Cantarella, malgré l'autocensure, peu avant les représentations, des services culturels de l'ambassade de France. Ceux-ci avaient retiré leurs subsides au projet à cause de citations alternées de Ben Laden et de Bush, qui s'achevaient par un parallélisme exemplaire : « Que Dieu nous protège » et « Que Dieu nous bénisse ».

Cette juxtaposition est caractéristique de la technique du montage pratiquée par Michel Vinaver et d'une dramaturgie de « l'imitation » choisie pour « réfléchir » l'événement. Dans le même rythme de versets, sans rime, ni mètre, adopté au long du texte, seule la déclaration finale d'une jeune femme, préservée grâce à la maladie de son fils, qui l'avait amenée à rester à la maison, relève explicitement de la fiction. Le reste des airs, parties chorales, récitatifs, selon une forme de cantate inspirée de J. S. Bach, correspond le plus souvent à des emprunts au réel : « voix masculine non identifiée (léger accent arabe) » en alternance avec celles des équipages et des contrôleurs du trafic aérien, voix d'un passager dans le troisième avion avec le chœur « Fragile Beauty under Assault », voix d'un journaliste, témoin et commentateur au Ground Zero, avec celle de rescapés bien individualisés, voix d'un laveur de vitres avec celles de cinq autres hommes qui ont pu être sauvés grâce à lui, voix de Mohammed Atta lisant son testament avec celles de traders anticipant les conséquences économiques...

Le soir du 11 septembre 2011, ces mots résonnèrent au Théâtre de la Ville à Paris, tandis que Michel Vinaver participait à une soirée spéciale en direct sur France Culture. Mais peut-être la plus grande émotion avait-elle réuni l'auteur, les jeunes interprètes, accompagnés de cinq comédiens professionnels, et les spectateurs, lors de la première qui s'était tenue la veille, après des répétitions publiques au Forum culturel du Blanc-Mesnil et la générale à la Comédie de Saint-Étienne. Dans le premier lieu, Arnaud Meunier, fondateur de la compagnie de la Mauvaise Graine, a animé quatorze années durant des ateliers avec des élèves. Dans le second, il poursuit une longue tradition de théâtre populaire, comme nouveau directeur du Centre dramatique national. Le spectacle marquait l'aboutissement d'un long parcours amorcé plus d'un an auparavant dans trois établissements de Seine-Saint-Denis, à Aulnay-sous-Bois, Bondy, Noisy-le-Grand,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Poitiers, critique théâtrale de La Quinzaine littéraire et de En attendant Nadeau

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